Réalisateur : Richard Fleischer

Casting : Kirk Douglas, James Mason, Paul Lukas

Genre : Aventure

Pays : Etats-Unis

Sortie : 23 Décembre 1954 (Etats-Unis); 7 Octobre 1955 (France)

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Synopsis : 1868. Depuis quelque temps, sur tous les océans du globe, les navires sombrent dans d’étranges circonstances. Les rescapés de ces naufrages en attribuent la cause à un mystérieux monstre qui éperonne les vaisseaux. À San Francisco, le professeur Pierre Aronnax, accompagné de son domestique Conseil, de même que le harponneur Ned Land, embarquent à bord d’une frégate affrétée par la marine américaine dans le but de traquer le monstre…

« Les plus fâcheuses circonstances vous ont mis en présence d’un homme qui a rompu avec l’humanité. Vous êtes venu troubler mon existence… »

Capitaine Némo (James Mason)

Avant d’aborder le vif du sujet, il est préférable d’étudier et de comprendre le contexte dans lesquels ces deux oeuvres ont été réalisées. Dans un premier temps, celle de Jules Vernes, l’originale, est tout à fait visionnaire et en avance sur son temps. C’est ce qui fait tout son charme. En effet, nous sommes en 1869 et toutes possibilités d’étudier les fonds marins à l’aide d’un submersible est inimaginable. Vingt mille lieues sous les mers était loin d’être le premier roman de Jules Vernes ( c’est son 13ème ouvrage en 1869) et il avait déjà fait ses preuves dans la littérature notamment avec Cinq semaines en ballon (1864) et Voyage au centre de la Terre (1865). Son imagination débordante et sa qualité de description font partis de ses grands atouts. 20 000 lieues sous les mers est d’ailleurs son oeuvre la plus connue et s’est inscrit dans les « classiques de la littérature ». Afin d’illustrer mes propos il est interessant de savoir que cet ouvrage est le 5ème le plus traduit au monde. (Pas moins de 174 langues). Ce roman s’inscrit dans la série des Voyages extraordinaires, qui regroupe l’essentiel de la production de l’auteur. C’est Georges Sand en personne qui a demandé à Vernes d’écrire sur les fonds-marins. C’est dire à quel point ces romans ne passaient pas inaperçus.

Le contexte du film est évidemment différent puisqu’il a été réalisé presque 100 ans après la parution du livre. Nous sommes dans les années 50 et l’industrie hollywoodienne est en baisse. En effet la télévision se développe et de plus en plus de foyer américain l’acquiert. Conséquences ? Les cinémas subissent une baisse de fréquentation considérable. Ainsi, les studios, les producteurs, etc… estiment qu’il faut proposer des films extraordinaires au public. Une expérience seulement unique au cinéma. Les films en couleur prennent place et de nombreux films d’aventures avec des effets spéciaux hors du commun sont proposés. Notamment les péplum tels que Ben-Hur (1959), Les dix commandements (1956) et Spartacus (1960). Le films de Richard Fleischer s’inscrit dans ce type de film, non dans le péplum, mais comme je l’ai dit précédemment dans le récit d’aventures. Le plus gros budget pour un film est d’ailleurs mis en place pour cette adaptation. Environ 7 millions de dollars.

Malgré les nombreuses différences dans les évènements et dans leur chronologie par rapport au livre l’adaptation de Fleischer reste une très bonne et de loin la meilleure de toutes.Dans un premier temps le film sublime et rend visible les descriptions du monde sous-marin et du voyage que Jules Vernes écrit. Puis dans un second temps nous étudierons en quoi et comment le film retransmet l’âme du livre et les différentes personnalités des personnages.

Copyright Walt Disney.

