Je veux toujours écrire ça ! Les femmes m’inspirent

Alors qu’il vient de présenter son premier long métrage Les Hasards (de la vie) au public de Châteauroux, Darius Robin enchanté par les premières réactions enflammées s’est prêté à un échange avec nous. Il est notamment revenu sur ses inspirations, sa passion de réaliser et les sujets qu’il souhaite mettre en avant.

Interview Darius Robin 1
Darius Robin et son acteur Raphaël Mario Biagetti Espeute sur le plateau © Nicolas Robin

1) Tu as 18 ans, l’âge qu’avait Xavier Dolan quand il a réalisé son premier long métrage, tu avais souvent ça en tête alors que tu préparais les Hasards (de la vie), pourquoi c’est aussi important ?

Je ne sais pas, je pense que j’ai toujours eu cette envie de raconter des histoires et j’ai voulu le faire le plus tôt possible. Donc dès que j’ai eu une caméra dans les mains j’ai commencé à en raconter, enfin j’ai essayé. Je pense que la question de l’âge, comme Dolan quand on est quelqu’un d’ambitieux, ce que j’espère être, quand on a envie de raconter des histoires on arrive forcément au bout de son rêve donc le plus tôt et le plus jeune possible. Je ne suis donc pas influencé par Dolan et son âge, j’ai envie de raconter des histoires et surtout de raconter mon histoire et faire du cinéma parce que c’est un art majeur qui permet de réunir tous les arts en même temps et j’ai voulu le faire le plus tôt possible.

2 ) Comment es-tu parvenu à réaliser ce projet et à ce qu’il ressemble à la vision que tu en as toujours eu sans investissement financier ?

Alors il y a un budget qui est quasi nul, le budget réside principalement dans le matériel que je n’ai pas payé qui vient de mon chef opérateur (Adrien Caulier). J’ai aussi emprunté du matériel à des professionnels parce que j’ai la chance d’avoir un réseau et que le réseau dans le milieu du cinéma c’est toujours ce qui compte. Je suis étonné moi-même d’avoir pu faire ça sans un centime. Je pense que j’ai réussi à faire un scénario convaincant qui a permis à mon équipe d’y participer bénévolement et par envie parce que la plupart sont des amis à moi il faut le dire. Ce sont des personnes pour qui je compte et qui comptent pour moi. Donc je pense avoir eu cette chance là, je ne me suis pas du tout posé cette question là à l’écriture. Ce n’est pas du tout les questions que je me pose quand j’écris.

3) Quand tu écris, est-ce qu’il y a des choses que tu laisses de côté pour un prochain film parce que tu sais qu’il y aura des difficultés pour les mettre en scène dans ce que tu t’apprêtes à réaliser ?

Je ne me mets aucune barrière, je laisse place à mon imagination. Après un scénario se réécrit, il y a notamment une séquence dans Les Hasards qui devait se passer dans une cabine téléphonique avec cette esprit ancien qui a toujours été très présent dans ce que j’ai écrit, cette fracture du moderne et de l’ancien. Mais je n’ai pas pu le faire et je m’en suis rendu compte rapidement, j’ai réfléchi en amont à comment allait s’organiser le tournage. C’est là qu’ont lieu les réécritures, mais je ne me pose aucune barrière en commençant par l’écriture. J’écris ce que j’ai en tête, ce que je veux. Des projets aboutissent, d’autres non. En ce moment je travaille déjà sur le prochain et on verra avec le temps s’il aboutira. Le temps est bénéfique pour qu’une histoire se compose.

4) En revenant sur ce que tu as fait précédemment avec Les Écrits de Victor et en voyant ce que tu as fait avec Les Hasards (de la vie), les parallèles sont nombreux. La thématique de la littérature et les personnages de Arthur et Victor. Tu as essayé de construire une histoire alternative ou qui réponde à ce que tu avais fait avant.

