De toute la carrière cinématographique si fournie du new-yorkais névrosé qu’est Woody Allen, Zelig constitue son 12ème long-métrage. Sorti en 1983, il nous présente Leonard Zelig, véritable homme-caméléon. En présence d’un médecin, il en devient un à son tour (en affirmant avoir donné des conférences et publié des articles). En présence d’un obèse, il devient obèse à son tour et cetera. Alors qu’il est exploité, son cas va intéresser une psychiatre prénommée Eudora Fletcher, avec qui Zelig va nouer une relation…

Zelig (Woody Allen, 1983)

UNE DOCUFICTION PARODIQUE CRÉDIBLE ET DRÔLE…

De ce personnage loufoque, Woody Allen en a fait le protagoniste d’un faux documentaire nous retraçant son histoire. En effet, le film se présente comme une docufiction parodique. Et soulevons donc un premier point positif : la maîtrise de cet aspect docufiction.

Le film vogue entre archives et fausses archives (en noir et blanc) et prises de vues au temps présent (en couleur). Et pour réussir à donner de la crédibilité, Woody Allen a fait attention aux plus petits détails. Et cela passe d’abord par la création de tout une mythologie autour de Zelig. Traité en phénomène de foire, il aura droit à plein de produits dérivés que le film satirise. Montres, peluches, chansons originales… tout y passe ! Par ailleurs, les prises de vues au temps présent consistent en des entretiens avec notamment des scientifiques ou des hommes de lettres… dans leurs propres rôles !

Autre élément important : les acteurs. Tout le casting est excellent, mais deux sortent du lot et il s’agit des deux protagonistes. Woody Allen lui-même qui campe le personnage de Leonard, et Mia Farrow, qui interprète Eudora. Le premier réussit à être à la fois drôle, pathétique et touchant. La deuxième a elle aussi une histoire fort intéressante qui l’ancre parfaitement dans les thématiques du film.

Et enfin, la crédibilité passe aussi par les effets spéciaux. Bien des années avant Forrest Gump de Robert Zemeckis qui réussissait à incruster Tom Hanks dans des images d’archives, Woody Allen réussit à intégrer son personnage dans quelques pages de l’histoire de l’Amérique. Et le résultat est globalement fort réussi, on croit vraiment aux incrustations ! Notons également l’excellent maquillage lors des transformations à la fois surprenantes et rigolotes de Zelig !

Ainsi, le film parodie avec un humour cocasse et typiquement allenien les codes des documentaires journalistiques ou scientifiques. Woody Allen fait vraiment emprunter des chemins périlleux à son personnage (et à sa maladie). C’est en cela que l’on voit qu’il s’amuse réellement avec lui (surtout lorsqu’il devient la cible d’un scandale…) ! Ainsi, il n’hésite également pas à offrir à son personnage une romance.

Zelig (Woody Allen, 1983)

… QUI SE TRANSFORME EN ROMANCE QUI POUSSE À LA RÉFLEXION

En effet, si Zelig est avant tout une comédie complètement absurde, il s’avère aussi être une romance plutôt intelligente et touchante ! Notamment par la constitution du couple Zelig-Eudora souffrant chacun de la volonté de se conformer aux autres.

Avec ce film, il est impossible de ne pas réfléchir à son propre rapport à la société. Zelig a le grand mérite de nous faire questionner sur le conformisme, mais aussi sur ce que veut dire être soi, ce qui fait que chacun est lui-même et personne d’autre. Ce qui fait que chacun a de la personnalité. Par ailleurs, le film exploite la maladie de Zelig en le faisant tomber dans l’extrême inverse : un homme sans filtre qui dit absolument tout ce qu’il pense ! Et il se peut, pendant le film, que vous vous demandiez justement d’où viennent nos pensées naturelles et instinctives ? A partir de quoi et de qui sont-elles construites ? Certains estiment que nous sommes un melting-pot de nos propres pensées et de l’influences de tout ce qui est autour de nous. Nos rencontres, mais aussi nos lectures, nos écoutes… Mais si c’est le cas, penser par soi-même ne serait-il qu’une chimère ? Bref, des questions qui peuvent partir dans tous les sens. Questions qui, en vérité, pourraient mettre le film à rude épreuve sur la vision qu’il dépeint du fait d’avoir une personnalité !

Tout cela pour dire que ce fort bon docufiction allenien que nous vous recommandons, oscillant entre satire, docufiction crédible, comédie absurde et romance, a l’excellent mérite de peut-être lancer un débat avec vous-même ou avec vos amis !

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