Xavier Dolan a tourné son premier long métrage à 18 ans

Voilà une chose que Darius m’a énormément répété, plusieurs mois même avant le lancement de son film. La première fois c’était en août dernier alors que je venais d’achever la lecture de son scénario et qu’il attendait mon avis au bout du fil. Puis les mois suivants en cherchant ceux qui allaient donner vie à chaque plan qui composeraient son film.

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Darius Robin sur le plateau des Hasards (de la vie) © Nicolas Robin

DOLAN ET LES CINÉASTES D’UNE AUTRE ÉPOQUE

Dolan a toujours habité dans la conscience de Darius, sans doute parce que Mommy ou Laurence Anyways sont des œuvres qui lui transpercent le coeur, enfin peut-être pas autant que Juste la fin du monde qu’il apprécie plus que les autres.

Ça transpire le cinéma, ce n’est pas un constat c’est une évidence. Mais on ne pouvait pas mieux espérer d’un jeune réalisateur bercé depuis toujours par les grandes œuvres de David Lynch, Stanley Kubrick ou encore Woody Allen et François Truffaut. D’immenses noms qui ont construit le cinéma depuis les années 80, mais aussi l’imaginaire de Darius qui aujourd’hui dirige ses propres acteurs et regarde les images qu’il a lui même composées. Avant de parler du film plus en détails quelques mots sur le tournage auquel nous avons pu assister.

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Le réalisateur Darius Robin et son chef opérateur Adrien Caulier avec la jeune actrice Sheyenne Scanzi © Nicolas Robin

UN TOURNAGE STUDIEUX ET ORGANISÉ

Ce que j’aimerais Raphaël, c’est que tu te tiennes comme ça face à Sheyenne

Nous sommes le lundi 26 décembre, il est 10h40, c’est ainsi qu’au cœur du cinéma Apollo situé dans la charmante ville de Châteauroux où naquit l’immense Gérard Depardieu, démarre un projet ambitieux réfléchi et préparé assidûment depuis l’été 2022. Costume bleu clair (un nouveau réalisateur en costume à la Hitchcock), la caméra est prête à démarrer avec l’œil concentré de Adrien Caulier derrière, la perche est tendue, le premier jour de tournage est enfin arrivé et Darius prépare ses deux acteurs à dialoguer dans un décor qui doit simuler un comptoir d’hôtel. Les prises s’enchaînent, la séquence 12 signe le premier clap des Hasards (de la vie). « Action » lance Darius.

La matinée se poursuit.

« Bonne à l’image et au son ? » interroge Adrien à Elric casque sur les oreilles qui valide d’un signe de tête, tandis que Joshua qui officie en tant que script juste derrière prend note. L’équipe communique, se répond, se comprend. Darius donne ses instructions un peu plus loin, il décrit avec précision la façon dont la scène doit se refaire, il est complètement dans son rôle. Le jeune réalisateur qui trois ans auparavant réalisait Rage un court métrage de 7 min diffusé sur Youtube qui totalise aujourd’hui 731 vues, a laissé place à un jeune adulte de 18 ans porté par ses rêves et les films qui lui ont donné l’envie et l’espoir de faire du cinéma. Des Antoine Doinel de Truffaut au Darjeeling Limited de Wes Anderson, en passant par le Shining de Kubrick les références de Darius sont toutes bonnes à prendre.

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Raphaël Mario Biagetti Espeute dans Les Hasards (de la vie)

INSPIRÉ PAR LES PLUS GRANDS AVEC L’IDÉE D’ÊTRE LUI MÊME

C’est donc avec beaucoup de joie et d’intérêt que je me suis lancé dans son film.

D’entrée de jeu un narrateur (Romain Chauveau) nous invite dans son histoire. Nous ignorons où elle se passe, quand elle se passe, mais nous avons envie de la découvrir.

Après une ouverture à l’aube, un presque plan séquence silencieux et nocturne pour introduire le protagoniste principal, Julien. On ressent l’envie de citer le Taxi Driver de Scorsese avec les plans sur le rétroviseur, ou encore Drive de Nicolas Winding Refn.

Darius est inspiré, il ne le cache pas. Il a envie de nous faire savoir quel cinéma le fascine, mélangé avec l’idée de construire le sien. Plusieurs échanges entre Julien (Raphaël Mario Biagetti Espeute) et Alice (Sheyenne Scanzi), le personnage féminin primordial de cette intrigue faite d’aléas et de hasards rappellant le cinéma de Woody Allen. Les Hasards (de la vie) est comme une vraie première entrée dans le monde du cinéma. Fait d’hommages, de références, de cinéma et surtout de vraies idées pour Darius de constituer son univers où il parle autant de cinéma que de littérature. Il en vient à se citer lui même et notamment son précédent travail : le court-métrage Les Écrits de Victor dans lequel on pouvait déjà entrevoir une personnalité qui lui était propre.

L’AMOUR ET LA NOUVELLE VAGUE

Entre monologues philosophiques, réflexions radicales ou décalées et des relations qui se nouent et se dénouent Les Hasards (de la vie) est généreux en belles répliques et en thématiques difficiles. L’amour est au centre de son histoire avec d’un côté une relation amoureuse conflictuelle, de l’autre des rapports tendus entre un père et son fils. Mais Darius sait ce qu’il veut raconter, et ses deux acteurs maîtrisent leurs personnages. On peut applaudir des dialogues réfléchis et une bonne direction d’acteurs.

Il n’y a plus de génie, que des talents

Entre temps un plan avec Alice et Arthur (Enzo Lorilloux Locciola) dans un lit rappelle Domicile Conjugal, rien d’étonnant Darius se plaît à citer Truffaut à la moindre occasion. il lui faisait déjà une belle déclaration d’amour avec Les Écrits de Victor.

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Sheyenne Scanzi et Enzo Lorilloux Locciola dans Les Hasards (de la vie)

La nouvelle vague est une forte influence pour lui, on le ressent lors d’une scène au bord d’une rivière où Julien observe l’horizon muni d’un appareil photo dans l’espoir d’y trouver l’inspiration. Julien, un personnage mystérieux qu’on devine avoir le cœur brisé qui travaille sur son prochain film. Un réalisateur en devenir à l’image de son auteur qui parle de lui sans prétention. Parce qu’être artiste c’est parler de soi. Il parle de son vécu, de sa vie, du cinéma qu’il aime. C’est ce qui fait que Les Hasards (de la vie) est un premier film sincère, personnel avec une façon intelligente et mature de traiter son sujet. Oui l’amour est un thème qui a fait couler beaucoup d’encre, mais Darius lui a donné une nouvelle direction. Il a su apporter un ton adulte et crédible à son histoire grâce à Edouard (Marc Jean-Jacques) un homme qui n’a que l’honnêteté et des vérités à la bouche.

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Raphaël Mario Biagetti Espeute dans Les Hasards (de la vie)

On apprécie les 1h04 que dure ce premier film, et les jolis plans qu’il nous offre et on retiendra combien Darius aime les mots et comment il les utilise. On se rappellera aussi que c’est un amoureux du cinéma . Ça tombe bien nous aussi.

Les Hasards (de la vie) est disponible dès ce 31 Mars sur le lien en-dessous ou ici sur chaîne Youtube de Darius.

Voir la bande-annonce :

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