J’en suis arrivé à un point avec Les Écrits de Victor où j’ai trouvé ce que je voulais raconter avec mon cinéma. Je l’ai trouvé en sachant que je voulais faire ce genre de cinéma, mais je ne l’ai pas fait avant par peur, parce que dans mes influences il y a du cinéma très adulte. Il y a des thématiques qui ne sont pas du tout adolescentes comme dans le cinéma de Woody Allen, Eric Rohmer et Truffaut sur certains aspects. Donc forcément c’est du cinéma que je n’ai pas pu faire jeune. J’ai essayé avec Les Écrits de Victor  et je me suis dit « oui c’est ça que je veux faire ». Donc forcément quand j’ai écrit le scénario des Hasards (de la vie), c’est ce que je veux faire et c’est très proche des Écrits de Victor. Il y a effectivement des similitudes et ce sera le cas aussi dans mon prochain parce que je suis en train de me construire et je pense que l’auteur se cherche toujours et cherche ce qu’il veut faire. Certains cinéastes le trouvent plus vite que d’autres. J’ai 18 ans et je ne me suis pas trouvé du tout, mais j’ai tout de même trouvé la direction que je voulais prendre avec Les Écrits de Victor, et c’est pour cette raison que les deux sont similaires. Il y a Julien, le personnage interprété par Raphaël qui me ressemble, parce qu’il y a ce rapport avec moi, parce que les artistes parlent d’eux et que le cinéma dont je m’inspire comme celui de Woody Allen est un cinéma où on parle beaucoup de soi.

5) Crains-tu de ne pas parler au jeune public qui t’entoure avec les thématiques qui sont présentes dans ton film ?

La crédibilité ? Oui bien sûr, mais c’est pour cette raison que mes prochains films seront meilleurs. Il faut attendre, déjà avec ce film là il y a le personnage d’Edouard qui est le personnage le plus âgé que j’ai mis en scène dans un film. Raphaël est déjà un peu plus âgé, c’est pour ça que contrairement aux Écrits de Victor où les personnages sont encore jeunes, ceux des Hasards (de la vie) sont sortis de l’école depuis deux ans. Mais évidemment il y a cette peur de ne pas correspondre aux personnages que je filme, mais je pense qu’avec Les Hasards on est à la justesse, je trouve que ça fonctionne plutôt bien. Il y a parfois des limites parce qu’Enzo (qui joue Arthur) reste assez jeune, mais mon public n’est pas que jeune. Lors de la projection qui a eu lieu il y avait des gens de tout âge qui rigolaient et ça m’a plu. Je pense que c’est la plus grande satisfaction pour un auteur, d’arriver à plaire à tout le monde et de toucher le public.

6) L’amour est un thème très présent dans ton film, il l’était déjà dans Les Écrits. Tu l’abordes ici de deux façons différentes.

Oui je vais en parler toute ma vie, c’est ce qui rejoint la plupart des auteurs. D’ailleurs je reprends une phrase d’Aznavour dans le film « pourquoi cette idée de ne plus parler de l’amour alors que c’est ce qui fait couler le plus d’encre », ce qui est vrai ! Donc oui c’est un thème primordial, mais parce que l’amour c’est un des thèmes les plus importants de l’art, parce qu’il n’est jamais le même. Tu ne vis pas l’amour comme moi je le vis. C’est très subjectif ! On peut s’en servir pour parler. Et il y a tellement de façons de le vivre. Il y a l’amour non réciproque, l’amour passionnel, il y a tellement de formes d’amours. Moi ce qui me plaît vraiment ce sont les relations entre les personnes, quelles soient amicales ou amoureuses. D’ailleurs Les Hasards (de la Vie) est un film là-dessus. Si je dois le résumer, c’est des rencontres, des relations (parfois) ambiguës, mais ce sont des instants de cinéma qui filment des croisements, des paroles. Mais oui l’amour c’est ce que je veux filmer.

7) L’amour encore une fois un sujet moultes fois abordé, Arthur se moque justement de ça dans le film vis-à-vis de Julien. Tu prends volontairement cela en dérision ou pas du tout ?

Je me moque des gens qui vont parler de mon film, qui ne vont pas l’apprécier. Plus sérieusement c’est une moquerie, un enfantillage bien sûr. C’est un jeu, Arthur est cet artiste que je critique un peu justement. L’idée de faire complètement original et faire des choses totalement nouvelles alors que l’art finalement qu’est-ce ? Ce sont des choses qui ont déjà été faites, ce sont des sujets qu’on a déjà abordés, un auteur a déjà écrit dessus. Le personnage d’Edouard reparle de ça également, qu’il n’y a plus de génies et seulement des talents, un personnage assez exagéré. Non je me moque gentiment de ce propos là.

