Phantom Thread, drame britanno-américain de 2018, réalisé par Paul Thomas Anderson, avec Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps et Lesley Manville

 

ATTENTION : Cette critique contient des spoilers.

 

La sortie d’un Paul Thomas Anderson est toujours un événement, tant le réalisateur californien nous habitue depuis plus de 20 ans à des oeuvres grandioses et puissantes. Phantom Thread, son huitième long-métrage, suscitait donc une grande attente, aussi grâce à la présence du toujours incroyable Daniel Day-Lewis (dans ce qui constituera sûrement son dernier rôle), aussi grâce aux quelques six nominations décrochées aux Oscars. Alors, PTA a-t-il cousu d’une main de maître cette histoire d’amour, ou bien s’est-il perdu dans le fil fantôme de son film ?

 

On l’a dit donc, retrouver un metteur en scène du talent de PTA derrière la caméra nous pousse à des attentes forcément élevées, et le moins que l’on puisse dire, c’est que nous sommes servis. Anderson nous livre ici une mise en scène esthétisée, dans la veine de ces derniers films tout en insufflant une vraie âme au long-métrage. N’hésitant pas à faire durer les plans comme il sait si bien le faire, tout en le couplant à un montage discret mais extrêmement bien exécuté. La puissance de cette dernière est aussi permise par le travail de Paul Thomas Anderson à la photographie (pour la première fois de sa carrière, et on ne demande qu’à revoir l’exercice), et par l’excellente bande originale signé Jonny Greenwood, le guitariste de Radiohead, avec des thèmes très fortement inspiré de Debussy. Une vraie réussite dans tous les secteurs donc, même s’il ne faudrait pas oublier ce qui constitue la principale force des films du californien, un casting très souvent irréprochable…

 

Il était évident que Daniel Day-Lewis allait phagocyter toute l’attention, de part sa réputation, sa carrière, et la qualité de sa précédente collaboration dans There Will Be Blood. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette nouvelle rencontre a tenu tout sa promesse, tant Daniel Day-Lewis est rayonnant. Précis, transcendé par son personnage de couturier torturé et aux émotions changeantes, il livre encore une fois une performance de haut volée, qu’il pousse à être un standard. Mais résumer le film à son seul acteur principal serait stupide, tant les acteurs et actrices à côté sont exaltants. En premier lieu, Lesley Manville, formidable en soeur de Woodcock, effacé au départ pour ensuite s’ouvrir et occuper une place de plus importante, celle d’une femme forte à la relation maternelle avec son frère qui semble bloqué à l’enfance. Son personnage prend peu à peu toute son importance et nous révèle tout la finesse du jeu de l’actrice, qui n’a en aucun cas volé sa nomination à la statuette il y a quelques jours. L’autre bonne surprise de ce film est sans nul doute la découverte de la luxembourgeoise Vicky Krieps qui, sans crier gare, tient la dragée haute à ses deux compères, pourtant très expérimentés. Apportant douceur mais aussi fougue dans le film, elle présente peut-être le personnage le plus intéressant et qu’elle magnifie par une vraie finesse de jeu. Encore une preuve que quelque soit le talent et l’expérience de ses acteurs, Paul Thomas Anderson arrive à tirer de ses derniers le maximum de leurs capacités pour nous offrir des performances toujours renversantes.

 

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L’autre force du cinéma de Paul Thomas Anderson réside à mon sens en la qualité des histoires qu’il raconte. Plus que des fictions, ses films sont avant tout l’oeuvre d’un portraitiste qui dépeint la réalité de notre monde sous toutes ces coutures. Abordant ici l’amour, il préfère coudre une histoire plus terre à terre qu’une romance « comme dans les films ». L’amour de Reynald Woodcock et Alma est faite de hauts et de bas, de moments doux et de moments rugueux, celui où chaque jour nous réserve une surprise, bonne ou mauvaise. PTA le résume d’ailleurs assez habilement avec la symbolique du revers, qui nous permet d’y glisser un message secret aux yeux du monde. Une preuve d’intimité dans un monde exposé, métaphore d’un amour que Woodcock arrive difficilement à assumer au contraire d’Alma. Cet amour intime, les deux personnages le retrouvent quand Reynald tombe malade et qu’Alma reste à son chevet, seul moment où ils peuvent être vraiment ensemble et être eux-mêmes. Cette idée n’est d’ailleurs pas anodine : PTA a eu l’idée de Phantom Thread alors qu’il était malade et que sa femme s’occupait de lui. « Ma femme aurait-elle intérêt à me maintenir dans cet état ? », c’était-il alors demandé. C’est ce que le californien réussit si bien dans cet oeuvre : plutôt que de dépeindre une fiction de conte de fées, il préfère nous montrer le vrai amour, celui auquel nous sommes tous confrontés. Et c’est bien ceci qui donne toute sa puissance au film.

 

Phantom Thread est donc un film profond et puissant, magnifié encore par la maturité et le savoir-faire du cinéma d’Anderson. Magnifié par une grande mise en scène et un trio d’acteur qui fonctionne à merveille, on obtient ici un des grands films de ce début d’année, une grosse claque cinématographique malheureusement snobé par les Oscars et par les spectateurs français (à peine plus de 250 000 entrées). On ne peut que vous inviter à réparer cet erreur au plus vite.

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