Du 8 au 16 septembre se tenait la huitième édition du festival de court-métrage Que Du Feu. À cette occasion, des salles de projection dans toute la ville de Lyon se portaient garantes de festivités sur grand écran, en porte-étendard d’un cinéma émergent plein de fougue à l’image de son festival.  

Pour l’occasion, PelliCulte a réalisé un dossier composé des retours de ses rédacteurs sur ce formidable instant. Quelques titres ont été retenus parmi ceux projetés en salle, afin de délivrer un avis sur les films les plus marquant de la période du mercredi 13 au vendredi 15 septembre.

Voici les avis des deux rédacteurs qui se partagent ce dossier, Hugo et Adam :

Mercredi 13 : séance "dans la fournaise"

Après le rouge

de Marie Sizon

On voit souvent passer des images d’incendies sur les chaînes d’information, des torrents de feu
dévorant des forêts, grignotant petit à petit des hectares de végétation. Le ciel passe d’un bleu azur à un rouge sang crachant une épaisse et toxique fumée noire. Une vraie vision de cauchemar qui balaie tout sur son passage, altérant l’environnement et les vies de la population désemparée, menacée par les flammes.

Ce documentaire traite d’un incendie ayant ravagé un petit village de Corse aux travers de différents témoignages de ceux qui l’ont vécu. Chacun raconte où il se trouvait lors du drame, montrant les empreintes des flammes qui ont laissé une marque indélébile dans le village, et chez ses habitants. En particulier Michel, qui en tant que berger a dû assister, impuissant, à la destruction de sa bergerie en proie aux flammes et à la mort de ses bêtes piégées à l’intérieur. Alors qu’il raconte cette histoire, il marque une pause en jetant un regard sur le village avant de dire « J’ai jamais vu l’enfer mais… ».

Le documentaire est aussi magnifiquement illustré par des clichés pris lors de l’incendie et rentre parfaitement dans la programmation de la séance « Dans la Fournaise » centré sur l’écologie. Le montage est fluide, laissant une liberté de parole rafraîchissante aux personnes interviewées qui peuvent s’exprimer sans coupure. N’hésitant pas à placer quelques petites vannes, l’on pense surtout à Pascal qui a toujours le bon mot pour égayer la situation. Pourtant, son sourire s’efface et son regard se perd lorsqu’il ressasse les souvenirs de cette nuit où son village natal s’est embrasé.

Une belle surprise, à la fois touchante et alarmante.

– Hugo

la nuit blanche

de Audrey Delepouille

Toujours dans le domaine des catastrophes climatiques mais cette fois-ci du côté du froid
mordant, celui qui réduit les cultures à néant en un clin d’oeil. Une menace invisible à laquelle Audrey Delepouille, a décidé de donner un visage, voire une forme.

Beth, une arboricultrice ainsi que ses collègues se retrouvent face à cette menace insidieuse. Alors que les températures chutent et que la neige recouvre tout, leur verger est en proie à une violente menace, celle du gel. Une seule solution, allumer des feux au milieu des vignes afin d’empêcher le froid de s’emparer d’elles. L’urgence est au coeur du film car le givre est rapide, matérialisé par une couche de glace qui ne fait que croître à une vitesse alarmante. Alors que Beth et son équipe s’empressent d’allumer les feux, des dizaines de lumières naissent rapidement mais le gel n’en démord pas.

Il s’agit d’un court film d’animation mais celui-ci arrive à exprimer son propos avec brio. Le spectateur accompagne Beth dans sa tâche qui semble impossible de premier abord. Le tout est soutenu par des visuels travaillés, en particulier sur la gestion de la lumière et une animation. Celle-ci n’hésite pas à jouer avec le mouvement, que  ce soit avec les personnages ou par le vent qui se glisse à travers les flammes et les vignes.

Un agréable moment qui m’a donné froid sous une chaleur de plomb.

– Hugo

Mercredi 13 : séance "...Tout flamme"

Saint Lazare

de Louis Douillez

Tout le monde s’est déjà retrouvé coincé avec quelqu’un qui parle trop, qui fait lever les yeux au ciel et donne envie de fuir très loin, très vite. Parfois, il peut s’agir d’une bénédiction. C’est ce qui va arriver à Lazare qui suite à un malentendu au sujet d’une date de soirée, va se retrouver seul, en compagnie de Flore.

Flore est une fille qui parle beaucoup, un peu maladroite et dotée d’un franc-parler qui terrifierait un introverti. Lazare quant à lui est l’exemple typique du type qui se veut cool, usant d’innombrables sarcasmes pour s’assurer d’être celui qui mène la danse. Cette façade s’effondre peu à peu avec Flore qui lui demande de rester un peu car son ex-petite-amie débarque bientôt pour récupérer des affaires. Ce dernier accepte de rester bien qu’il ne comprenne pas la raison de cette demande. Au fil de la soirée, ils se dévoileront peu à peu, en grande partie grâce à Flore. Elle n’hésite pas à lui demander quel type de porno il regarde ou s’il a déjà vu du porno gay au détour d’une phrase.

