Je ne pensais pas qu’un jour je serais capable de revoir un film plus de 30 fois de suite, mais ça c’était jusqu’au jour où j’ai découvert ce chef d’œuvre signé John Carpenter.

John Carpenter un réalisateur renommé dans le genre fantastique/horreur notamment avec des films comme The Thing (1982), New York 1997 (1981), Fog (1980) et quelques autres références notables du genre, propose ici le film de genre ultime : Halloween la Nuit des Masques .

Sorti en 1978, Halloween se concentre sur un trio d’étudiantes vivant dans la petite banlieue de Haddonfiled, Laurie Strode (Jamie Lee Curtis), Annie Brakett (Nancy Kyes) et Linda (P.J Soles). Tandis que les trois amies discutent de leurs plans respectifs pour la soirée à venir, une menace omnisciente les observe de loin, elles ne le voient pas mais lui les a désignées comme pour cible.

Et cette ombre masquée qui disparaît d’un clignement des yeux se nomme Michael Myers, un tueur en série aussi surnommé « croque mitaine » et fraîchement évadé de l’hôpital psychiatrique Smith Grove où il avait été incarcéré suite au meurtre de sa sœur, Judy Myers, dès son plus jeune âge, dans une terrible séquence d’ouverture du point de vue même de Michael.

La Nuit des Masques est un haut sommet de l’horreur, de l’angoisse, même si bien d’autres métrages du genre comme Psychose (1960), Le Projet Blair Witch (1999) ou encore The Shining (1980) peuvent prétendre être des œuvres redoutables en matière d’horreur, Halloween avec sa mise en scène d’une efficacité indétrônable et sa BO dont les premières notes suffisent a provoquer une vraie panique dès les premières secondes, reste à mon humble avis un pan du cinéma de genre qui trône en haut du podium. Et pourtant les films de « croque mitaine » sont nombreux, Wes Craven un autre monstre du genre en a même créé deux emblématiques en Freddy Krueger et GhostFace dans Les Griffes de la Nuit (1984) et Scream (1996), Steve Miner avec Jason Vorhees dans Vendredi 13 (1981), Hitchcock bien entendu de façon moins sanglante et en noir et blanc avec Norman/Mme Bates dans Psychose (Janet Leigh assassinée par ce dernier est la mère de Jamie Lee Curtis ici héroïne de Carpenter), et pourtant c’est bel et bien Halloween qui mérite son statut de chef d’œuvre.

Comme dit plus haut sa mise en scène qui fait tout le génie du métrage, est d’une intelligence rarement vue ! La séquence d’ouverture du point de vue d’un tout jeune Michael permet d’instaurer dès le début un certain malaise et la façon dont cette séquence se termine en révélant le visage sans expression de ce jeune garçon tenant un couteau de boucher ensanglanté, avec cette caméra qui s’élève comme pour accentuer la terrible chose qui vient de se produire et cette petite mélodie inquiétante en fond. Il a suffit d’un point de vue subjectif nocturne, d’un meurtre à peine lisible et de la révélation de son jeune meurtrier pour rendre ce film mémorable.

Et ce n’est pas le seul exemple, loin de la ! Carpenter insère son tueur au détour d’un plan large, derrière un buisson ou au premier plan, mais seul son bras sera visible et sa respiration entendue. On ne voit jamais cette menace masquée de près, il est toujours en arrière plan, dissimulé derrière une porte ou observant Laurie au dehors parmi du linge qui sèche (ou même juste devant son lycée). D’ailleurs ce dernier disparaît si rapidement que Laurie qui l’aperçoit en vient à se demander si elle ne perd pas la raison, mais elle seule semble se douter de quelque chose contrairement à ses deux autres amies vierges de toute inquiétudes, et de toute évidence chacune s’impatiente de retrouver leurs petits copains, tandis que Laurie est chargée de babysitting chez ses voisins. Là encore Carpenter en profite, il ne filmera pas Laurie ou Annie venues s’occuper des Doyle ou des Wallace, mais plutôt Myers observant l’action de loin. Ainsi le spectateur au même stade ou plutôt au même point de vue que le tueur est au courant de ce qui se passe.

En parallèle nous suivons Samuel Loomis, le médecin de Michael Myers (Donald Pleascence), ce dernier a grandement étudié le sujet et est convaincu que son patient n’est autre que le mal incarné ! « Il ne distingue pas le bien du mal, le vrai ou le faux » dira un Loomis effrayé dans la pénombre même de la maison de ce dernier avec une musique qui fait ressentir le caractère ténébreux de la situation et du personnage dont il est question. Une musique dont seul Carpenter a le secret, une musique qui représente presque le tueur qui n’est pas loin. Et en effet le tueur n’est guère loin. Il guette la maison des Doyle où se trouve Laurie, au loin, seul sa silhouette est visible dans la nuit noire, ou alors se cache derrière la porte de la cuisine où Annie converse au téléphone avec son ami, ou comment d’un simple mouvement de caméra Carpenter place Annie en tant que proie traquée, et avec un autre point de vue, Myers comme un voyeur. Avec deux angles différents nous comprenons que Annie est menacée et que le tueur va agir (un chien présent dans la maison sera également une malheureuse et regrettable victime mais montre que le tueur s’en prend même à des animaux) et une fois de plus une petite mélodie qui a ce stade est un personnage essentiel, nous prévient que le pire s’apprête à arriver.

