Mon Meilleur Ami, film argentin de 2019 écrit et réalisé par Martín Deus avec Angelo Mutti Spinetta, Lautaro Rodríguez, Mariana Anghileri…

Synopsis : Lorenzo est un adolescent agréable et studieux qui vit dans une petite ville de Patagonie. Un jour son père décide d’accueillir sous leur toit Caíto, un jeune garçon frondeur et mystérieux. D’abord méfiant, Lorenzo va peu à peu se rapprocher de Caíto sans soupçonner les conséquences de cette nouvelle amitié… mais Caíto a un secret.

Exercice toujours compliqué que celui d’un premier long-métrage ! Un défi que s’est lancé Martín Deus, après plus d’une décennie de courts-métrages et de clips musicaux. Alors que le film sort en salles très prochainement, auréolé de plusieurs récompenses internationales, il est temps d’aller faire un tour en Patagonie…

Caito (Lautaro Rodríguez)
© Epicentre Films

On suit donc dans Mon Meilleur Ami les pérégrinations adolescentes de Lorenzo, jeune adolescent frêle et timide dont l’arrivée de Caito, archétype de la brute, va bouleverser son existence à un point qu’il n’aurait jamais pu imaginer.
Le film prend donc comme toile de fond l’adolescence et les tourments qui s’y jouent avec une certaine vraisemblabilité : que ce soit le rapport à la sexualité, à l’autorité parentale ou à l’irrespect des règles, le film tisse, à travers le personnage de Lorenzo, une fresque de l’époque adolescente, période de tous les changements et où se forment les futurs adultes.
Pour Lorenzo, Caito va représenter cette tentation (qu’on verra vite devenir charnelle), cette envie de s’émanciper et d’aller au-delà des règles imposées par une mère aussi aimante que stricte, là où la figure paternelle essaiera plutôt de jouer sur la sensibilité affective de ses deux « fils ». Caito semble dans le film arriver à un moment charnière de la vie de Lorenzo, et il constitue pour lui l’échappatoire à une autorité que tout adolescent a ressenti le besoin de combattre un jour.
Une thématique importante pour le réalisateur Martín Deus, qu’il assume totalement et qu’il avait déjà exprimé dans ses précédents courts-métrages. De là à faire de lui un véritable auteur, il n’y a qu’un pas, que l’on se gardera de franchir…
A ce thème de l’adolescence, Martín Deus va ajouter une autre thématique : l’homosexualité. Citant Call me by your Name parmi ses inspirations (et en effet, que ce soit par la découverte de sa sexualité par l’intermédiaire d’un personnage masculin plus charismatique ou le rapport à une mère aussi compréhensive que clairvoyante, il y a du film de Luca Guadagnino dans Mon Meilleur Ami), le film montre un Lorenzo que l’arrivée de Caito va troubler. Lui qui est en pleine construction de sa sexualité et de ses envies va tergiverser tout le long du film, n’assumant pas toujours cette attirance pour son ami et se poussant dans les bras d’une jeune adolescente, comme forcé par une famille qu’il pense sûrement incapable de le comprendre. Un thème, nous y reviendrons, traité assez superficiellement.
En dernier lieu, le film se charge de traiter du choc générationnel par un réflexe métaphysique, la dichotomie entre les comédiens du
film : d’un côté, il fait incarner les deux adolescents par de purs novices
(Angelo Mutti Spinetta pour Lorenzo et Lautaro Rodríguez pour Caito) et de l’autre, les deux figures parentales par des acteurs confirmés
(Mariana Anghileri pour la mère et Guillermo Pfening pour le père), exprimant donc à travers ses acteurs et actrice l’opposition de deux générations qui n’arrivent plus à se parler ; une difficulté inhérente au passage de l’adolescence et de ses enjeux précédemment expliqués.

Andrés (Guillermo Pfening) et Caito (Lautaro Rodríguez)
© Epicentre Films

Mais il est chose aisée que de distiller des thématiques dans son long-métrage ; plus ardue est la tâche de bien les traiter. Et à ce compte-là, on ne peut pas dire que Martín Deus brille par son inventivité…
Mon Meilleur Ami pêche en effet de son manque de consistance, notamment, et c’est tout de même extrêmement dommageable, sur son traitement de l’homosexualité, pour ainsi dire famélique. Certes, l’idée est là, et quelques éléments symboliques de mise en scène viennent l’expliciter, comme la scène du vestiaire ; mais elle est tellement effacée dans le reste du film, noyée dans la thématique de l’adolescence qui concentre la majorité de son propos, qu’on en viendrait presque à se demander ce que viennent faire ici des sentiments homosexuels traités par-dessus la jambe, malgré une très belle scène mère-fils dont la portée est évidemment réduite.
Outre cela, la relation que nouent les deux personnages est assez incompréhensible. Outre l’erreur grossière de casting (les deux adolescents ne sont censés avoir qu’un an d’écart, alors que Caito semble beaucoup plus âgé que Lorenzo), peu d’éléments nous sont donnés pour tenter d’expliquer une relation qui évolue sans qu’il nous soit permis de comprendre ladite évolution.
Pour achever un tableau noir malgré de bonnes intentions, la mise en scène, classique au possible, ne permet pas au spectateur de se retenir à un film qui traite ses thématiques sans rigueur, et est parfois même est d’un amateurisme assez déconcertant (le montage, qui coupe plusieurs scènes trop tôt ou trop tard, ou certains plans complètement hors de propos). A de rares instants, un peu de symbolique et une belle photographie (notamment dans les scènes en pleine nature) font leur apparition ; pour le reste, il s’agit du langage cinématographique de base, utilisé sans aucune recherche ni envie artistique.

Martín Deus sur le tournage
© Epicentre Films

Malheureusement pour Martín Deus, toutes ses belles intentions ne se retrouvent pas dans le produit final, et on constate avec tristesse un film vidé de son style et d’une partie de sa substance, alors qu’il aurait pu promettre beaucoup mieux.

Note

5/10

Nobles intentions, résultat moyen, Mon Meilleur Ami est un film d’une platitude extrême malgré des thématiques assumées dont le traitement est réduit à sa portion congrue. Amère déception pour un film qui promettait bien mieux.

Merci à Epicentre Films. Vous pouvez retrouver la fiche du film ici.

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