Evil Dead 2, film comico-horrifique de 1987 réalisé par Sam Raimi avec Bruce Campbell, Sarah Uriarte Berry…

Synopsis : Deux jeunes amoureux se rendent dans la cabane du professeur Knowby, qui a mystérieusement disparu apres avoir eu en sa possession quelques pages du livre des morts, redoutable grimoire disparu au XIVe siècle. 

Si Evil Dead premier du nom avait à l’époque de sa sortie marqué les esprits, sa suite semble garder dans l’esprit des cinéphiles une aura encore plus importante. Plus gore, plus inventif, plus fun, ce requel (mélange de remake et de sequel, terme que l’acteur principal Bruce Campbell avait utilisé pour le désigner) a-t-il volé sa réputation ? Conformément à l’avis général, absolument pas !

Ash (Bruce Campbell), héros malgré lui…

Evil Dead 2 se place donc comme une suite à l’apparence d’un remake : même lieu d’action, mêmes péripéties, même menace… Le film reprend nombre d’éléments du premier opus, un choix parfaitement assumé de la part du réalisateur. Car plus qu’une simple suite, Evil Dead 2 ferait passer son respectable aîné pour son brouillon tant il pousse tout ce qui avait fait le charme du premier opus à son paroxysme et livre une oeuvre horrifique d’une fougue démesurée.
Agé d’à peine 28 ans à l’époque, le jeune Sam Raimi se laisse aller à toutes les expérimentations dans sa mise en scène pour illustrer cette menace surnaturelle, usant de toutes les composantes de sa palette de cinéaste. Budget supérieur oblige, le travail visuel est d’autant plus impressionant qu’il pourrait être désuet face aux canons actuels, mais parait au contraire rafraichissant et donne une honnêteté et un charme sans pareils au long-métrage. Matte paintings, animatroniques, plans sur toile, maquillage sur les acteurs… Il serait malhabile de nier que certains effets ont pris de l’âge, mais dans l’ensemble, Evil Dead 2 semble être l’expression de l’amour de Sam Raimi pour un cinéma du vrai, du tangible, et montre l’investissement d’un cinéaste qui a enfin, grâce à un budget plus conséquent, l’occasion d’exprimer ce que le premier opus ne lui avait pas permis de faire, sans pour autant se fourvoyer et se laisser dicter sa loi par une production plus importante.

Surprenante est l’audace de la mise en scène de Raimi, qui offre à sa mise une pêche rarement vue dans un film d’horreur, notamment dans sa manière d’illustrer le surnaturel : plans à la première personne, déformations du cadre, nombreux mouvements circulaires… Le film semble être un fourre-tout issu de la folie furieuse de son personnage principal (ou de son cinéaste) mais qui conserve malgré tout un aspect homogène et une cohérence, regorgant d’idées de mise en scène, tant et si bien qu’il serait impossible d’être exhaustif sur la question. Comme pour le premier film, Raimi use à foison de la shaky cam, ne laissant que très rarement respirer le spectateur. Une caméra très mobile, illustrant la détresse des personnages dépassés par les événements et les agissements d’une indiscible menace, donnant au spectateur l’impression d’un perpétuel grand huit oscillant entre différents genres sans jamais se poser. Le film possède donc une pêche sans commune mesure, et sa courte durée (1h24) semble s’imposer d’elle-même au vu d’un spectacle dont on ressort éreinté devant tant d’inventivité.

Quoi qu’il en soit, Evil Dead 2 marque par le dynamisme d’une mise en scène qui ne laisse absolument jamais respirer le spectateur, et dont le budget bien supérieur (3,5 millions de dollars contre 350 000 pour le premier) permet à Sam Raimi d’exprimer la pleine mesure de son ambition, donnant tout son charme au film.

Folie furieuse…

Mais là où va être le réel coup de maître du long-métrage, et ce qui va lui donner ce parfum d’inoubliable, c’est le numéro d’équilibriste que va opérer Sam Raimi, jouant perpétuellement avec le registre comique et l’horreur pure. Mais à l’alternance, le cinéaste préférera l’osmose. Les deux registres, qui pourraient paraitre antinomiques, sont au contraire étroitement liés pendant tout le long-métrage, qui multiplie les scènes où horreur et hilarité sont associés pour le plus grand plaisir du spectateur. En tant que grand fan du slapstick (qui, sommairement, est un genre d’humour tendant à pousser sa part de violence jusqu’à une exagération comique), Sam Raimi lui rend un grand hommage dans son film d’horreur où Bruce Campbell, jouet du délirant sadisme du cinéaste, se battra avec force et vigueur contre une entité démoniaque rivalisant d’ingéniosité et offrant des situations où il sera le jouet désabusé de celle-ci. Un sadisme que l’acteur lui rend bien, se donnant à fond dans chacune des scènes lui faisant subir des préjudices moraux et physiques et portant le film sur ses épaules.

