Pentaton Pagers, drame historique américain de 2018, réalisé par Steven Spielberg, avec Tom Hanks, Meryl Streep…

Avant de faire un retour à la science-fiction plus tard dans l’année avec Ready Player One, Steven Spielberg adapte à nouveau un pan de l’histoire américaine moderne avec Pentagon Papers, qui se focalise sur la révélation dans les années 70 par le Washington Post des exactions de l’administration américaine de la guerre du Vietnam.
Un sujet semble-t-il tout trouvé pour Spielberg (et qui l’est d’autant plus au regard de la considération actuelle de son président pour la presse), s’accompagnant outre cela d’un duo d’acteurs prestigieux en la personne de Meryl Streep et Tom Hanks. Alors, l’essai est-il concluant ?

La presse, pilier de la démocratie 

Le Pont des Espions, La Liste de Schindler, Il faut sauver le soldat Ryan… Spielberg a toujours eu un faible pour les grands moments de l’histoire, qu’il a toujours su romancer avec talent, et Pentagon Papers n’échappe pas à la règle.
Le film suit le destin d’un journal, le Washington Post, qui dans les années 70 n’avait pas acquis la renommée qui est la sienne aujourd’hui. Et il le fait au travers de deux personnages : Katherine Graham (Meryl Streep), la directrice du journal, et Ben Bradlee (Tom Hanks), son rédacteur en chef. Elle, est obnubilée par l’entrée en bourse de son entreprise héritée de son mari et par la pression constante d’un monde de banquiers ; lui, cherche avant tout à préserver l’intégrité du journal, quitte à s’opposer à la puissance présidentielle.
La presse est un pilier de la démocratie. Comme il est dit dans le film, elle « est au service des gouvernés, et non des gouvernants ». Et c’est principalement cette idée que Spielberg défend dans son film, même s’il le fait parfois de manière plutôt pataude, à grand renfort de discours glorieux et dithyrambiques. Et ce pilier, ce sont les personnages de Ben Bradlee et Katherine Graham qui l’incarnent le mieux. Spielberg convoque le fantôme de Frank Capra (et plus exactement celui de Mr Smith au Sénat) pour donner au personnage de Bradlee une certaine ampleur, une certaine idée de la noblesse du métier qu’il exerce et de la défense de ses idéaux coûte que coûte. Graham, elle, représente le féminisme du film. Elle est la femme forte, qui assume ses choix, quand bien même on mettrait en doute la légitimité de sa place. Au sein d’un conseil d’administration exclusivement masculin, elle tient tête (même si le film a l’intelligence de montrer son anxiété, ses fêlures face à ce monde). Parfois hésitante, elle prend cependant de gros risques pour préserver ce journal auquel elle a consacré quasiment sa vie.

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Ce duo d’acteurs est donc la force principale du film : c’est sur eux que repose toute la puissance narrative de l’histoire et l’idée que la presse est un outil nécessaire à la démocratie. Et dans une Amérique sous Trump, le message est certes peu original, mais rempli d’espoir.
Le film a tout de même l’intelligence de montrer le journal en tant que réel collectif, en évoquant plusieurs des corps de métier qui y participent, remontant la chaîne d’assemblage du Washington Post. Spielberg rend les autres journalistes ce qu’il faut d’attachant, sans que cela ne nuise au rythme du récit, qui reste tout de même assez vif.

Une réalisation, comme toujours, maîtrisée, mais…

Il y a une chose que personne ne peut retirer à Steven Spielberg, c’est sa maîtrise de la réalisation et à quel point par ce biais il rend ses histoires marquantes. Et Pentagon Papers possède cette même maîtrise. La virtuosité et la fluidité de sa mise en scène ont de quoi faire pâlir n’importe quel jeune réalisateur tant on sent la quasi-instinctivité de ces scènes.

Spielberg a cela « d’agaçant » que tout parait facile et simple dans son cinéma. Il possède à la fois une maîtrise folle du langage cinématographique et un réflexe de quasi-artisan, qui lui permettent de pouvoir sortir deux films dans l’année.  La fluidité des scènes montrent que le papa d’E.T. est loin d’avoir perdu la main, pour ceux qui en doutaient.

Il gère aussi bien les scènes posées, propices aux grands discours, que les scènes où le rythme devient plus frénétique, où l’urgence que l’on peut rencontrer dans un journal se matérialise devant nos yeux. Le film est placé sous le sceau de l’urgence qui, plus que temporelle, est plutôt celle de la défense d’une nation, d’idéaux nobles de protection de la liberté de la presse. Ces moments de frénésie, accompagnés d’une musique qui sait s’emballer au bon moment même si elle reste la plupart du temps plutôt discrète, sont extrêmement bien gérés et offrent des scènes marquantes. Remontant un pan de l’histoire américaine jusqu’au Watergate (auquel le film fait d’ailleurs référence), le film se savoure avec délectation. Accompagné de la photographie surannée qu’offre le chef opérateur Janusz Kaminski, Steven Spielberg offre donc très clairement ce qu’on attend de lui.
Et c’est là que le bât blesse.

…un Spielberg en mode automatique 

L’idée ici n’est pas de nier la qualité du film : il est très bon et maîtrisé. Mais le film ne restera clairement pas un film phare dans la carrière du réalisateur. Très ancré dans son temps, il aura sûrement un impact sur le spectateur, mais au regard de sa pléthorique filmographie, dire que celui-ci constituera un film mineur dans celle-ci ne relève pas de l’affront.
Le résultat reste à voir, mais Spielberg semble s’être plus amusé à réaliser Ready Player One que Pentagon Papers, duquel on ne ressent aucune audace particulière, que ce soit dans l’écriture et dans la mise en scène. Spielberg donne ce qu’on attend de lui, mais on sait qu’il peut nous donner mieux.

Si cette dernière partie peut sembler acerbe, il me faut précise sa relativité. Ces critiques s’appliquent surtout à Spielberg, dont on sait qu’il est capable de plus d’audace et d’offrir de meilleures œuvres. Mais le travail, la maîtrise de ce film n’a pas à rougir au regard des productions actuelles. Spielberg est un artisan du cinéma, un maître qui sait saisir l’air de son temps, et ce film le prouve.
Pentagon Papers ne restera donc pas dans les mémoires, mais il a le mérite de donner ce qu’on attend d’un réalisateur de la trempe de Spielberg. Pas plus, pas moins. Mais quand on s’appelle Steven Spielberg, on met d’ores et déjà la barre très haute.

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