On se réveille à 7 heures 30 avec le bruit des mouettes. La ville est orientée nord-ouest, alors on profite des quelques heures un peu fraîches de la journée où l’on n’a pas à longer les murs pour se cacher du soleil. Les hôtels se dorent la façade et les invités peuvent faire la grasse matinée à l’ombre. Les lycéens sont toujours là, et la salle est quasiment pleine pour l’attaque de cette deuxième moitié de festival.

laroy (compétition)

À 10 heures, projection du neuvième film en compétition : LaRoy, réalisé par Shane Atkinson. Le premier film du troisième frère Coen. Dès la première scène, on rigole de satisfaction quand on comprend les dynamiques et rapports de forces qui animent les personnages. L’histoire s’embarque avec un loser qui se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment, emporté dans un engrenage qu’il ne peut arrêter, et coincé entre un tueur vraiment méchant et un Dwight Schrute texan détective privé – qui fait de son mieux, le pauvre. Le film a reçu la plus belle ovation du festival jusqu’à présent, LaRoy, tragi-comédie aux tons crème pastel poussiéreux peut honnêtement aspirer à tous les prix.

Pause : une entrecôte, une orange pressée, un café et ça repart (entre temps, on a réussi à avoir une place pour le Bellocchio de ce soir et pour La Zone d’Intérêt demain… ravi).

laroy
Le jury du 49ème Festival du film américain a remis son Grand prix à Laroy © The Exchange

wayward (compétition)

14 heures. Wayward, dixième film de compétition (déjà). C’est l’histoire d’une femme qui entretient une relation très compliquée avec sa fille de 11 ans. Elle s’arrête sur l’autoroute pour récupérer une pouceuse. La jeune femme monte dans la voiture, et finit par s’enfuir avec la gamine en réclamant d’abord 10 000$ puis 150 000$ à la mère, sur le point d’épouser un homme très riche. On vit le film par le point de vue de la gamine qui, en fait, ne veut plus rentrer chez elle et refuse de se faire « dékidnapper ».

Durant la session de questions réponses, la réalisatrice indique qu’elle avait d’abord écrit son film du point de vue de la mère. Elle a ensuite changé sa vision pour raconter son histoire par le prisme de la fille. Malheureusement, ça ne fonctionne pas, tout était fait pour appuyer le kidnapping, on se retrouve toujours à l’opposé de là où on doit être. Si je vois la fille, c’est que j’aurais dû voir la mère, si je vois la mère, j’aurais dû voir la fille, si je vois du noir, j’aurais dû voir du blanc, etc. Vous avez compris. Wayward est un négatif scénaristique de ce qu’aurait dû être le film – dans cette configuration bien sûr. Vite vu, en parti oublié, n’importe quelle pensée pourrait me faire passer à aut…

les feuilles mortes (l'heure de la croisette)

Projection suivante : Les Feuilles Mortes d’Aki Kaurismäki, Prix du Jury au dernier Festival de Cannes. De loin le meilleur film que j’ai pour l’instant pu voir lors de cette 49ème édition. Une heure et vingt et une minutes d’une comédie glaciale, prenant place dans une Finlande esseulée, triste, où l’on trouve du réconfort au bar ou au karaoké. Le réalisateur ancre son cinéma dans la poésie passive, celle qu’on comprend par nous-même, plutôt que de nous forcer à l’accepter. Il dissocie dialogue et mouvement, pour que nous ne soyons pas distraits par quoi que ce soit, une chose à la fois. Les décors attirent tout autant qu’ils repoussent, la froideur et la solitude fascinent. Il y a des affiches de films sur chaque mur, et ça aligne Jarmusch, Bresson et Godard dans la même phrase. C’est un film immobile, qui nous laisse le temps d’observer les personnages, prenant.

les feuilles mortes
Les Feuilles Mortes s'intéresse à deux amants faisant partie du prolétariat finlandais. © Sputnik

l'enlèvement (l'heure de la croisette)

19 heures, tapis rouge (on commence à avoir l’habitude). Guillaume Canet récupère sa tablette de l’INA sur la scène, avec 175 heures d’archives de lui. C’est une récompense aussi fascinante qu’intrigante. La fatigue frappe alors un grand coup, dès les premières minutes du film de Marco Bellocchio, L’Enlèvement. Difficile de rentrer dedans. On est en revanche subjugué par la vitalité que dégage le film d’un homme de 83 (!!!) ans. C’est une tragédie absolue, dans laquelle on décloue le Christ ou l’on circoncit le pape. Toute la construction du film tend vers cette forme divine de cinéma, alliant plans larges en très courtes focales, plans moyens composés comme des tableaux, et gros plans terrifiants tant chaque personne parait grande tout là-bas sur l’écran. Sinon, on regarde de loin cet enfant changer sans jamais vraiment le comprendre, ce qui bien sûr n’est pas une mauvaise chose, mais peut être qu’après 5 jours de festival, Edgardo était trop loin pour nous…

On continue demain avec une compétition qui touche à sa fin (plus que 4 films malheureusement), et un rendez-vous à 19 heures 30 avec l’incontournable Jonathan Glazer. Le soleil s’est couché, les planches dégonflent doucement…

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