Cet aspect “loufoque” évoqué se retrouve dans toute la réalisation de Sam Raimi : le son, puisque certains bruitages semblent presque en anachronisme avec le genre du film ; la musique, qui sait elle aussi se faire comique (en témoigne la scène de la “poursuite avec la main”) ; l’image, avec une hémoglobine jaillissante et bariolée ; ou dans le récit en lui-même, qui multiplie les situations ubuesques qui sont souvent l’occasion d’une franche rigolade. Quelques menus aspects d’une film débordant d’imagination et teintée d’un aspect comique très réussi.
Mais la force de Raimi, c’est d’arriver à instaurer un aspect comique sans pour autant atténuer l’horrifique. Evil Dead 2, même dans ses moments les plus drôles, parvient toujours à conserver une dose d’angoisse et à montrer des personnages désabusés par une situation ingérable et une menace qui ne reculera devant rien pour les anéantir, l’exemple le plus parlant étant sans doute ce corps sans tête poursuivant Ash avec une tronçonneuse, dont l’aspect comique n’élude pas la menace qui pèse sur le personnage et l’urgence de la situation. La gestion de cette dualité passe par une maitrise impeccable de sa mise en scène par Raimi, qui va savoir gérer l’angoisse au sein du comique et inversement, sachant parfaitement, pour l’un comme pour l’autre, comment l’exprimer de la meilleure manière possible.

L’inventivité de sa mise précédemment évoquée va beaucoup y aider, et Evil Dead 2 regorge de scènes mémorables où Raimi pousse à l’overdose la démesure de son film. Il gère donc aussi bien l’humour que le comique, sans jamais réduire l’impact des deux, et l’on est avec ce film devant une sorte d’association non différenciée, le tout formant un ensemble homogène entre cartoonesque et angoisse, où Raimi exprime l’ampleur de son talent. Et on l’a dit, Bruce Campbell est pour beaucoup dans la réussite d’un film qui, malgré son statut de remake, donne à Ash une belle évolution, notamment avec cette fin le faisant passer d’un personnage dans la réaction avant l’action à un héros malgré lui, lui donnant tous les archétypes de ce genre de personnages, réplique culte, arme mythique et gestuelle de western de rigueur. Evil Dead 2 ne pourrait donc être résumé à une pâle copie de son prédécesseur, poussant à son paroxysme ce qu’il offrait, laissant bien plus transparaitre son aspect comique et permettant à Raimi d’illustrer à l’écran toutes les idées qu’il souhaite, dans un film pourtant d’un splendide équilibre.

Bruce Campbell, pas au meilleur de sa forme, sous l’œil concentré de Sam Raimi

Evil Dead 2, c’est un peu l’oeuvre d’un grand enfant à qui l’on offre la possibilité de s’amuser sans discontinuer avec nombre de jouets. Hommage splendide au slapstick qui a marqué son enfance, le film est un trop-plein illustrant l’imagination débordante d’un réalisateur sans limites, regorgant sans arrêt d’idées de réalisations et de mouvements de caméra inhabituels, lui donnant son aspect unique, hors du temps, digne des plus grandes oeuvres du cinéma. Evil Dead 2 est un grand film d’horreur et un grand film tout court, parce qu’il est, dans toutes ses composantes, d’une inventivité folle, et que la fougue du jeune Raimi donne au film une pêche que l’on retrouve peu actuellement. Et si l’on pouvait craindre que la présence d’une production plus importante et d’un producteur caractériel, en la personne de Dino De Laurentiis, rendent le film plus impersonnel, il n’en est rien.
Evil Dead 2 ne s’explique pas, il s’expérimente. Tenter d’être exhaustif sur ce film, c’est vouloir expliquer le génie d’un réalisateur débordant d’idées et qui les exprime de la plus pertinente des manières, et c’est donc impossible. 2 fois, 10 fois, 50 fois : peu importe le nombre de visionnages, Evil Dead 2 est et restera un grand film parce qu’il possède en lui cette part d’indiscible, une iconoclastie sans égale, comme une force invisible le portant vers les hautes cimes du cinéma. Réputation volée ? Bien au contraire. Vive Ash, vive Sam Raimi, et vive Evil Dead 2 !


Note

9/10


Plus fun, plus gore, plus inventif, Evil Dead 2 est la confirmation du talent éclatant d’un réalisateur confirmé, dont la diversité de sa réalisation n’a d’égale que l’équilibre de son film entre horreur et comique. Un coup de maître.


Bande-annonce :

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0 Comments

  • Aphadolie
    On 31 juillet 2019 1 h 24 min 0Likes

    Un classique !

    LE 1 & le second opus sont excellents, voir même le 3 qui est fort sympatrique.

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