Après avoir présenté Le Poirier sauvage en 2018, Nuri Bilge Ceylan nous a dévoilé lors du dernier Festival de Cannes son dernier long métrage intitulé Les Herbes sèches. Inscrit en compétition, le film a brillé grâce à Merve Dizdar qui a remporté le prix d’interprétation féminine. Le cinéaste turc nous livre ici une fresque de plus de trois heures, où s’entremêlent histoire d’amour, amitié, jalousie et scandale. Le tout dans les paysages glacés d’une Anatolie hivernale.

Des histoires qui se croisent

Le matin de la rentrée des classes, dans un village reculé d’Anatolie orientale, Samet (Deniz Celiloğlu) se rend à l’école à pied. Cela fait quatre ans que ce professeur d’art enseigne dans ce collège qu’il espère quitter l’année prochaine, pour pouvoir s’installer à Istanbul. Il vit en colocation avec son collègue Kenan (Musab Ekici) qui enseigne dans l’établissement depuis sept ans. Durant les premières semaines de cours, tout semble se dérouler normalement. Cependant, un matin, les deux hommes sont priés de se rendre chez le recteur. Ce dernier leur apprend qu’une plainte pour harcèlement sexuel a été déposée à leur encontre. Abasourdi, Samet et Kenan n’en reviennent pas. Dès lors, ils se lancent en quête de réponses…

Samet est un solitaire. Il n’a ni femme, ni enfant et n’entretient pas de lien étroit avec sa famille. Son temps libre, il le passe seul ou avec quelques connaissances du village. Parfois, pour se changer les idées, il monte au sommet d’une montagne avec Kenan. Là-bas, les deux hommes remplissent des bouteilles d’eau de source, discutent des choses de la vie et contemplent le paysage enneigé.

Un jour, il rencontre Nuray (Merve Dizdar), une professeure qui essaie de se reconstruire. Elle vient de sortir de plusieurs mois passés à l’hôpital après avoir été victime d’un attentat qui lui a fait perdre sa jambe. Samet l’apprécie, mais ne se sent pas prêt à se lancer dans une relation. Il présente alors Nuray à Kenan qui au fil des semaines, se rapprochent. Un sentiment ambigu naît chez Samet. Et à mesure que l’affaire de harcèlement sexuel évolue, son collègue et lui deviennent de plus en plus distants…

Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan (2023)
Avec le rôle de Nuray, Merve Dizdar a remporté le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes 2023 © Memento Distribution

Un récit poétique et puissant

L’art est prédominant dans le film. Nuray s’est mise au dessin pour passer le temps sur son lit d’hôpital tandis que Samet immortalise des scènes de la vie quotidienne avec un petit appareil photo numérique. La poésie est également présente dans la façon dont l’histoire est racontée. Nuri Bilge Ceylan pose un contexte : des paysages blanc et montagneux, un village reculé, des traces de pas dans la neige et le froid qui glace les couloirs de l’école. La caméra dévoile ce qui ne se dit pas.

Derrière leur banalité trompeuse, les dialogues sont révélateurs des personnalités de chacun. Tout commence par des phrases sans grande importance, puis au fil de la conversation, les sujets deviennent de plus en plus sérieux et les personnages se révèlent. C’est ainsi que, par exemple, ce qui était prévu comme un simple dîner en tête-à-tête entre Samet et Nuray se termine en une bataille d’idées politiques.

Nuri Bilge Ceylan a construit un film où la poésie passe par l’image et l’action par les mots. Il en résulte un œuvre touchante et profonde.

Voir la bande-annonce :

Auteur/Autrice

Partager l'article :