Le Festival de Deauville, débuté le 1er septembre, main dans la main avec Venise, signe la rentrée du cinéma. Le 21eme arrondissement accueille chaque année sa compétition de films Américains indépendants, entre une légère rétrospective Cannoise et plusieurs avant premières. Trois premiers jours hétéroclites, partagés entre les propositions peu convaincantes d’I.S.S ou de Blood For Dust, et les succès de Past Lives, The Sweet East (tous deux en voix d’un Grand Prix) ou encore du très acclamé Aristote Et Dante Découvrent Les Secrets De l’Univers (candidat premier au Prix du public). Le festival a trouvé son rythme, on accueille depuis lundi les classes de lycéens qui viennent s’asseoir tout devant dès dix heures du matin.

The graduates (COMPÉTITION)

Ce quatrième jour commence par la projection du film d’Hannah Peterson, The Graduates, un deuil, et une tuerie passée sous silence. Et d’un coup, le CID de Deauville et ses 1500 places se sont sentis pousser des ailes de stupidité, en lançant une série de huées au jury, qui décide depuis le début de la compétition d’arriver au tout dernier moment pour ne rien savoir du film. L’idée est honorable, la salle n’était plus qu’un grand tweet. Passons. On est dans Elephant, puis dans The Fallout, un peu dans Polytechnique… On essaie de savoir dans quoi on s’est embarqué pendant les longs plans qu’on aurait coupé trois fois plus tôt.

Cette 49ème édition du festival possède cependant des acteurs formidables, ce sont eux qui sauvent l’ensemble, dans la peau de personnages solides et présents. Hannah Peterson les emmènent au bon endroit, on est vite ébloui par les émotions. Je me suis aussi raccroché à ces nappes sonores, un piano complètement étouffé doublé à des pads (j’imagine ?) qui tapissent les scènes les plus fortes. C’est comme si Peterson peignait les murs de son film, cela nous permet de voir plus clairement ce qu’elle cherche à nous montrer, tout en apportant une goutte mélancolique délicieuse. C’est un film qu’on voit tous les ans, les festivaliers le savent. Mais c’est un film qui fonctionne, assez propre et poli pour décrocher le Prix du Jury.

The graduates
The Graduates dépeint le deuil d'une étudiante qui a perdu son petit-ami dans une fusillade. © Carolina Costa

cold copy (COMPÉTITON)

Cela nous ramène à la chaleur étouffante et aux 36 degrés des planches brûlantes. On est heureux à 14h de se replonger dans le noir pour découvrir Cold Copy de Roxine Helberg, un Whiplash au pays des journalistes. On aurait voulu un film brossé, des plans incisifs et un montage strict…On s’est retrouvé devant une approximation longuement applaudie. Peut-être sommes nous les seuls à avoir été embêtés par les incohérences et les facilités, par cette mise en scène qui bombarde faute de savoir évoquer, ou par ce scénario trop timide, qui ne veut pas faire de mal à Jacob Tremblay (personne ne voudrait faire de mal à Jacob Tremblay, c’est vrai).

Il manque la puissance indispensable à ce genre de films, cette force insoutenable qui pousse les personnages vers leur déclin, comme dans les tragédies grecques. Quand Mia s’écrit « Tu ne sais pas tout ce que j’ai enduré pour faire ce sujet !!! », on est surpris car rien n’a vraiment été très éprouvant ou dangereux dans cette aventure… Le temps d’une vingtaine de minutes avant le début de la séance, Cold Copy avait pourtant reçu notre bénédiction.

golda (PREMIÈRES)

On enchaine ensuite, dans la sélection Premières du festival, avec Golda de Guy Nattiv. Helen Mirren enchaine clope… sur clope… sur clope… sur clope… (quoi de mieux pour encaisser le moment le plus fatigué de la journée qu’un film comme celui-ci)… sur clope… (il y a une idée de mise en scène par seconde, ça coupe)… sur clope… (ça gronde)… sur clope… (ça vrombit, c’est presque un film d’horreur)… sur clope. Le montage est agressif, les mouvements fluides et stylisés, les scènes d’assauts sont insupportables. Une réussite, de quoi tenir tout le monde réveillé jusqu’à la grande soirée…

Golda
Golda suit la Première ministre d'Israël lors de la guerre du Kippour. © Jasper Wolf

Le RÈGNE ANIMAL (L'HEURE DE LA CROISETTE)

Quelques minutes plus tard, on se retrouve sur le tapis rouge foulé quelques secondes plus tôt par Benjamin Lavherne, prêt pour Le Règne Animal, réalisé par Thomas Cailley, et gentiment prêté par monsieur Thierry Frémaux (rien que ça). Et c’est fantastique. Tout le monde sursaute, tout le monde pleure, tout le monde rigole devant cette fable tragi-comique imprévisible. On témoigne des prouesses de maquillages et d’effets spéciaux, de la justesse absolue de l’intégralité du casting (en même temps, ce sont les meilleurs acteurs du monde…), c’est irrésistible.

Les gens à Deauville ne comprennent rien et sautent à l’extérieur dès les premières secondes du générique. On serait bien restés quelques minutes pour applaudir Thomas, il le mérite. Tout ça nous conduit à errer dans les rues de plus en plus vides à mesure que l’on dépasse les hôtels et les restaurants. Peu de gens seront là demain matin à dix heures pour la reprise de la compétition. Rebecca Marder, seul membre du jury présent ce soir à probablement le droit à un bon bain. Nous n’aurons que le temps pour une petite douche tiède (avec le sourire).

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