En passant devant un cinéma ces dernier temps, vous avez peut-être remarqué l’affiche d’un film sur laquelle on voit un jeune Forest Whitaker, tout de noir vêtu, arborant des tresses et armé d’un sabre. Il ne s’agit bien entendu pas de son dernier film puisque l’acteur fêtera ses 62 ans en juillet prochain, mais de Ghost Dog : The Way of the Samurai, un classique signé Jim Jarmusch, sorti en 1999. Et pour le plus grand plaisir des cinéphiles, le film est ressorti le 14 décembre 2022 dans une version remasterisée en 4K.

Un tueur à gages à la vie ascétique

Ghost Dog est un homme qui vit seul dans une petite cabane sur le toit d’un bâtiment de Jersey City, ville située sur la côte Est des États-Unis. Il passe ses journées à lire, à méditer, à s’entrainer au combat et à s’occuper de ses nombreux pigeons. Un fois la nuit tombée, il arpente les rues de la ville afin d’honorer ses contrats, car c’est un tueur à gages. Sa particularité, c’est de suivre les préceptes du Hagakure, livre recueillant les enseignements du samouraï Jōchō Yamamoto et considéré comme le guide pratique et spirituel destiné aux guerriers. 

Taciturne, ses seules interactions avec le monde extérieur se limitent à de courtes visites chez son « meilleur ami », un marchand de glace ambulant, parlant exclusivement français, avec qui il joue occasionnellement aux échecs. Si la barrière de la langue réduit à néant toute tentative de communication par les mots, les deux hommes semblent se comprendre par une sorte télépathie. Ghost Dog entretien également un relation spéciale avec Louie, un homme de main de la mafia locale dont il est devenu le vassal, après que ce dernier lui ait sauvé la vie huit ans auparavant.

Seul contre tous

En quatre ans, l’énigmatique tueur à gages a exécuté une douzaine de contrat pour Louie. Tous étaient parfaits, sauf le dernier en date : l’assasinat du mafieux Handsome Frank qui entretient une relation avec Louise, la fille du parrain local Ray Vargo. Ghost Dog devient donc un homme à abattre. Le problème, c’est qu’il est si mystérieux que personne ne sait rien de lui, pas même Louie qui peine à donner des informations utiles à la Vargo. Il est traqué mais reste invisible et décide de riposter.

Un hommage au « Samouraï » de Jean-Pierre Melville...

Au générique final, dans la liste des remerciements figure le nom de Jean-Pierre Melville, mythique réalisateur français qui en 1967, a signé un chef-d’œuvre intitulé « Le Samourai » et dont Jim Jarmusch s’est fortement inspiré pour « Ghost Dog ». Ceux qui ont vu le film de Melville ont pu remarquer les nombreuses similitudes entre le personnage de Ghost Dog et celui de Jef Costello, interprété par Alain Delon. Tous deux sont des tueurs à gages aussi efficaces que solitaires. Ils ont pour compagnons des oiseaux. Ghost Dog possède des pigeons, Jef Costello des canaris. Ils enfilent des gants blancs pour ne pas laisser de trace sur les scènes de crime et ont l’habitude de voler des voitures au besoin. Jef Costello braque des DS Citroën à l’aide d’un trousseau contenant de dizaines de clés tandis que Ghost Dog préfère les Mercedes ou les Lexus dont il prend le contrôle à l’aide d’une télécommande magnétique. 

On retrouve également des similitudes au niveau du scénario, notamment à travers le thème du samouraï, qui ressort cependant d’une manière différente dans les deux films. Melville a choisi une approche moins directe que Jarmusch. Le personnage de Jef Costello ne s’intéresse pas une seconde aux samouraïs. C’est plutôt dans sa manière d’agir qu’il fait penser à un guerrier japonais. En revanche, le réalisateur américain a incorporé le samouraï au centre de l’histoire avec le personnage de Ghost Dog, vivant selon les préceptes du Hagakure. Autre similitude, les deux tueurs se retrouvent trahis et traqués par leurs employeurs après avoir été compromis au cours d’un contrat. Et ils connaissent une fin similaire.

Ghost Dog 2
Ghost Dog, interprété par Forest Whitaker, lisant le Hagakure

...et à « Rashomon »

L’influence du Japon se fait également ressentir à travers le livre « Rashomon » de l’écrivain Ryūnosuke Akutagawa. Dans « Ghost Dog », un seul et même exemplaire de cet ouvrage passe entre les mains de plusieurs protagonistes avant que le hasard ne le rapporte à son propriétaire d’origine, comme pour boucler un cercle. En 1950, Akira Kurosawa s’était lui aussi inspiré de « Rashomon » pour réaliser un film homonyme auquel il avait greffé des parties de l’histoire de « Dans le fourré », un autre roman d’Akutagawa. Et comme par ruissellement, on retrouve des traces du chef d’oeuvre de Kurosawa dans le film de Jarmusch, à travers la scène où Louie sauve la vie de Ghost Dog et bouleverse à jamais son destin.

Action, images et musique

Pour finir, voici trois bonnes raisons de voir ou revoir « Ghost Dog : The Way of the Samurai » :

  • On y voit un Forest Whitaker en impitoyable tueur à gages maîtrisant le sabre et les armes à feu sans jamais (ou presque) se faire remarquer. 
  • C’est l’occasion d’admirer une fois de plus l’habileté de Jim Jarmusch derrière l’objectif, alternant entre des plans larges, serrés, lents, rapides, aériens, nocturnes, diurnes, calmes et violents pour un résultat toujours aussi poétique. 
  • On peut se laisser porter par une splendide bande son signée RZA, que l’on voit à l’écran le temps d’un subtile caméo.

« Ghost Dog : The Way of the Samurai» : un film culte par un réalisateur culte. A voir absolument !

Le film est disponible sur Amazon Prime Vidéo

Voir la bande-annonce :

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