Je vois des gens qui sont morts

Depuis que Haley Joël Osment a prononcé ces terribles mots les yeux baignés de larmes et de terreur face à Bruce Willis, le nom de M. Night Shyamalan fait toujours son petit effet dans le paysage hollywoodien. Sa filmographie est jonchée de personnages fragiles tant sur le plan moral que physique, si on se penche sur ses œuvres les plus reconnues comme l’excellent Incassable où il s’était approprié le genre super héroïque pour en faire un drame moral fantastique, et bien entendu Sixième Sens où il déconstruit le thriller au profit d’une intrigue à la Stephen King avec le point de vue d’un enfant.

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Split, Sixième Sens et Incassable constituent certainement sa meilleure oeuvre

ENTRES SUCCÈS ET ÉCHECS, SHYAMALAN SE TROUVE ET SE PERD

Bien entendu si on veut voir plus large et plus accessible sa vision d’une potentielle invasion extraterrestre dans Signs n’est absolument pas a négliger. Bien au contraire ! Lui qui adore confronter l’esprit vulnérable à l’inexplicable qu’il soit intérieur ou extérieur, c’est un pitch innovant. On connaît à Shyamalan un goût pour les mystères environnants, ceux qui sont autour de nous et qui cultivent maintes interrogations .

Si on veut continuer dans cette lignée Le Village est bon à citer. Tous les codes du cinéaste s’y trouvent, et Bryce Dallas Howard est comme une blonde chez Hitchcock.

On regrette cependant que Shyamalan ait voulu se frotter au » blockbuster « , même si on note une volonté de se diversifier . Si on peut trouver à La Jeune Fille de l’eau quelques qualités, After Earth est regrettable tant l’auteur ne trouve jamais un appui solide pour y incruster sa patte , un échec autant artistique que public en soi.

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Entre Phénomènes et After Earth, Shyamalan a fait des détours artistiques particuliers

ÉCHECS PUIS GRAND RETOUR AVEC DU SOLIDE

Puis après s’être perdu à trois reprises entre 2008 et 2013 (Phénomènes, Le Dernier Maître de l’air, After Earth), il est revenu en 2015 avec du found footage et une intrigue promettant du bon suspens, The Visit. L’idée des grands-parents psychopathes / possédés lui est venue après une opération du genou, et c’est ainsi qu’il est revenu avec un genre qui lui ressemble, et un format inédit. Résultat ? Un Shyamalan qu’on oublie souvent si ce n’est le grand oublié de sa filmographie. Pourtant tout est là ! Un travail intéressant sur l’environnement et l’utilisation du found footage alors que c’est un type de mise en scène qui s’est perdu depuis plusieurs années (et il faut croire que Shyamalan l’avais remis au goût du jour puisque l’année suivante est sorti la suite du Projet Blair Witch en reprenant la même méthode, et que le premier Blair Witch est sorti presque en même temps que Sixième Sens), un traitement de la démence à en faire des cauchemars, tout ça fait de The Visit une production Blumhouse assez à part qu’on oublie pas de sitôt. De l’horreur à petit budget (5 000 000 $ ), mais de l’horreur bien faite !

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Le frère et la sœur qui jouent aux réalisateurs c’est amusant, la dynamique entre les deux attrape tout de suite le spectateur qui ne tarde pas à comprendre tout comme les deux mômes que les grands-parents qu’ils visitent mijotent des choses étranges, et Shyamalan renforce ce sentiment d’insécurité et de prise au piège en jouant sur un mystère très ambiguë. Cette ferme isolée dans un paysage enneigé n’est pas la plus rassurante, ni les agissements inquiétants de la grand mère (Deanna Dunagan ) qu’on peut ajouter dans la liste des grand- mères terrifiantes du cinéma. La scène du four on vous la remet en tête ?

Jamais l’auteur de la trilogie « Incassable » , n’avait mis deux enfants en position de danger, et c’est très réussi. Les personnes âgées sont toujours des bases très intéressantes dans le cinéma horrifique, on ne pouvait pas mieux en attendre de Shyamalan qui nous propose un huit-clos concentré très efficace avec un twist fort bien trouvé. On fera rarement mieux que le final de Sixième Sens qu’on évite toujours de divulguer, même s’il est inscrit dans le haut du panier des films où on retient principalement la fin, mais le spécialiste du coup de théâtre a vraiment réussi à nous surprendre une nouvelle fois.

Avec The Visit , Shyamalan parle de l’enfance et s’y revoit certainement un peu (deux pré-ados fascinés par les codes du cinéma qui s’essaient au documentaire fantastique) , mais aussi de la famille avec le personnage de Kathryn Hahn en froid avec sa mère depuis plusieurs années.

La famille est un sujet qu’il a beaucoup abordé tout au long de sa filmographie. La famille Dunn dans Incassable et Glass, la mère et le fils dans Sixième Sens, les deux Smith dans After Earth, et on note un rapport à la famille avec le personnage de Kevin Windell Crumb dans Split et Glass et avec son dernier – mais très médiocre – Old c’est également central. Et c’est à nouveau un thème qui prédomine dans son nouveau thriller Knock at the Cabin en salles ce mercredi .

En attendant saluons la maîtrise de cet angoissant thriller qui compte parmi les meilleures productions horrifiques de la dernière décennie (en étant de souvent drôle mine de rien), mais aussi et surtout un retour aux sources du réalisateur qui a produit le film lui même grâce au salaire perçu sur son précédent film, une manière pour lui de retrouver un certain contrôle artistique qu’il avait perdu sur ses précédents films parce que les studios avaient la main mise dessus. On retrouve ici le réalisateur qui s’était égaré et cela fait plaisir.

The Visit est disponible sur Netflix

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