Amoureuse des animaux, Reality Winner menait une belle carrière et avait tous les ingrédients de la réussite professionnelle. Le 9 mai 2017, Reality divulgue sans autorisation des documents classifiés concernant une tentative russe d’interférer dans la campagne présidentielle américaine de 2016. Reality, de Tina Satter raconte l’histoire de son interrogatoire qui précède son arrestation le 3 juin 2017.

Tina Satter, une maquettiste hors pair

Tina Satter prend le parti de reconstituer au mot près les faits. Le film est une retranscription de l’enregistrement audio de l’interrogatoire réalisé par le FBI. Longtemps hors sol par le biais d’anecdotes et de propos aussi loufoques que drôles, les échanges finissent tout de même par s’orienter sur la raison de la présence des forces de l’ordre américaines. Dans une mise en scène épurée, Sydney Sweeney joue une Reality Winner avec calme et sérénité. C’est d’ailleurs cet apaisement qui vient peu à peu se contraster avec la « salle » d’interrogatoire. Cette salle, presque métaphore de l’esprit de Reality au moment T, se présente comme contradictoire : vide mais labyrinthique, spacieuse mais exiguë, lumineuse mais floue et lugubre. Cette reconstitution n’est pas qu’une reconstitution. Au fil du film, le spectateur s’immerge dans la tête d’une Reality complètement perdue et désemparée.

© Mickey & Mina LLC
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Une excursion guidée par Tina Satter

Le premier film, écrit et réalisé par Tina Satter, est abouti et très bien construit. La réalisatrice accompagne son spectateur dans l’esprit volontairement confus de Reality et dans l’interrogatoire à couteaux tirés de l’agent Garrick (Josh Hamilton) et de l’agent Taylor (Marchánt Davis). Tina Satter, à l’image des deux agents, maîtrise le cheminement de l’action et du propos illustratif. Même si le film garde un certain suspens, la réalisatrice sait exactement où elle veut diriger son film. Dès le début, le film transpire de contrôle et de réalisme. Reality se présente à la fois comme un film mais également comme un documentaire sur les interrogatoires et la manière de les mener de la part du FBI. 

© Mickey & Mina LLC
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Reality, lanceuse d'alerte

La mère de Reality, au micro de CNN, prônait pour un procès équitable « Ma plus grande peur, c’est qu’elle n’ait pas un procès juste, qu’on en fasse un exemple ». Il n’en sera rien. Elle sera condamnée, à une peine exemplaire et (donc probablement très/trop) lourde de cinq années de prison. Cette condamnation est d’ailleurs la plus importante pour une personne ayant communiqué de telles informations à la presse. 

Lanceuse d’alerte, presque malgré elle, Reality voit sa vie bouleversée par un geste anodin et délicatement filmé : l’envoi d’une lettre. L’histoire fait forcément écho aux grandes figures de lanceurs d’alerte : Edward Snowden ou encore Julian Assange, qui ont d’ailleurs soutenu publiquement Reality. L’histoire de Reality Winner est bien moins connue.

Profonde patriote mais fervente anti-Trump, Reality était consciente de ses actes mais n’en a pas mesuré la portée. Le film traduit à merveille le fait que Reality n’a finalement jamais vraiment voulu devenir une lanceuse d’alerte.

Reality, en salles depuis le 16 août 2023.

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