Un ébat sexuel est aussi prétexte de distraction, tandis que la lumière éclairant la chambre fait apparaître au mur en un fragment de seconde la menace toujours aussi subtile mais toujours aussi menaçante. Après une semi-lumière, les ténèbres d’une cuisine qui sera le théâtre du meurtre d’un pauvre innocent qui sera empalé au mur et observé par son meurtrier apparemment fasciné par son œuvre. Le tueur est passé à l’acte pour de bon et joue les fantômes muet pour étrangler une pauvre jeune fille à moitié nue téléphonant à Laurie. Ce coup de téléphone n’aura pas lieu et Laurie n’entendra que des étouffement étouffés à l’autre bout du fil, mais cependant ça la rendra sceptique sur ce qui ce passe dans la maison d’à côté.

Voilà tout le génie de Carpenter, une ombre dans l’obscurité, en plan large observé par le jeune garçon que garde Laurie, convaincu de la légende du croque mitaine (qui aura lui même été épié par Myers un peu plus tôt dans la journée au volant d’une voiture), puis trois meurtres et pas une seule goutte de sang, mais les quelques notes qui retentissent aux moments opportuns suffisent amplement, et le terrible face à face entre la jeune Laurie et celui qui la guette arrive !

Carpenter cultive l’angoisse, il joue avec les ombres, les arrières plans, déplace sa caméra, il fait germer son tueur sans jamais le dévoiler ni le faire parler, il ne court pas, il observe derrière son masque blanc. Jamais un film d’horreur n’avais été aussi intelligent et propre, comment expliquer que Michael Myers soit un tueur aussi emblématique alors que son visage n’est pratiquement jamais lisible et qu’il ne prononce pas un mot ? Tout simplement parce que tout est suggéré et subtil, rien n’est explicite même le final entre Laurie et Myers est démuni de violence. Cependant Carpenter n’hésite pas à faire de son héroïne une parfaite « Scream Queen », ou une demoiselle en détresse qui cependant arrivera à prendre le dessus sur son adversaire en se saisissant de son couteau. Sinon c’est la bande sonore qui fait tout le travail en poursuivant Laurie hurlant de terreur en même temps que Myers, Laurie qui en voyant la macabre mise en scène du tueur pour lui exposer ses cadavres, reculera mortifiée par la terreur et s’effondre dos à un mur. Et Myers tapis dans l’ombre juste à côté sera seulement identifiable avec son masque, le plan est accompagné d’une seule lumière qui éclaire le visage apeuré et déboussolé de Laurie, ce même plan est sans doute ce que Carpenter ait jamais fait de mieux dans toute sa filmographie. Réunir la peur, l’effroi, le traumatisme, le tueur et la proie dans un unique plan relève du génie et d’une énième prouesse de mise en scène et de photographie. La photographie de Dean Cundey qui immortalise notre tueur à la hauteur de son potentiel, tout comme la BO qui encore une fois, et à la manière de John Williams pour la musique des Dents de la Mer, remplace, signale ou accompagne la présence du tueur par la musique. Une musique métaphore même de l’angoisse qui débute et conclut le film, qui possède des notes graves à la fin de sa partition comme pour signifier que le Mal à la fin n’a pas disparu, qu’il rôde, qu’il est toujours présent et a laissé derrière lui une victime traumatisée, vulnérable et sans aucun soutien.

Il est clair que John Carpenter a parfaitement saisi les codes de l’horreur et a compris qu’il ne suffisait pas de faire d’affreux jumpscares et d’horribles meurtres avec du sang qui gicle pour marquer les esprits, mais qu’il fallait seulement savoir utiliser intelligemment sa pellicule et ses sujets pour faire un bon film d’horreur. La Nuit des Masques est intelligent, propre, ne dure ni trop longtemps ni pas assez, possède un tueur effrayant dont la simple présence dans un coin suffit à représenter tout un patrimoine horrifique. Une BO qui nous met une claque en l’espace de quelques secondes, un masque blanc et un couteau de boucher, il n’en fallait pas plus pour faire de Halloween La Nuit Des Masques un chef d’œuvre de l’horreur inégalé.

Passons au plan séquence qui amorce tout doucement le climax. Laurie constate que la maison d’en face est éteinte et l’appel étouffé qu’elle vient de recevoir lui a mis un doute, aussi après avoir vérifié que Tommy et Linsdey dorment paisiblement, elle se dirige douteuse vers la maison. La caméra accompagne lentement une Laurie à moitié cachée par la nuit vers cette maison silencieuse plongée dans le noir dans une rue déserte et dans un silence de mort. La BO se renforce, se durcit plus elle s’approche de la maison comme pour signifier que Laurie va pénétrer dans son ultime cauchemar.