Ce qui frappe en premier devant Saint Lazare, c’est l’écriture. C’est un vrai plaisir à suivre, les blagues s’enchaînent à merveille et les performances des comédiens sont excellentes ! Leurs sujets de conversations sont variés et abordés avec une justesse déconcertante qui parleront sans doute à beaucoup.Tout cela s’articule autour de la découverte de soi que ressent Lazare, qui décide d’enfin ouvrir son coeur, trop longtemps fermé, à Flore qui est sans doute l’une des seules personnes qui l’écoute sans jugement.

D’une rencontre hasardeuse, naît une étrange et touchante relation entre deux personnages qui ne pourraient pas se supporter d’ordinaire et c’est ce qui fait la force de Saint Lazare qu’on ne voit pas passer. Honnêtement, on en redemanderait même un peu plus.

– Hugo

Guerre et paix, d'après un livre qu'on a pas lu

de Fabien Luszezyszyn

Celui ci, c’est un sacré numéro. L’appellation n’est pas si exagérée, tant le film semble tout droit tiré de l’imagination d’une troupe de spectacle. L’action se déroule pendant le tournage houleux d’un film de guerre fauché, un bel exercice de mise en abîme. Mais là où le film excelle, c’est dans la formulation de ses dialogues, presque tous issus de l’improvisation des quelques comédiens au courant du stratagème. En effet, tous ne sont pas acteurs de formation et les auteurs s’en servent pour obtenir un naturel de situation et de phrasé irréprochable. Le cadreur qui fait le making-of de ce faux film de guerre (qui a réellement été tourné d’ailleurs) suit de fil en aiguille les actions et répliques que s’amusent à lancer les quelques personnes qui savent que les dessous du tournage sont en réalité le vrai produit filmique.

À cela s’ajoute une reproduction très fidèle d’un tournage, de son ambiance sur le plateau. Ce n’est pas vraiment une reproduction puisque bien réelle, donc une démarche en tiroir pour en tirer le meilleur. L’équipe a eu la bonne idée de jouer beaucoup sur les quiproquos et la mésentente des membres présents. Cela a pour effet de rendre palpable la tension de base totalement ridicule pour un tel projet et permet de s’identifier à eux. Des retards abusifs, de l’opportunisme intensif ou un réalisateur agressif, le film dresse un portrait de tout ce qu’on vous souhaite de ne jamais croiser lors d’un tournage, mais que tous les tournages du monde comportent malgré tout.

Un message final touchant, où tout part en déferlement de haine dans les décors de tranchées. Touchant puisque là où la haine rôde, l’amour n’est jamais loin. Comme qui aime châtie, la relation bien spéciale des membres d’une équipe de tournage permet aux auteurs de jouer là-dessus, transformant les coups en baisers.

Cela marche du tonnerre, c’est bien fait et on en redemande !

– Adam

Jeudi 15 : séances "Appel d'air" et "Quand est-ce qu'on braise ?"

Quitter chouchou

de Lucie Demange

Retour du côté des documentaires avec Quitter Chouchou, qui possède une genèse assez particulière, d’après les mots de sa réalisatrice. Ce qui devait être à la base une résidence d’écriture chez Agnès, sa mère, s’est transformée en un documentaire sur une partie de sa vie ainsi que celle de sa famille. Ainsi, le film traite principalement de la relation entre Lucie et Agnès qui, n’est pas toujours rose, et la rupture d’Agnès et du beau-père de Lucie, surnommé Chouchou.

Au premier abord, le film fait questionner la notion de fiction et réalité. Si dans de nombreux
documentaires, les personnes filmées interagissent avec la caméra, ici ce n’est pas le cas. On a
même l’impression qu’elle n’existe pas tant les séquences sont d’un réalisme pur. Les interactions
réelles et les moments un peu plus tendus témoignent d’une
volonté de ne pas faire de compromis pour mieux plonger dans l’intimité de la famille de Lucie. Il s’agit d’un véritable tour de force pour un projet qui n’a sans doute pas été simple à réaliser.

La mise en scène est, elle aussi, très juste. De très beaux plans viennent compléter une narration aux petits oignons. Le film capte avec une facilité déconcertante tous les moments de vie qui le
composent sans avoir besoin de chercher des procédés extravagants. Cette simplicité offre un visionnage agréable qui sied parfaitement à ce que couvre le documentaire.

Il ne doit pas être aisé de dérouler sa vie aux yeux du grand public au travers d’un film. Pourtant, Lucie Demange l’a fait avec brio.

