Bienvenue chez Ari Aster

Alors que nous sommes précédemment revenus sur son premier film choc Hérédité, c’est sur le second film plus cauchemardesque d’Ari Aster que nous nous concentrons aujourd’hui. Un huis clos solaire qui s’étire un peu plus à chaque instant et nous fait redouter le suivant. Midsommar donc !

Si Hérédité se déroulait dans les ténèbres d’une grande maison renfermant un deuil familial très douloureux, Ari Aster axe son second drame psychologique sur une bande d’amis conviés à une fête culturelle très privée dans un coin très reculé de la Suède. Les festivités qui s’y déroulent ne vont pas tarder à plonger nos protagonistes dans une descente aux enfers effroyable.

Midsommar 1
Jack Reynor et Florence Pugh désemparés dans Midsommar

Un second film hypnotisant et culturel dans lequel les sacrifices sont des actes joyeux, où les danses ne s’arrêtent plus et où les coups de foudre dérivent sur les rapports les plus étranges qui soient. De l’horreur ou plutôt de l’angoisse peu ordinaire, ou comment redéfinir l’horreur pour établir un nouveau lexique cinématographique du genre. Ari Aster et A24 forment ici une combinaison très intéressante, ce qui permet au metteur en scène de construire son univers bien à l’écart des productions horrifiques sans substance bien plus souvent présentes. On a ici affaire à un produit originalement construit sur le deuil et la reconstruction en terre inconnue. Notre héroïne (Florence Pugh) désespère et se meurtrit dans son coin sans jamais comprendre ce qu’il se passe autour d’elle. Elle verse autant de larmes que de gouttes de sueurs tout comme le spectateur.

Malgré ce spectacle interminable, on en vient à halluciner de ce que représente Midsommar pour le cinéma d’horreur. Rarement on ressort d’un film aussi transpirant, on cherche un appui pour reprendre ses esprits et ingurgiter ce morceau de 2h50. Un second long-métrage qui permet à son auteur d’imposer sa patte et ses thèmes de prédilection. Dans la majorité des plans on voit une grande volonté de travailler le cadre et sa composition. Les grandes tables s’offrent à nous et Aster insiste bien sur l’atmosphère peu chaleureuse qui règne constamment. On redoute toujours l’idée suivante et le film nous donne raison, certains moments se gravent automatiquement dans notre conscience. De part leurs étrangeté et la sonorité qui est poussée à niveau très élevé. Ces scènes en chorale sont inscrites parmi les plus intenses de la dernière décennie. On félicite Ari Aster pour son ambition de frapper encore plus fort pour déstabiliser le public. C’est ingénieux et très réussi !

De tout cela en découle un très généreux tour de force qu’on ne regrette pas d’avoir découvert sur grand écran. Voilà un long et lourd ovni qu’on déteste adorer. On souffre beaucoup mais on sait pourquoi. Certains détours sont plus savoureux que d’autres, Midsommar n’est pas seulement un détour, c’est un virage radicale vers un pays bouillant où on grille éternellement. Personne ne ressort indemne de cette aventure et si aujourd’hui on en cause encore c’est pour disséquer l’étendue de la chose. Une chose qui recèle de symboles et de métaphores, preuve que des relectures sont indispensables pour saisir toute la mythologie déroulée ici. Ce pourrait-il qu’il y ait bien plus à décortiquer que prévu ? C’est non seulement possible mais évident.
Un film qui nous fait détourner la tête parce qu’il est souvent difficile, mais notre œil curieux est malgré lui aspiré. Traumatisant mais attirant malgré nous !

On se donne rendez-vous le 26 avril pour Beau Is Afraid.

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