Chèr(e)s lecteurs(rices) de Ciné Maccro, aujourd’hui nous nous retrouvons dans un nouveau format d’articles de rétrospectives consistant à passer en revue différents auteurs sous plusieurs angles thématiques et stylistiques. Le premier à être passé au crible est donc le réalisateur star coréen, acclamé après l’incoryable succès de son dernier long-métrage Parasite : Bong Joon-Ho, la palme d’or coréenne.

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Les débuts d’un auteur à part

Lorsque l’on parle de cinéma d’auteur, en l’occurrence de cinéma d’auteur oriental, il nous vient en tête un nom ayant marqué les esprits depuis le début des années 2000 et 2010 avec ses nombreux succès dans son pays mais également à l’international : Bong Joon-Ho. Né en 1969 à Séoul, en Corée du Sud, le réalisateur s’orienta tout d’abord vers un cursus de sociologie à l’université de Yonsei où il développera sa passion pour le cinéma en fréquentant le ciné-club de la fac. Dès ses premières années d’études, deux éléments significatifs pour comprendre son oeuvre vont se distinguer : son amour pour le cinéma et la mise en scène ainsi que l’étude de la société et des comportements individuels. En effet, après avoir été diplômé de la Korean Academy of Film Arts qu’il rejoindra après avoir fini son cursus en sociologie, BJH achève son film de fin d’études : Incoherence, une comédie satyrique dénonçant les travers de la société sud-coréenne; déjà ! Le moyen métrage épisodique nous fait suivre la vie d’un professeur de psychologie confronté à sa luxurieuse obsession envers les femmes. Le rendu, bien qu’assez amateur techniquement annonçait déjà ce qu’allait être le cinéma du metteur en scène sur le plan thématique ainsi que sa passion à représenter l’environnement coréen. C’est en 2000 qu’il réalisera son premier long métrage : Barking Dog : un film dans lequel un professeur d’université (encore), déjà préoccupé par de nombreux problèmes dans sa vie professionnelle et de couple, se retrouve dérangé par les aboiements d’un chien de son immeuble. Si son premier film permet au réalisateur de prendre ses marques sur la scène du cinéma coréen, c’est son second, en 2003, qui l’en projettera sur les devants. Memories of Murders, considéré par beaucoup de cinéphiles comme la pièce maîtresse de son oeuvre, est un succès critique retentissant et a atteint le rang de classique du cinéma asiatique des années 2000. Le film est un thriller dans lequel un policier d’une ville de campagne coréenne interprété par l’excellent Song Kang-Ho qui deviendra un acteur récurent dans la filmographie de Bong enquête sur une série de meurtres commis sur des jeunes femmes violées puis assassinées.

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Pour le dire directement, Memories of Murders est un chef d’oeuvre, l’une des meilleures expérience de film d’enquête qu’il m’ait été donné de voir, et, bien qu’il ne soit que son deuxième film, il est très représentatif du style d’écriture et de caractérisation des personnages de l’auteur. Tout d’abord, du film résulte une ambiance que l’on parviendra à retrouver dans certains de ses prochains films, Parasite notamment. Plongés dans la Corée rurale, nous découvrons au cours du films différents environnements allant de larges champs à des petites villes où chaque habitant semble se connaître. En outre, le point fort du métrage réside dans son rythme, une qualité qui deviendra propre à l’ensemble de l’oeuvre de Bong. En effet, le réalisateur nous dévoile ici son talent afin d’apporter différents éléments de ruptures au récit, chaque révélation offrant un nouveau postulat à l’histoire d’une enquête qui semble avoir, au fur et à mesure que le temps passe, de moins en moins d’issues. Enfin, un dernier fait marquant du film étant les relations entre ses personnages : chaque personnage a le mérite d’avoir une identité propre, même les plus secondaires ont des éléments les caractérisants et la façon dont ils interagissent parvient, tout en apportant une continuité au récit et en faisant avancer l’histoire, à nous faire nous attacher à chacun d’entre-eux. Fort de ce succès donc, le réalisateur enchaînera 3 différents films durant la suite des années 2000 que sont : The Host (son plus gros score au box office coréen avant la sortie de Parasite), Tokyo! et Mother avant de faire ses premiers pas au sein d’une production internationale en 2013 avec un nouveau grand succès : Snowpiercer.

L’EXPORTATION du succès

En s’exportant au sein d’une production étrangère, Bong se crée, un peu plus, un nom parmi les réalisateurs les plus importants de ce nouveau millénaire. Avec ce blockbuster d’un budget légèrement inférieur à 40 000 000 de dollars (tout de même), l’auteur réalise avec brio un film de science fiction post-apocalyptique portant sur la lutte des classes, adapté d’une bande dessinée française : « le Transperceneige »; rien que ça ! On retrouve dans ce film, en plus de son habitué Song Kang-Ho, des acteurs anglosaxons tels que Chris Evans, Tilda Swinton ou encore l’excellent Ed Harris composant ce casting de première classe dirigé par le metteur en scène coréen.

