?Réalisateur : Pierre X. Garnier

?Casting : Terence Lewis

?Genre : documentaire

?Pays : France

?Sortie : 17 janvier 2020 (France)

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Synopsis : A 42 ans, Terence Lewis est un des performers les plus connus et appréciés en Inde. A la fois danseur et chorégraphe, il gère une compagnie de danse renommée d’une cinquantaine de personnes et sillonne son pays et le monde avec des shows célébrés par tous. Mais comment rester soi-même quand tu es un des visages les plus familiers de la télévision et que quasiment un milliard de personnes te connait? Le désir de solitude tout en ayant besoin de la folie du monde, c’est ce qui fait de Terence Lewis un homme définitivement à part.

Terence Lewis, c’est un paradoxe à lui tout seul. Superstar absolue en Inde, avec un compte Instagram à plus d’un million d’abonnés, mais complètement inconnu en Europe, illustrant parfaitement l’ethnocentrisme occidental. Une célébrité, jury du Danse avec les Stars indiens (émission suivie par des millions d’habitants où la danse est une institution) mais qui cultive est la paix et la solitude. Une énigme, un paradoxe qui laisse songeur, et c’est probablement ce qui a fasciné le réalisateur Pierre X. Garnier, dont c’est le premier film.

Et si ce film existe, c’est avant tout grâce aux extraordinaires hasards de la vie, qui mettent sur le même chemin des personnages aux parcours diamétralement opposés. Ce chemin sur lequel se sont croisés Terence Lewis et Pierre X. Garnier, il prend l’image paradisiaque de la Corse. Alors serveur dans un camping de Porto-Vecchio, Pierre X. Garnier, par l’heureux hasard d’une erreur de réservation, découvre un homme humble, fan de Godard et d’Amélie Poulain. L’homme lui dit qu’il est danseur et chorégraphe en Inde ; un doux euphémisme quand on découvre à quel point Terence Lewis peut à peine faire deux pas dans les rues de Bombay sans être inconnu.

Une célébrité emplie de simplicité, mais bien plus encore ; c’est là tout le sujet de ce documentaire Terence Lewis, Indian Man, dont on ressort avec le sentiment d’une étonnante mais agréable découverte.

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De par sa nature documentariste, Terence Lewis, Indian Man met avant tout l’œuvre au service de son personnage central, un personnage que l’on suit dans tous ses faits et gestes. Juge dans une émission télévisée, professeur exigeant envers une troupe dont il n’exige que le meilleur, mais également simple homme souhaitant se ressourcer : il est fait de Terence Lewis un portrait sincère, celui d’une personnalité ne rechignant jamais à une photo, une accolade ou un simple autographe, mais dont la préoccupation est avant tout la paix en son for intérieur. Une dichotomie troublante, mais montrant à merveille la symbiose entre l’homme et la superstar, finalement deux entités qui se complètent et qui offrent à Terence Lewis son équilibre, lui permettant de ne pas vaciller face à l’engouement qu’il suscite.

Dans ce cadre très intimiste, la caméra ne se veut jamais juge, simplement témoin d’une histoire profonde, celle d’un homme qui prend sa célébrité avec recul, se montrant sans fards, lui et ses atermoiements que la caméra ne trahit jamais par des effets de style outranciers. Terence Lewis parle, et la caméra l’écoute. C’est donc une réelle honnêteté qui émane du documentaire, un portrait sans fioritures.
Les cadres sont pour la plupart fixes, rarement saccadés ou en mouvement dans la durée. L’ensemble se veut avant tout comme un témoignage filmique d’un homme passionnant. Mais Terence Lewis, Indian Man n’est pas qu’un simple documentaire. C’est une véritable œuvre cinématographique réfléchie.