– Hugo

VULVINE REINE D’EXTASE

de Clémence Andre, Nawel Bahamou, Ming Chieh Chang, Théo Guyot, Mariia Yanko

Ce film d’animation suit Vulvine en plein ébat amoureux, qui après la mort de son roi aperçoit la mort venant quérir l’âme de son amant. Face à cette silhouette encapuchonnée aussi terrifiante que mystérieuse, Vulvine ne peut s’empêcher de la désirer jusqu’à l’obsession. Plus tard, alors devenue reine du royaume désertique dans lequel elle s’ennuie à mourir, l’envie de revoir la faucheuse se fait de plus en plus pressante. Elle décide alors de tuer pour la faire venir, sans aucune distinction. Servants, paysans, cuisiniers, tout le monde y passe pour qu’elle puisse apercevoir et séduire la mort. D’abord indifférente, elle se laissera finalement tentée alors que les cadavres s’accumulent.

Lorsque le film commence, le visuel saute aux yeux. Des décors aux chara designs des personnages (en particulier la mort) tout est un plaisir pour la rétine. L’animation est fluide, créative et offre par moment de sublimes transitions.

Cette relation entre le sexe et la mort est un sujet passionnant. C’est une véritable chasse au plaisir qui se joue. Vulvine tue encore et encore pour ce qui n’est qu’un moment éphémère dont elle n’est jamais rassasiée. Jusqu’à ce que les conséquences la rattrape et que la population se révolte, avant de l’envoyer en prison. Un rise and fall certes rapide mais terriblement efficace. Ses nombreuses qualités ne laisseront personne indifférent..

À la vue du titre, il n’est pas interdit n’appréhender. Il ne reste qu’à se laisser séduire par la qualité et la créativité dont ce film fait preuve.

– Hugo 

Vendredi 16 : séance "Films du jury"

ville éternelle

de Garance Kim

Emprunt d’une grande tendresse, ce court surprenant de maturité a presque une allure de conte, aux couleurs chatoyantes d’un été passé. Sur une route de campagne, deux anciens camarades de classe s’accompagnent à pied jusqu’à l’aéroport le plus proche. Après tant d’années, ils s se redécouvrent. Rien ne semble les lier d’abord, elle distante et lui un peu benêt, mais tout deux courent après le même but : trouver sa place quelque part, être fier d’eux-même, un souci commun à tous.

Le point fort du film est son traitement des personnages. Très naturels, très forts de personnalités, les tenants et aboutissants de leur relation paraissent concrets et motivent à suivre leur l’évolution. L’aspect road-trip est bien sûr l’allégorie parfaite du voyage initiatique, au bout duquel chacun saura ce qu’il en est de son véritable démon, la solitude ou la peur d’échouer. S’entraider et devenir amis sans sous-entendu, sans arrière-pensée, semble encore possible, ce qui est réjouissant.

Le cadre est absolument impeccable, s’accompagnant d’une photographie parfaitement accordée. Des hautes lumières un peu baveuses, le tout très saturé, la maîtrise est à tous les niveaux. Lorsque les personnages discutent d’un départ imminent, l’avion sur le tarmac entre dans le champ en fond, filmé pour de vrai, ce qui rajoute une touche très bienvenue d’authenticité à l’effort fourni par la production.

On aurait aimé une édition Blu-Ray pour se le repasser sur nos écrans, beau dedans comme au dehors !

– Adam

Pleure pas Gabriel

de Mathilde Chavanne

Équilibre rare entre comédie noire et mélodrame attendrissant, ce dernier film de cette sélection réunit à lui seul toutes les belles choses que l’on ait pu dire des films projetés durant le festival. Moralement instable, le jeune Gabriel est un prof d’arts plastiques remplaçant mal dans sa peau, solitaire et suicidaire. Malgré ses appels à l’aide, la ville entière semble lui tourner le dos de manière tristement comique. Emmené aux urgences, d’aucune utilité évidente, il y fait la connaissance de sa voisine, tout aussi seule que lui.

L’autrice y raconte l’histoire bien trop importante de l’humain qui s’oublie, de la ville qui mange ses habitants, de par ses préoccupations trop pécuniaires ou superflues. Un appel à se souvenir que vivre est une priorité, en dépit du bon sens. Ce cri est poussé timidement par ce personnage que l’on voit grandir dans un acting remarquable et un cadre savant. Touchant dans son message, intelligent dans son cadrage où même le travail de lumière se fait remarquer, le film mérite une belle place. Formellement, le film n’oublie pas de s’amuser lui aussi, succombant à la comédie musicale sur certains moments charniers, notamment pour chanter son mal intérieur.

Un très beau moment, tendre et assez impitoyable par moments.

– Adam

Vous pourrez retrouver toutes les informations sur le festival via le lien juste ici.

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