Zodiac

Affiche de Zodiac

? Réalisateur : David Fincher (Fight Club, Gone Girl)
? Casting : Jake Gyllenhaal (Donnie Darko, Les Frères Sisters), Robert Downey Jr (Tueurs Nés, Avengers : Endgame), Mark Ruffalo (Avengers : Infinity War, Dark Waters)…
? Genre : thriller
? Pays : Etats-Unis
? Sortie : 2 mars 2007 (Etats-Unis), 17 mai 2007 (France)

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Synopsis : Zodiac, l’insaisissable tueur en série qui sévit à la fin des années 60 et répandit la terreur dans la région de San Francisco, fut le Jack l’Eventreur de l’Amérique. Prodigue en messages cryptés, il semait les indices comme autant de cailloux blancs, et prenait un malin plaisir à narguer la presse et la police. Il s’attribua une trentaine d’assassinats, mais fit bien d’autres dégâts collatéraux parmi ceux qui le traquèrent en vain.Robert Graysmith, jeune et timide dessinateur de presse, n’avait ni l’expérience ni les relations de son brillant collègue Paul Avery, spécialiste des affaires criminelles au San Francisco Chronicle. Extérieur à l’enquête, il n’avait pas accès aux données et témoignages dont disposait le charismatique Inspecteur David Toschi et son méticuleux partenaire, l’Inspecteur William Armstrong. Le Zodiac n’en deviendrait pas moins l’affaire de sa vie, à laquelle il consacrerait dix ans d’efforts et deux ouvrages d’une vertigineuse précision…

Incontestablement, pour David Fincher, Zodiac a tout du film de rupture. D’un point de vue formel, d’ailleurs, le constat semble évident, puisqu’il délaisse les effets de style tapageurs qui ont fait sa renommée pour concentrer son attention sur la force du récit, la direction d’acteur, l’édification d’un dispositif cinématographique bien plus classique, voire académique. Mais c’est surtout sur le plan personnel que la rupture est la plus probante : le jeune surdoué n’est plus, la place est faite désormais à un cinéaste qui assume pleinement sa maturité.

Ce n’est sans doute pas un hasard, si pour cela, il revient sur les terres du genre qui l’a fait roi : douze ans après Seven, il retrouve l’univers du thriller pour une histoire qui associe à nouveau meurtre et énigme, serial killer mystérieux et enquêteurs obsessionnels. Mais cette fois-ci, les temps ont changé, son cinéma sera différent : plus patient, plus réaliste, plus désenchanté. L’adolescence est finie, il ne s’agit plus d’impressionner par la forme ou l’esbroufe, mais bien de convaincre par la maîtrise et la complexité du propos.

Zodiac
Robert Downey Jr. (Paul Avery) et Jake Gyllenhaal (Robert Graysmith)

L’affaire du Zodiac, bien sûr, lui permet de s’inscrire dans un contexte des plus réalistes : très célèbre aux Etats-Unis, le tueur a sévi à San Francisco et dans diverses localités de Californie, de la fin des années 60 jusqu’au début des années 70. Mais surtout, il s’agit d’une affaire non résolue et dans laquelle subsistent de nombreuses zones d’ombre (identité du tueur, nombre de victimes, etc.). C’est donc l’histoire idéale pour développer sa vision artistique en se confrontant à une reconstitution du réel, tout en échappant au formatage hollywoodien (préoccupation proche du documentaire, refus du happy-end).

La bonne idée sera de se réapproprier les qualités essentielles du célèbre All the President’s Men d’Alan J. Pakula, qui avait traité en son temps de l’affaire du Watergate : même soucis d’authenticité, même rythme patient, même regard immersif porté sur l’enquête, les lieux ou l’époque. Ainsi, plutôt que de rechercher le spectaculaire, Fincher retranscrit à merveille ce laborieux processus qu’est la quête de la vérité dans le monde ordinaire : on navigue à vue entre les comités de rédaction et les bureaux de police, les lieux de crime et les époques ; on essaye de ne pas être submergé par le flux de données (indices parfois contradictoires, témoignages divers et variés, fausses pistes, etc.) ; on encaisse les différents remous et vents contraires qui ralentissent la progression (contraintes matérielles ou administratives, parasitage entre monde médiatique et policier, usure du temps et délitement des motivations, etc.).

Zodiac
Elias Koteas (sergent Jack Mulanax), Anthony Edwards (inspecteur William « Bill » Armstrong) et Mark Ruffalo (David « Dave » Toschi)

D’une manière générale, tout sera mis en œuvre pour exploiter les différentes possibilités qu’offre le scénario de James Vanderbilt (reprise de l’ouvrage de Robert Graysmith, recoupement des témoignages d’époque…) : les plans d’ensemble et les amples travellings vont accroître l’impression d’immersion, de même que le travail photographique et le background sonore (recours à l’image numérique, les hits de l’époque côtoient la mélodie de David Shire). Le montage, quant à lui, va habilement relayer les différentes circonvolutions de l’enquête au fil du temps : fluidités des ellipses, opposition entre séquences longues et brèves, intimes et tragiques, entre les agissements d’enquêteurs prisonniers du temps et ceux d’un tueur qui semble lui échapper (les meurtres sont filmés dans le calme et dans des lieux où le temps est suspendu (voiture, bord de lac…), tandis que l’enquête est constamment soumise à l’urgence ou l’actualité). Il en résulte l’impression étrange d’assister à l’affrontement entre une réalité et un fantasme, une société et sa mythologie, des hommes et leurs propres obsessions.

C’est bien sur ce terrain que nous entraîne Fincher, lui qui a grandi pendant l’affaire du Zodiac, lui qui fut marqué par la psychose collective et la vision d’un pays soumis à un tueur insaisissable. Ce n’est pas pour rien si on retrouve des éléments de cette affaire dans ses différents films, comme dans Seven bien évidemment. Ce n’est pas pour rien, surtout, s’il fait de Robert Graysmith un personnage enfantin et finalement hors du temps : c’est à travers son regard qu’il se confronte à ses propres obsessions, c’est en le faisant accéder au monde adulte qu’il fait entrer dans son cinéma dans l’âge de la maturité.

Robert Graysmith, en effet, est le seul personnage détonnant : il n’a pas construit de famille, il gagne sa vie en faisant des dessins, il plonge dans l’affaire Zodiac par goût du jeu et des indices. C’est un enfant qui ne peut grandir tant qu’il n’a pas répondu à cette énigme : qui est le Zodiac ? Tandis que le temps à raison des personnages adultes, faisant disparaître du cadre aussi bien les enquêteurs que le vrai tueur, Robert reste invariablement prisonnier de son obsession. Il faudra qu’il se confronte à la réalité, en croisant le regard de celui qui n’était jusqu’alors qu’un fantasme, pour se libérer de ses chaînes et vivre le temps présent. Qu’importe le thriller ou la résolution de l’enquête, Zodiac impressionne en se faisant métaphore de la condition humaine, en relatant ce long et laborieux cheminement que l’on nomme passage à l’âge adulte.

Zodiac
Jake Gyllenhaal (Robert Graysmith)

Note

Note : 8 sur 10.

8/10

En s’affranchissant aussi bien du diktat de l’épate que des lieux communs, David Fincher fait de Zodiac un film d’investigation adulte, réaliste et jubilatoire. Du grand cinéma !


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