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En effet, on pourrait reprocher à nombre de documentaires et de reportages un sévère manque de créativité ou d’investissement cinématographique. Ce n’est pas le cas de Pierre X. Garnier, dont le documentaire s’avère être profondément réfléchi.
Le montage, en premier lieu, est exécuté à la perfection. Le film alterne en cela des séquences « d’action », comprenant ici son travail, ses cours de danse, les préparatifs de son spectacle (il est l’inventeur de la danse contemporaine indienne, qui mélange danse contemporaine et danse traditionnelle indienne), et les séquences de pose, plus introspectifs, où l’homme se confie, s’interroge, se ressource, pour livrer le portrait complet d’un personnage fascinant.
Le travail sonore est également à souligner : la bande-son notamment, marquée par des sonorités indiennes, dont découle cette atmosphère indéniablement réussie. Jamais ce travail n’est trop outrancier ou trop absent : il est placé à sa juste mesure, attestant d’un brai travail préparatoire.

Mais ce qui marque plus que tout, c’est le rapport plus que naturaliste qu’induit ce travail du cadre. Evidemment, le récit se concentrant avant tout sur Terence Lewis, il est régulièrement le point central de l’image (la profondeur de champ étant parfois presque absente, l’isolant du monde, comme pour se focaliser sur lui et aller au plus profond de sa psyché), avec régulièrement des plongées qui le ramènent à la modestie de son humanité, et des plans purement illustratifs, montrant avec justesse la tranche de vie d’un homme psychiquement équilibré.
Mais le travail est donc véritablement marqué de cette atmosphère résolument naturaliste, le film exprimant à merveille l’idée d’un homme proche de la nature. Régulièrement filmé en communion avec celle-ci, voire en symbiose, il est montré dans un rapport physique à la nature, dans la forêt ou même en pleine baignade. Le film se saisit à plusieurs instants de ces moments de grâce, où le cadre épouse parfaitement l’image et le personnage, créant une énergie artistique folle (ne serait-ce que cette scène sur la plage, où la musique et l’image, en communion, créent une séquence remplie d’émotion). Le film n’est en définitive que l’expression d’un personnage empli d’humanité, forgé par un rapport fort à la nature, où le moindre détail, comme une simple main lascivement étendue, devient vecteur d’émotion. Le travelling final sur le pont suspendu en est un exemple probant, amenant le récit vers une approche transcendantale, quasiment déifique, et achevant le symbole d’un film naturaliste et contemplatif, en communion avec son personnage principal, qui donne au film un cachet cinématographique, l’emmenant au-delà d’un simple reportage.
Les images parlent d’elles-mêmes, les mots sont subsidiaires : là toute la sève du film, et du cinéma. La caméra laisse parler Terence, sans qu’il phagocyte l’œuvre, et se montre comme la symbiose d’un art et d’un autre, de la grâce d’une danse face à la volupté d’une caméra.

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L’un des seuls défauts du film, c’est sa durée. Le film semble en effet trop court, et ne pas étudier en profondeur certains aspects de la vie de Terence Lewis qu’il aurait été intéressant d’explorer. D’où vient ce comportement si solitaire, ce rapport si charnel à la nature, cette humilité et cet équilibre face à une écrasante célébrité ? En se concentrant sur une tranche de vie réduite, le réalisateur manque en partie le coche, et la réussite intrinsèque du film fait regretter qu’il n’ait pas eu la possibilité d’explorer en profondeur la psychologie d’un homme fascinant

Mais ne boudons pas notre plaisir : Terence Lewis, Indian Man est une réussite formelle, qui délaisse une simple approche documentariste pour flirter avec le naturalisme, et faire de Terence Lewis un portrait émouvant et sincère. Un seul souhait : en voir plus, de la star comme du réalisateur.

Note

7/10

Note : 7 sur 10.

Ne s’arrêtant pas à son aspect documentaire, : Terence Lewis, Indian Man gagne ses galons d’œuvre cinématographique, où le portrait sincère d’un homme paradoxal ne fait qu’épouser une réalisation au diapason. Un seul souhait : en voir plus, et pourquoi pas dans un aspect fictionnel ?

Bande-annonce

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