Les descriptions de Jules Vernes sont tellement précise qu’il est difficile de les matérialiser. Mais avec le budget dont dispose l’équipe du film et le perfectionnisme de Fleischer, la possibilité d’être le plus précis possible est à portée de main. Notamment lors des scènes sous-marines du film qui ont d’ailleurs réellement été tourné sous l’eau. Les images dégagent ainsi une pureté et une tranquillité inégalable tout comme dans l’oeuvre originale. Le vaisseau du Capitaine Némo, dessiné par Emile Kuri, le décorateur d’Hitchcock, reste fidèle en conservant l’aspect d’un long cigare comme le décrivait J.Verne. Dans la maquette, le grand hublot qui s’ouvre et se referme sur le coté du submersible afin d’admirer les profondeurs du monde marin est également présent. Revenons sur les scènes sous-marines qui ont été tourné dans les Bahamas, la faune propose un spectacle hors du commun avec des couleurs vives et une très bonne utilisation de la lumière. 

Il est important de se remettre dans le contexte du film. En 1954 tout le monde n’a pas l’opportunité de visiter les fonds-marins et les moyens technologiques sont limités, même 80 ans après le livre. Ainsi le film donne accès, par l’image, au visionnage de cette magnifique faune. Pour ce qui est des déguisements, il est nécessaire de s’attarder sur les scaphandres. Décrit dans le livre comme large, imposant, avec la lampe rhumkorff sur le dessus du casque. Emile Kuri a également été le plus précis possible dans son travail. Les chaussures de plombs sont belles et biens utilisés dans le film. Lorsque les personnages marchent sous l’eau, le sable voltige sous les pas des chaussures de plombs. Les plans sur le Nautilus qui voyage sous l’eau, sont eux, une simple maquette miniature mais incroyablement réaliste. Ces effets spéciaux sont bluffants pour un film des années 50. Ce n’est pas par hasard que ce dernier a gagné l’oscar des meilleurs effets spéciaux l’année suivante. L’equipe du film était vraiment en avance sur leur temps, tout comme Jules Vernes. Cet oscar doit notamment être justifié avec la scène du calmar. 

Copyright Walt Disney.
(De gauche à droite) Un marin, Professeur Aronnax (Paul Lukas) et le Capitaine Némo (James Mason).

Dans le livre, le Nautilus et pris en embuscade par de nombreux calmars géants. L’incident est reproduit dans le film mais avec seulement un calmar au lieu de 7. Les moyens techniques avaient leurs limites. Cette scène est néanmoins primordiale. C’est un calmar artificiel et articulé que l’équipe contrôlait et le spectateur a vraiment l’impression d’assister à cette lutte entre l’équipage et le calmar. 

Un autre évènement qui mérite d’être mentionné est celui de l’attaque des cannibales venant de l’île. Dans le livre, le Nautilus utilise l’électricité pour se défendre. Ainsi les parois déchargent des coups de jus. Dans le film, il est hors de question de mettre des vrais décharges aux acteurs qui incarnent les cannibales, cela est beaucoup trop douloureux. Alors les acteurs jouent la comédie et de fausses bandes d’électricité sont visibles à l’écran. C’est utilisé de façons très subtiles puisqu’on ne voit les bandes qu’un instant à l’écran. Pour ce qui est de l’intérieur du  Nautlilus, le film met en place le salon, l’orgue, la salle des machines et le timonier. La seule différence est l’absence de la bibliothèque. Le timonier est très bien illustré puisque la vision de tous ce qui est en face du Nautilus est possible, comme indiqué dans le livre.

Dorénavant je vais aborder la façon dont Fleischer montre et illustre les caractères des différents personnages de cette expédition. J. Vernes lui a voulu écrire un roman d’aventures. Mais son livre n’était qu’épisodes d’évènements sans réel lien. Fleischer a ainsi changé la façon de raconter ceux-ci. Il en a fait un film d’action qui repose sur la volonté d’évasion du harponneur Ned Land, interprété par Kirk Douglas, compagnon du professeur Aronnax, interprété par Paul Lukas. La volonté d’évasion de Ned est bien présente dans le livre mais ce n’est pas la trame principale. 