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Le film critique ouvertement la stratification sociale de la société capitaliste moderne à travers l’allégorie du train et des wagons délimitant les castes : les plus basses en étant les derniers pendant que les classes dominantes dirigent à la tête du train. Une nouvelle fois, le réalisateur signe un film très intelligent, à la fois dans son propos et dans sa mise en scène avec une certaine ambivalence et nuance quant à son message (la fin ayant pu en laisser certains perplexes), ainsi qu’un style assumé laissant place, parfois, à certaines scènes assez explicites. C’est en 2017 que le sud-coréen fera son retour derrière la caméra, à Cannes cette fois avec son nouveau film ayant fait polémique sur la croisette : Okja, une production Netflix. En effet, pour sa première participation au festival de Cannes, Bong Joon-Ho avait suscité l’émoi en présentant, pour la première fois en compétition officielle, un film produit par la plateforme de streaming VOD Netflix. Le débat n’étant pas de juger les conditions de productions de l’oeuvre par rapport au circuit classique holywoodien ou encore même de se questionner sur la légitimité de Netflix lors de tels évènements, Okja est une pièce de l’oeuvre du coréen, encore une fois très représentative de son style. Le film, assez difficile à classer selon un genre précis puisqu’à la fois un film de science-fiction, d’aventure et un drame, raconte l’histoire de Mija, une jeune fille sud-coréenne s’étant liée d’amitié avec Okja, un cochon génétiquement modifié élevé afin de servir un nouveau mode de production de nourriture industrielle aux Etats-Unis. Malgré quelques défauts de ton ou d’écriture de personnages secondaires, Okja est le premier film de sa filmographie à être aussi surprenant et à démontrer avec quelle aisance le metteur en scène alterne les genres. Le métrage, dans sa première partie presque semblable à une fable, explore de nouveaux paysages sud-coréens : cette fois de vastes montagnes très boisées, avant de nous transporter à l’autre bout du monde et de découvrir les sévices subies par les animaux d’élevages pris au piège dans les rouages des circuits de production capitaliste. Le propos de l’oeuvre est poignant tout en étant encore une fois nuancé et il est certainement le film dont le message est le plus fort tant l’imagerie et les différents visuels de la dernière séquence dans l’abattoir de Mirando Corp. sont marquants. Malgré quelques facilités d’écriture, le métrage bénéficie du rythme que Bong sait donner à ses œuvres et les événements graves ne perdent jamais de leur force malgré de nombreuses scènes au ton presque burlesque, une nouvelle marque de leur auteur.

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Malgré un accueil assez mitigé de Cannes en 2017 mais non nécessairement relatif à la qualité de sa proposition, Bong Joon Ho y revint donc deux ans plus tard avec son nouveau film : Parasite, mais, cette fois, pour atteindre la consécration.

l’apothéose

Une palme d’or votée à l’unanimité d’un jury présidé par Alejandro Gonzalez Inarritu, avec déjà plus de 80 000 000 de dollars au box office mondial dont plus d’1 000 000 d’entrées en France, Parasite s’annonce comme le plus grand succès international de l’auteur en sachant qu’il lui reste encore tout le marché américain à conquérir, sa sortie y étant prévue pour octobre de cette année. Ce succès est d’autant plus intéressant que le film est sans doute le plus abouti et maîtrisé d’un point de vue technique et scénaristique mais également le plus représentatif de sa filmographie. On y retrouve en effet tout ce qui caractérise l’auteur : la critique sociétale dénonçant à la fois les vices de la classe bourgeoise tout comme l’opportunisme prolétaire, le thème de la famille, récurent depuis The Host et Mother, un rythme entraînant et, surtout, une maîtrise dans les changements de tons et les ruptures apportées au récit.

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Le monde urbain coréen nous y est dépeint d’une façon très subtile avec ces beaux quartiers surplombants la partie de la ville où résident les plus pauvres et le développement de chaque personnage des deux familles nous permettent de nous rendre compte des enjeux les entourant. Chaque élément de mise en scène dessert le propos du film et l’auteur illustre une nouvelle fois la polyvalence et la singularité de son style. Le métrage parvient à être surprenant de bout en bout, portant la marque de la plus grande qualité de son metteur en scène résidant dans sa facilité à opérer une rupture au récit. Une nouvelle fois, ce thriller alterne les moments de comédie au ton burlesque avec des moments de pur suspens, voire d’horreur, avec une limpidité déconcertante, décontenançant à chaque fois le spectateur. Le succès de Parasite n’est pas un hasard tant ce film est intelligent tout en étant continuellement surprenant et, s’il est presque certain qu’il demeurera, dans les esprits de nombreux cinéphiles, le meilleur film de l’année, il est d’ores et déjà un classique du cinéma asiatique.

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Bong Joon-Ho est un réel observateur et on le sent réellement passionné par l’étude des mœurs sociétaux et des comportement individuels. Loin du prosélytisme, il a la faculté d’à chaque fois délivrer un propos nuancé et complexe dénonçant les vices d’un mode de vie corrompu par des personnes elles-mêmes aux prises avec la vilenie de leurs actions. Jamais un héro d’un des films de l’auteur n’a offert un portait lisse et sans bavures ; du détective Doo-man Park dans memories of murder à la famille de Ki-taek dans Parasite, en passant par Curtis, le personnage interprété par Chris Evans dans Snowpiercer, chaque personnage a du faire face à des dilemmes l’ayant poussé à afficher certaines des facettes les plus sombres de sa personnalité, dotant ses histoires de nombreuses aspérités. Le cinéaste s’est, en outre, doté, aux fils des années, d’un style lui étant propre caractérisé principalement par le mélange des tons dans des récits presque discontinus. Le sociologue du cinéma coréen est sur une pente ascendante de sa carrière qui semble n’avoir, jusque là, connu aucun échec et il est certain que, dans les années à venir, l’auteur bientôt cinquantenaire affinera encore un peu plus son statut de réalisateur phare des années 2000-2010. Bong Joon-Ho est l’auteur d’une filmographie riche, tant sur le plan de la forme que du fond et il vous tarde de la découvrir en profondeur.

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