En 1 min et 13 secondes Carpenter use de tous les éléments qui compose son décor, d’une BO énigmatique et du mystère que nous connaissons pourtant déjà. Le spectateur est déjà au courant de ce que Laurie va trouver à l’intérieur, mais en ce seul plan séquence Carpenter nous fait bien comprendre que même si nous avons un avantage sur Laurie, il peut malgré tout nous surprendre ! Que va t’elle découvrir à l’intérieur ? Qu’à t’il fait des corps ? Plus elle avance plus le cauchemar s’amorce, elle qui pense simplement à une banale blague pour lui faire peur, elle va connaître sa plus grande frayeur.

La maison est vide, éteinte, mais des bruits supérieurs l’encouragent à monter. Carpenter prend son temps pour amener Laurie jusqu’à la chambre et faire redouter le spectateur, au même titre que notre héroïne, en quelques instants il a réussi à nous replacer au même stade qu’elle en faisant de chaque plan et de chaque note de sa partition, une angoisse, un doute, un pressentiment.

Et dès lors que Laurie entre dans la chambre, il lui laisse d’abord le temps de s’avancer et de découvrir le cadavre de son amie avant de filmer le corps étendu de tout son long et ainsi nous découvrons, après Laurie, le début d’une mise en scène morbide, puis nous découvrons les autres cadavres en même temps qu’elle une fois que nous sommes arrivés au bout du mystère.

Quelques instants, il n’en faut pas plus à Carpenter pour installer, prolonger ou appuyer une angoisse, un questionnement, l’envie de savoir ce qu’on trouve derrière la porte. Halloween est à l’image de son tueur : silencieux, mystérieux, mais quand il frappe ça fait mal et on s’en souvient.

Nous remarquons que même si 5 personnes sont tuées face caméra ou hors champs, pas une seule goutte de sang n’est lisible ou si brièvement qu’on n’a à peine le temps d’en apercevoir, mais les meurtres eux sont préparés. L’intro en elle même nous montre chaque étape du premier meurtre de Michael, il guette sa sœur avec son petit ami dans le salon, puis les vois monter dans la chambre, leur arrivée à l’étage supérieur est signalée par la lumière qui s’éteint, puis il pénètre dans la cuisine, prend un couteau, attend que le petit copain redescende, monte à l’étage et la tue .Combien de temps aura t’il fallu a Carpenter pour nous montrer tout ça 3 min et quelques secondes !

Carpenter ne tue pas les adolescentes tout de suite, il veille d’abord à établir un contact, un lien entre Michael Myers et elles. Ainsi Carpenter le fait roder dans le quartier résidentiel où Annie et Laurie sont, il épie leurs conversations, passant d’une maison à une autre, puis saute sur l’occasion au moment propice. Et pour tout ça peu de temps, pas de sang mais l’instant fatidique est bien marquant, car préparé et amorcé, mais tout de même redouté .Ce qui est d’autant plus fort c’est même quand il tue, Michael Myers est à peine visible à l’écran. Au début le meurtre est filmé de son point de vue et on ne découvre son visage qu’à la fin, quand il tue le pauvre chien des Wallace c’est hors champ, quand il tue la malheureuse Annie on voit tout juste son masque dans la pénombre de la voiture, quand il tue Bob sa silhouette surgit et reste dans la pénombre de la cuisine, quand il tue Linda il est enveloppé dans un drap et n’est réellement découvert et lisible qu’une fois que le corps est tombé, par ailleurs Carpenter est intelligent car il sait que c’était le dernier meurtre du film donc il peut enfin dévoiler de près son tueur masqué.

C’est grâce à tous ces éléments et facteurs primordiaux de mise en scène, de composition des personnages, des unités de lieux, comment les meurtres sont orchestrés, quelles notes de musiques sont entendues à ces moments précis, que le film est irréprochable. Aucun moment n’est inutile. Sur 86 min et 6 secondes de film si on enlève les crédits du début et le générique de fin, 5 morts plus un animal si ce n’est deux, une jeune adolescente traumatisée à jamais, deux enfants terrorisés, un psychologue mise en échec et un tueur toujours en liberté même si on sait qu’il sera arrêté comme nous l’a montré Halloween Kills qui prolonge la nuit en nous montrant que cette nuit là plus d’un policier a été dépêché sur les lieux pour l’arrêter, et qu’il met en échec un jeune policier du nom de Frank Hawkins dont le coéquipier a été attaqué par Myers avant d’être accidentellement tué par Hawkins.

Le bilan est lourd pour le récit et ses protagonistes et le spectateur est frappé sans doute à jamais. De la citrouille au début qui s’avance lentement mais sûrement en brûlant sur les notes graves de Carpenter comme une métaphore que tout du long le mal sera de plus en plus présent, aux hurlements apeurés de Jamie Lee Curtis, Halloween est encore aujourd’hui le chef d’œuvre du cinéma d’horreur qui n’a jamais été égalé.

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