Copyright Walt Disney.
Ned Land (Kirk Douglas) et Conseil (Peter Lorre).

Néanmoins le réalisateur a évidemment laissé place à la passion qu’éprouve le professeur Aronnax durant son voyage, naturaliste et scientifique incontestable qui se plait bien à bord du Nautilus. Son fidèle domestique, Conseil, est neutre dans le livre et suis son maitre sans éprouver de mécontentement tandis que dans le film il se lie d’amitié à Ned et l’aide dans ses volontés d’évasion. Fleischer à très bien fait de donner une certaine notoriété à Conseil qui, dans le livre, n’en a aucune et n’est d’aucune utilité. Ce n’est qu’un simple spectateur des évènements.Aronnax lui, admire Némo qui est sublimement interprété par James Mason, qui lui partage toutes ses connaissances dont lui seul en est le propriétaire. D’autant plus que Némo est un écologiste hors-pair puisqu’il dénonce les pêches excessives en disant qu’elle risque de perturber l’équilibre de l’éco-système. Encore une fois nous sommes témoins de l’incroyable qualité de visionnaire qu’avait Jules Vernes. De cette admiration nait donc un certain conflit en Ned et Aronnax qui sont en désaccord sur leur situation. Ce désaccord est présent dans le film car à plusieurs reprises le Professeur demande à Ned d’arrêter de contrarier le Capitaine.

Le capitaine Némo, est surement le personnage le plus important du livre et du film et cela se ressent dans les deux cas. Il est le même dans les deux oeuvres. Un homme en recherche perpétuelle de vengeance envers les humains mais qui défend les peuples opprimés.. C’est le dernier des humanistes qui puissent exister. Son passé est flou et tout ce que l’on sait c’est que sa femme et ses enfants ont été torturé jusqu’a la mort dans le but d’avoir le secret de son submersible. C’est depuis cela qu’il voue une haine farouche à l’Homme. Dans le livre comme dans le film on assiste a une attaque d’un bateau civil. Illustration de sa vengeance. C’est de la que nait une réelle désapprobation des actions de Nemo de la part du Professeur Aronnax. Le spectateur est ainsi invité à avoir une réflexion quant à la situation du Capitaine.

Ce qui est visible, aussi bien dans le livre que dans le film, c’est l’opposition Ned-Némo. D’un côté on voit un harponneur en quête de liberté, persuadé que le paradis est sur Terre et non sous les eaux et humaniste qui plus est. D’un autre côté, il y a Némo, refoulant tout contact avec la vie terrestre et qui n’a aucune confiance en son semblable. Ces positions sont visibles dans le films à travers les discussions qu’il tient avec Aronnax. Le spectateur et lecteur s’empêche lui-même d’éprouver quelconque jugement envers lui étant donné que son passé est indéfinie. Les deux oeuvres nous invitent à avoir une réflexion sur la nature, que ses trésors valent bien plus que les bijoux, ou autres objets superficiels des civilisations. Mais également une réflexion sur la violence avec la question  « Qu’est ce que l’Homme ferait de la puissance que possède le Nautilus ? Une utilisation bienfaisante ou néfaste ? » 

Et ces deux questions peuvent se poser à travers les deux oeuvres et c’est justement pour cela que celle de Fleischer est plus que réussi car retranscrire visuellement les pensées d’un écrivain n’est pas une tâche aisée.

Note :

9/10

Note : 9 sur 10.

Disposant du plus gros budget pour un film à l’époque et doté d’un metteur en scène hors-pair, 20 000 lieues sous les mers est sans aucun doute la meilleure adaptation du livre de Jules Vernes. Les prestations de James Mason et de Kirk Douglas sont, quant à elles, passées inaperçues malheureusement. Les effets spéciaux sont en avance sur leur temps et la chronologie des évènements est restée cohérente avec le livre. Un classique du récit d’aventure et un chef-d’oeuvre des années 50. A voir et à revoir.

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