Véritable phénomène aux États-Unis, The House est fraîchement accessible en France sur la plateforme Shadowz. Premier long-métrage horrifique de son réalisateur Kyle Edward Ball,  Skinamarink (en version originale) est moins un objet traditionnel qu’expérimental. Coup de projecteur sur cette rareté. 

Kyle Edward Ball est un vidéaste canadien tenant une chaîne YouTube du nom de Bitesized Nightmares. Consacrée à l’horreur, cette chaîne se composait d’une série de vidéos intitulée Nightmare. Dans cette série, il narrait et mettait en images, via une esthétique horrifique minimaliste, ses véritables cauchemars ou ceux de sa communauté. En 2020, le youtubeur décide d’aller plus loin en étendant ce principe dans un court-métrage de fiction de 28 minutes intitulé Heck. En 2022, Ball franchit une nouvelle étape et adapte ce même concept en long-métrage, qu’il baptise Skinamarink (ou The House en France). Quelques images ont fuité sur Internet avant sa sortie, notamment sur TikTok. Néanmoins, le partage de ces images a provoqué un bouche-à-oreille, faisant de The House un petit phénomène pertinent à analyser.

En 1995, deux enfants, Kevin et Kaylee, se réveillent en pleine nuit. Ils découvrent que leur père a disparu et que les portes et fenêtres de la maison disparaissent peu à peu. Livrés à eux-mêmes, ils décident d’aller regarder la télévision…

une atmosphère unique

Premièrement, le film a un parti-pris surprenant, fort expérimental et fidèle au contenu de la chaîne Youtube de Kyle Edward Bell.

Tout d’abord,  The House se dote d’une image granuleuse qui n’est pas sans évoquer des images filmées par un caméscope d’époque. Cela est cohérent avec l’époque du film, car l’intrigue se déroule en 1995. Les plans sont longs, majoritairement fixes et dévoilent souvent des recoins obscurs. Aussi, la caméra révèle peu le visage des acteurs pour plutôt filmer leurs pieds ou leur dos. D’ailleurs, le film n’hésite pas à rendre certaines répliques inaudibles, au point de les sous-titrer. De bonnes touches contribuant à renforcer un sentiment d’oppression et d’angoisse déjà établi par le film.

Ce choix esthétique rappelle notamment l’analog horror, dérive du contenu vidéo de type found footage popularisé sur Internet via des créations comme Mandela Catalogue. Au début, elle paraît moins horrifique qu’extrêmement malsaine. Peu à peu, le film dévoile ses facettes et ses tours, surtout lorsque le mobilier de la maison devient sens dessus dessous. Ainsi, The House développe une esthétique audacieuse jusqu’au-boutiste, à la fois contemplative et cauchemardesque. C’est au spectateur d’y adhérer, naturellement ou par l’effort. Celui-ci est plongé dans une atmosphère immersive et oppressante à la Lynch, dans laquelle se niche un semblant d’îlot de sûreté : la télévision.

Par-dessus tout, la représentation de l’enfance, de son innocence et de ses peurs fait partie des grandes qualités du film. La confusion innocente des enfants Kevin et Kaylee rend le film encore plus effrayant et leur attitude anxieuse reflétée par leur réflexe d’allumer la télé est réaliste. Enfant, qui n’a jamais allumé la télé (ou du moins pensé à le faire) quand il se réveille la nuit, afin de se protéger de potentiels monstres ? Pour eux, la télévision semble incarner une bulle de protection, avec la diffusion de dessins animés joyeux, chantants et rigolos.

The House
Le choix esthétique de The House rappelle l'"analog horreur" © Mutiny Pictures & ERO Picture Company

l'ennui à l'horizon

Pourtant, The House se repose trop sur son ambiance oppressante. Quelquefois, le film délaisse ses personnages principaux pour laisser place à une scène effrayante, en rapport avec le mobilier de la maison qui bouge. Naît ainsi une désagréable impression de redondance voire de statisme. En cela, The House peut paraître ennuyeux par moments. Le film aurait sans doute gagné à être un peu plus court.

Bien que le film instaure la peur par son ambiance, son histoire y contribue également. Quand l’esthétique accompagne la progression de l’histoire, l’effroi prend le pas. Au bout de quarante minutes de film, une voix s’adresse à Kaylee, lui ordonnant de venir à l’étage. S’ensuit tout une séquence très réussie que nous vous laissons le soin de découvrir. Toutefois, c’est le terrifiant dernier acte qui constitue le meilleur moment du film. Kyle Edward Ball se permet de redistribuer ses cartes pour créer un effrayant mystère, qui donne envie de se cacher les yeux, jusqu’à une apothéose incarnée par le plan final.

une oeuvre bourrée de mystère

The House est un film qui cache beaucoup de mystères. C’est un film suffisamment abscons dans ce qu’il montre pour laisser planer le doute chez le spectateur sur ce qu’il se passe réellement. Ainsi, en dépit de l’ennui qu’il peut provoquer par moments, cette ambiguïté sait largement maintenir en haleine, jusqu’à donner l’envie d’y retourner pour y déceler de possibles subtilités cachées.

Pendant 1h40, le public est en compagnie de deux enfants, dans une maison aux prises d’un esprit malin et maléfique. Veut-il rompre une famille ? À moins que tout cela ne soit qu’un cauchemar des enfants. Facile et fainéante comme explication, peut-être ? Justement. Le film puisant son inspiration là-dedans, peut-être n’est-ce bel et bien qu’un cauchemar dans lequel on peut essayer de trouver du sens. Ou bien faire fi de tout cela et simplement se laisser emporter pour vivre une expérience.

Malgré ses défauts, The House reste un film d’horreur à ne pas manquer, notamment pour sa réalisation minimaliste oppressante et son aspect trouble rare.

The House est disponible sur la plateforme Shadowz depuis le 28 juillet.

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