8) Pourrais tu nous éclairer sur la relation qu’il y a entre Julien et Alice ? Le film veut vraiment nous faire croire que ce sont de simples amis, mais quelque part on doute un peu là-dessus. Qu’en est-il ? Y a-t-il plus, ou c’est ce que tu veux nous faire croire ?

C’est ambigu tout le long, mais à la fin finalement ils restent amis. Ce qui est fou dans ce film c’est toutes les relations qui se construisent et se détruisent, mais jamais celle de Julien et Alice. Le but était de parler de ces deux personnages qui restent extrêmement liés sans avoir de relation de couple, mais évidemment la question se pose. Il y a la question de est-ce qu’elle l’aime ? Est-ce qu’il l’aime ? Et je voulais ça ! C’était voulu dans la mise en scène, et même si ça manque un peu de subtilité parce que c’est très dure à mettre en scène, je suis heureux que ça paraisse comme ça. Mais oui on ne sait pas vraiment, parce qu’il y a ce « Oh » que prononce Julien sur la nouvelle de Alice qui a rencontré quelqu’un d’autre que lui. Donc oui bien sûr il y a des questionnements comme ça que je laisse échapper, mais c’est ce que je voulais exprimer. Peut-être qu’il peut se passer plus, peut-être pas. Mais ces deux personnages restent extrêmement liés et ils s’aiment énormément. Et dans une relation c’est tout ce qui compte. Qu’elle soit amicale ou sentimentale.

9) En voyant le personnage d’Arthur et celui de Victor, et ce à quoi Julien fait allusion, as tu essayé de créer une connexion entre les deux ? Ou une réponse alternative ?

Tu parles des scènes faces caméra ? Non je n’ai pas fait attention. J’ai su avec Les Écrits de Victor ce dont je voulais parler, j’ai écrit le scénario des Hasards à une période où je n’allais pas forcément bien. J’ai écrit énormément de moi, sans me poser ce genre de questions, mais c’est là où je me suis rendu compte que Les Écrits de Victor avait été bénéfique. C’est grâce à ce film que je comprenais que ça se rejoignait beaucoup, il y a des parallèles et je n’ai pas fait exprès. Mais c’est un plaisir, il n’y a rien de plus satisfaisant pour un artiste de constater qu’il est en train de construire son style. Mais il est encore en constitution, pas encore abouti. Donc non pas de parallèles volontaires. On peut étirer les ressemblances en l’analysant.

10) Dans Les Hasards (de la Vie) tu t’es affranchi de quelque chose, encore plus que dans Les Écrits de Victor où on voyait déjà une personnalité qui t’était propre.

Parce que je parle de moi, ce que je ne faisais pas avant. Je me recherchais moi en oubliant de me demander ce que je voulais raconter ? Je me suis cherché avec des courts-métrages et j’ai oublié qu’il fallait que je parle de moi. Qu’une œuvre c’est quelque chose de personnel et quand j’ai compris ça je suis allé vers des influences que j’aimais. Et il est vrai que Les Hasards a vraiment été une aide bénéfique qui m’a fait comprendre comment je devais écrire, ce qui me passionnait et surtout ce qui me ressemblait. Il fallait que j’écrive à mon image, sans faire de l’autobiographie. Mais c’est inspiré de choses réelles, qui me correspondent. Et ce que je faisais avant ne me correspondait pas et ça j’ai commencé à le trouver avec Les Écrits de Victor qui fût vraiment un projet important même si très amateur contrairement aux Hasards (de la vie) qui est un premier long métrage étudiant.

11) Du côté de tes influences, il y a une scène entre Julien et Alice dans laquelle tu cites Kubrick. Ceux qui te connaissent savent que c’est un auteur que tu apprécies énormément et Julien et Alice parlent de son style nihiliste et de son rapport aux relations hommes-femmes. À quel niveau son cinéma a t-il impacté ta vision du 7ème art ?

