Three Billboards : Les Panneaux de la Vengeance, comédie dramatique britannico-américaine de 2018, réalisé par Martin McDonagh, avec Frances McDormand, Sam Rockwell et Woody Harrleson.

 

Arrivé sans crier gare (avec un Prix du scénario à la Mostra de Venise et un passage à Toronto), Three Billboards est sorti, à la surprise de beaucoup de bookmakers, grand vainqueur des derniers Golden Globes. Sorti le mercredi suivant en France, ce troisième film de Martin McDonagh, après des Bons Baisers de Bruges et Sept Psychopathes plutôt bien reçus par la critique, est-il le film de la consécration pour le cinéaste londonien ?

D’un postulat finalement très simple (une mère dont la fille a été assassinée provoque la police afin que celle-ci relance l’enquête), Martin McDonagh tente ici d’offrir une grande fresque, en implantant son histoire dans un modeste patelin (Ebbing, Missouri), pour évoquer tour à tour le racisme, la maladie, l’affirmation de la femme, la quête de rédemption, ou bien la violence conjugale. Devant un tel florilège de thématiques, il pourrait sembler à première vue bien compliqué de ne pas se laisser submerger pour offrir une esquisse peu approfondie. C’est pourtant bien le contraire que l’on nous propose ici. En miroir des histoires personnelles des trois principaux protagonistes, McDonagh navigue tel un équilibriste entre l’ensemble avec une virtuosité qui trouve trop rarement d’égal ces derniers temps. Adaptant au gré des scènes son travail pour nous offrir des scènes d’une grande violence (et je ne citerais pas d’exemples pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui ne l’auraient pas encore vu) ou d’une incroyable tendresse, tout en conservant cohérence dans l’enchaînement et justesse, McDonagh rend ici une copie de mise en scène excellente par beaucoup d’aspects (magnifiée aussi par un excellent travail à la photographie, l’étalonnage et surtout la lumière de Ben Davis), qui ne peut que profiter au film.

 

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Si la mise en scène, on l’a dit, est d’un excellent niveau, elle ne constitue pas la seule qualité du film. Il serait absurde pour nous de ne pas vanter la qualité du casting, qui nous offre des performances magistrales à la pelle. En tête bien évidemment, Frances McDormand et Sam Rockwell, titulaires chacun d’un Golden Globe, d’un SAG Award et en bonne voie pour les Oscars. Si le remue-ménage récent autour de leurs performances est aussi important, ce n’est pas pour rien. Frances McDormand, tout en justesse, finesse et puissance, nous offre ici ce qui reste peut-être depuis Fargo en 1996 (pour lequel elle avait gagné un Oscar) son meilleur rôle, illuminant le film tel un phénix. Face à elle, un Sam Rockwell de gala, en raciste violent qui laisse au fur et à mesure apparaître un homme fissuré au grand cœur, rôle exigeant aux multiples facettes que Sam exploite parfaitement avec son incroyable palette, ce qui nous offre un (très) grand face-à-face d’acting. Derrière les deux, on ne peut oublier d’évoquer la douceur et la délicatesse d’un grand Woody Harrelson, ou les excellents seconds rôles Lucas Hedges, qui confirme qu’il faudra compter sur lui dans les années à venir, dans le rôle du fils de Frances McDormand, et Caleb Landry Jones pour le loueur des panneaux. Un casting quatre étoiles donc, qui apporte un sacré cachet au film.

Enfin, revenons à Martin McDonagh, mais dans sa casquette de scénariste cette fois-ci, pour saluer une nouvelle fois la qualité de son travail. Car le travail d’écriture est ici rondement mené. Il m’arrive trop souvent de reprocher le bâclage des personnages dans le cinéma actuel, et Three Billboards en est le parfait contre-exemple en laissant aux protagonistes le contrôle du film, les laissant évoluer avec cohérence non sans les avoir correctement exposé précédemment. Une écriture fluide, correctement rythmée, ponctuée par quelques répliques bien senties, finissent de parapher ce qui s’affirme indubitablement comme une énorme réussite.

Three Billboards s’affirme donc comme un premier gros coup de cœur pour ouvrir 2018, offrant un film à la grande humanité et aux leçons de vie assez incroyables. Vainqueur surprenant mais tout sauf illégitime, il semble parti pour tout renverser sur son passage dans les prochaines cérémonies de récompense, et force est de constater que se sera amplement mérité, tant l’on ressort de la salle avec la sensation d’avoir passé un grand moment de cinéma contemporain.

 

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