La Fureur de vivre, drame américain de 1955 réalisé par Nicholas Ray avec James Dean, Nathalie Wood, Sal Mineo, Dennis Hopper…

30 septembre 1955. James Dean, au volant de sa Porsche 550 Spyder, trouve brutalement la mort sur la route 46 en Californie. À seulement 24 ans, il laisse derrière lui une carrière marquée par ses rôles dans À L’est d’Eden et Giant (pour lesquels, fait exceptionnel, il sera nominé à titre posthume à l’Oscar du meilleur acteur).
Mais il laisse surtout derrière l’image d’ado rebelle de La Fureur de Vivre. Un rôle qui, associé à sa mort si jeune, lui conférera ce statut d’icône éternelle.  Un film générationnel qui aura marqué le cinéma américain des années 50 de son empreinte.

 

La Fureur de vivre

Difficile donc d’évoquer La Fureur de Vivre sans penser immédiatement à James Dean, parfait porte-drapeau d’une jeunesse en quête de sens et cherchant à sortir de l’ombre de ses aînés.
Dean fait partie de ces acteurs dont on oublie trop souvent le talent, malgré son statut d’icône. Mais loin de se limiter à n’être qu’un symbole, le talent du jeune acteur éclate avec l’insolence la plus palpable dans ce long-métrage.
Tout le film se veut l’incarnation d’une farouche opposition entre les adultes et les adolescents, entre un monde ancré dans la réalité mais incapable d’y opérer le moindre changement, et une jeunesse rebelle, soucieuse de se libérer du carcan parental et d’enfin voler de ses propres ailes. Cette dichotomie s’exprime dans le personnage de Jim Stark (James Dean), lui-même figure de cette adolescence rebelle pour qui le film marque un cheminement qui l’amènera à accepter sa condition d’homme. Et Dean incarne ce personnage à la perfection, se plongeant à corps perdu dans un personnage dont on ne peut désormais plus détacher l’acteur. Fait peu surprenant, Dean appliquant à merveille les leçons de l’Actors Studio (école fondée par Lee Strasberg) qui pousse les acteurs à aller puiser les émotions de leur personnage au plus profond d’eux-mêmes.  Perdu entre le monde de l’enfance et celui des adultes, tour à tour naïf ou rebelle, James Dean incarne ces multiples facettes avec un charisme rare, qui n’est pas sans rappeler son aîné et ami Marlon Brando dans L’Équipée Sauvage sorti deux ans auparavant. Le naturel de son jeu, de ses émotions, amènent au personnage l’empathie nécessaire.

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Loin d’offrir simplement une oeuvre visuellement réussie, Nicholas Ray fait parcourir tout son film d’un symbolisme qui participe au propos sur l’émancipation de son long-métrage.
Toute cette symbolique du tiraillement entre deux mondes peut ainsi se résumer en une séquence simple : la séquence d’introduction.
Jim Stark, recroquevillé sur le sol, en quasi position fœtale, un jouet à la main et des larmes coulant le long de sa joue. Quand soudain, le retour à la réalité, une sirène de police retentit.
Cette scène d’introduction, d’une limpidité exemplaire, n’a besoin d’aucun dialogue pour annoncer ce que sera la thématique principale du film : Jim, toujours dans sa condition d’adolescent, se heurte à l’autorité parentale que représentent les forces de police. Cette autorité, c’est celle qu’il va combattre pour enfin s’émanciper et devenir un homme.
Loin de se limiter au personnage principal, toute cette symbolique du combat contre l’autorité se retrouve dans les personnages secondaires : Jim Stark, bien sûr, dont le père représente pour lui la plus grande source d’incompréhension. Face à une mère hystérique qui prend souvent le dessus sur lui, le film prend soin de montrer des détails qui expriment sa faiblesse : affublé d’un tablier ridicule dans les scènes du domicile des Stark, son fils le retrouve un soir, à genoux, penché sur le sol, montrant par là son assujettissement. Jim se désespère de voir son père dominé par une mère à propos de laquelle il n’a pas plus d’affection.