Il m’a impacté comme pour un bon nombre de cinéphiles. Quand on découvre Kubrick, qu’on aime ou qu’on aime pas, c’est un cinéaste qui ne laisse pas indifférent. C’est un cinéaste important que je cite bien sûr, j’avais envie de le citer parce que c’est une image iconique et populaire du cinéma. Quand on le cite, le spectateur a tout de suite une image de qui il est. Mes personnages sont des intellectuels je savais qu’il parleraient de cinéma et forcément quand on parle de cinéma on parle de repères et un repère qui me parle autant à tout le monde qu’à moi. Donc Kubrick était le cinéaste parfait. Et je cite Shining parce que c’est un film qui m’a énormément apporté comme beaucoup sur la façon de concevoir l’esthétique.

12) En y pensant Shining et ton film ont des similitudes. Julien qui se réfugie dans un hôtel pour achever son film comme Jack Nicholson dans Shining qui fait la même chose pour son livre. Coïncidence ?

Les hasards de la vie tout simplement, je ne sais pas.

13) La façon dont ton film se déroule explique bien ce titre des Hasards (de la vie), tu as toujours eu ce titre en tête ? Pourquoi ce titre ?

Pourquoi Les Hasards (de la vie) ? Comme je l’ai dit ce film parle des relations, de rencontres et de communication entre les personnages. Donc forcément il y a cette idée de connexion, ce qui est quelque chose de très hasardeux lorsque j’ai commencé à y réfléchir à l’écriture. Finalement j’ai pensé aux propres rencontres que j’avais faites et à l’écriture j’avais vraiment cette idée de parler des relations. En même temps il y a du hasard et en même temps pas tant que ça. La réplique « c’est les hasards de la vie » est revenue à de nombreuses reprises notamment avec cette rencontre entre Julien et Édouard, et à partir de ça c’est devenu logique et j’ai décidé de le mettre entre parenthèses.

14) À certains moments tu fais prendre un vrai sens à ce titre, comme si pendant l’écriture tu étais arrivé à une certaine logique, c’est comme ça que tu as fonctionné ?

Oui évidemment ! J’ai écrit et en écrivant tout se construit ! C’est une écriture assez complexe rien de simple, mais il faut réfléchir à ce qui est logique et je suis donc arrivé à ce moment où j’ai regardé mon scénario et je me suis dis « ceci explique cela et en même pas vraiment puisque ça reste du hasard ». Mais il faut être logique dans son écriture et j’espère que le film tient la route, je crois que j’ai réussi mon coup ?

15) Tu as déjà évoqué à l’écran ou en coulisses un bon nombre d’auteurs qui t’inspirent, comme Dolan, Truffaut, Rohmer, Allen, mais est-ce que d’autres œuvres filmiques ou en général t’ont forgé exceptés ces noms ?

Ah oui ! Le personnage de Antoine Doinel chez Truffaut, la dualité entre le personnage et le réalisateur c’est quelque chose qui m’a toujours intéressé comme le fait également Woody Allen, donc oui Les Écrits de Victor était très inspiré de ça. Et Les Hasards (de la vie), Truffaut est en effet cité lors de la scène où Alice et Arthur sont au lit en train de lire, c’est tiré de Domicile Conjugale. Quant aux autres influences, je pense qu’il n’y en a pas vraiment, à part moi-même et ce que j’ai pu vivre dans ma vie, mes expériences. Parce que moi-même je me suis posé certaines questions que se posent les personnages dans le film. Je pense qu’au niveau des influences on a fait le tour. Le cinéma c’est beaucoup de vécu je pense. C’est un art vivant et c’est du vécu, ça paraît logique, non ?

Oui en effet !

16 ) Il y a cette question du temps qui revient beaucoup. Par rapport à ton tournage, sur l’unité de temps à laquelle le film se déroule, tu sembles jouer un peu avec ça ? C’est volontaire ou pas du tout ?

Non c’est pas du tout involontaire, ça fait partie de ce dont je veux parler dans mes prochains films avec l’amour, donc oui bien sûr c’est très important. On ne sait pas à quelle époque ça se passe, mais j’aime mélanger les époques. Il y a dans le grain de l’image que j’ai demandé, cette palette qui fasse pellicule et qui fasse univers de mai 68 avec tout ce qui concerne les films de la Nouvelle Vague dont Truffaut. