Le Duel est une rubrique en partenariat avec Le Drenche. Chaque vendredi chez eux, et chaque samedi ici, deux rédacteurs de Ciné Maccro confrontent leur avis, positif ou négatif, sur un film !

NOTE : Cet article a été rédigé en novembre 2019.


LE POUR

ANTOINE C.

Les bienfaits de la concurrence

Depuis maintenant quelques années, le marché du streaming s’est ouvert, se positionnant comme le futur hypothétique du cinéma. Un futur pour le moment dominé par l’unique géant Netflix, mais l’appât du gain suscité par ce marché d’avenir attira, sans surprise, l’immense multinationale que représente Disney. A raison ? Il semble légitime de s’inquiéter qu’une entreprise aussi exclusive que Disney se lance sur une entreprise aussi fermée qu’une plateforme de streaming. Mais en l’occurrence, si on met de côté la théorie complotiste, force est d’avouer que le projet séduit à bien des aspects..

De prime abord, le monopole Netflix tarissait jusqu’alors le champ des possibles. L’arrivée d’un concurrent de poids redistribue les cartes du marché : Netflix, habitué à une routine dégradante, va désormais devoir prendre des risques et épater des abonnés qui ne cesse de montrer leur lassitude. De la même manière, Disney devra, s’ils souhaitent étendre leur plateforme, diversifier ses contenus pour attirer le maximum de personnes. Et au final, les véritables gagnants seront sûrement les spectateurs.

Mais Disney+ est aussi l’occasion pour la firme de confirmer sa stratégie : si les millions dépensés pour les films de leurs sagas les obligent à une sécurité maximale, la plateforme de streaming leur offre l’occasion d’essayer de nouvelles choses afin d’étendre les possibilités offertes par leurs immenses univers. Et si l’on se fie aux premières annonces, notamment le développement de l’univers cinématographique Marvel sur la plateforme ou le lancement de The Mandalorian, issu de l’univers Star Wars, nul doute que Disney ne se privera pas de saisir l’occasion.

Outre ses deux stratégies, l’arrivée de Disney+ est le témoin symptomatique des mouvances de notre temps ; alors que le streaming supplante de plus en plus les moyens traditionnels, alors que la frontière entre le film et la série est de plus en plus floue, Disney tente de venir briser un monopole pour amplifier le sien ; et si le constat pourrait sembler de prime abord bien pessimiste, les enjeux sont tels que Disney est presque condamné à réussir : alors qu’Apple débarquera dans le streaming dans quelques mois, l’entreprise doit confirmer sa stratégie en faisant d’hors et déjà de Disney+ une réussite. La concurrence ne fait pas de mal dans le cinéma, bien au contraire, et cela risque sûrement de décadenasser le streaming, et offrir au cinéma un avenir plus radieux que l’on ne l’aurait pensé. En espérant tout de même que cet optimisme ne devienne pas naïveté…


LE CONTRE

THOMAS G.

Disney +, symptôme alarmant d’un Art chancelant

Sans jouer les oiseaux de mauvaise augure, il se pourrait bien que le 12 novembre 2019, date de lancement officielle aux Etats-Unis de Disney +, plateforme de streaming de la firme aux grandes oreilles, soit à marquer d’une pierre noire dans l’Histoire du noble Septième Art. Car il n’est bien que des naïfs qui puissent voir dans l’avènement d’un monopole cinématographique couplé à un repli culturel intrinsèque, ne serait-ce qu’un espoir infime pour le cinéma.

Bien que Disney + ait plusieurs concurrents solides dans le domaine du streaming, Netflix en tête, l’assise qu’elle a opéré sur le cinéma de divertissement actuel lui donne un poids considérable dans l’optique de conquérir ce nouveau marché. Mais à l’inverse de Netflix, qui négocie les droits de son catalogue avec toutes les boîtes de production, Disney + va monopoliser l’ensemble de ses films, rendant notamment impossible la diffusion d’anciens longs-métrages de la Fox (société de productions de films qui possède les droits de Titanic, Avatar, ou des franchises X-Men, Alien ou Predator) en salles, et ainsi étouffer le spectateur dans un système qui le forcera à l’achat pour la consommation d’un catalogue absolument considérable.

Alors que Netflix perpétue son hégémonie, que Disney + devient un sérieux concurrent, qu’Amazon, Apple, HBO et autres entreprises se lancent peu à peu dans la bataille, se fait un constat mortifère : la consommation d’oeuvres pourrait bientôt devenir un luxe, un raffinement réservé à des nantis, ceux capables d’investir des sommes colossales pour l’accès à la diversité.
Et si Disney + n’en est pas le seul responsable, l’hégémonie que Disney opère sur le cinéma de divertissement actuel aurait dû le pousser à une prise de risque tournée vers l’intérêt artistique ; chose que l’actualité le montre comme incapable. Outre ce marché monopolisé par la firme, une question, angoissante, se pose : l’avenir du cinéma se trouve-t-il dans le dématérialisé ? Dans une industrie qui étouffe les exploitants de salles ? Qui phagocyte l’aspect social et symbolique qu’apporte le (re)visionnage en salles obscures ? 

Disney + n’est que le symptôme imposant d’une malaise général, l’oedème d’une industrie sclérosée et méconnaissant ses troubles, pour qui le rendement pécuniaire a totalement pris le pas sur toute velléité de création artistique, pour qui la prise de risques, à la base même de tout art, n’a plus sa place, et pour qui le spectateur est devenu consommateur. Et ce mal qui le ronge, le Septième Art pourrait cette fois avoir du mal à s’en remettre…

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