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Mais le personnage de Judy, incarnée par une (trop) jeune Natalie Wood, se pose plutôt comme un miroir de Jim. Là où ce dernier veut se voir considéré comme un homme, elle se désespère de voir son père la pousser trop rapidement vers le chemin de la maturité. Quand elle lui réclame des marques d’affection, lui considère qu’elle est bien trop âgée pour cela (Jim constituera par ailleurs pour elle cette forme d’amour maternel). Cela crée un contraste avec l’image de femme « fatale » qu’elle tente de se donner à l’extérieur du domicile, en témoigne le rouge pétant de son rouge à lèvres et de son manteau lors de sa première rencontre avec Jim. Un rouge qui symbolise aussi bien la passion, l’amour, des pulsions développés à l’adolescence, que plus tard la mort lors de la course automobile dans lequel le jeune Jim sera vêtu d’un manteau rouge.
Au milieu de ce tandem se posera un troisième personnage au destin plus tragique : le jeune Plato, incarné par un saisissant Sal Mineo. Là où les deux autres personnages combattent l’autorité parentale, lui vit avec sa gouvernante et se désespère d’un père absent, et trouvant en Jim et Judy des parents de substitution. Complètement seul et perdu, il voit en Jim, qui ne l’a pas rejeté, une figure amicale, la seule qu’il ait jamais eu, et en y associant Judy l’occasion de se voir enfin considéré. Sal Mineo est d’ailleurs brillant dans ce rôle, rendant à merveille la détresse mentale du personnage, avec un regard quasi animal sur le monde qui l’entoure qui le rend convaincant.

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À ce choix d’accentuer la symbolique du film, Nicholas Ray enrichit sa réalisation par l’utilisation du Cinémascope qui, outre donner aux images un cachet non négligeable, permet d’exprimer visuellement la solitude des personnages. Perdus au milieu de ce Los Angeles des années 50 aux rues désertes, les différents décors traversés par les personnages marquent par leur absence de vie, que ce soit le planétarium (qui rappelle, par la position de la Terre dans le Cosmos, l’immense solitude des personnages) ou la demeure abandonnée constituant pour eux un havre de paix. Des personnages donc seuls mais brisés par l’autorité familiale, en témoigne cette scène où Jim, arrêté dans l’escalier, se retrouve coincé par une mère qui le domine et un père en contrebas qui perd donc alors toute notion d’autorité que ce soit sur sa femme ou sur son fils.
N’étant donc pas simplement qu’un artifice visuel, le Cinémascope est donc utilisé avec intelligence et limpidité.
Enfin, la musique de Leonard Rosenman (qui 20 ans plus tard composera celle de Barry Lyndon) achève de donner au film ce lyrisme, ce ton à la fois optimiste et triste.
La fin tragique, laissant malgré tout une note d’espoir, est la conclusion du parcours de Jim : la dure réalité de la vie, l’incompréhension du monde adulte, ont achevé de faire de lui un homme.

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Loin donc de se limiter à n’être qu’un film générationnel et la mise en images du mythe Dean, La Fureur de Vivre se place donc comme un film visuellement époustouflant, à la réalisation limpide malgré les nombreux symboles le parcourant. James Dean, dont c’est ici le plus grand rôle, montre à la face du monde son insolent talent. Sa mort au volant de sa Porsche rappelle à quel point il avait cette « fureur de vivre ».
De cette époque de contestation de la jeunesse, on retient nombre de films, et La Fureur de Vivre en constitue sûrement le porte-drapeau. Nicholas Ray a créé une oeuvre universelle et intemporelle, qui continuera sûrement pour un bon moment de subjuguer les foules et restera à jamais comme l’un des piliers, avec L’Équipée Sauvage, des films contestataires des années 50.

 

 

 

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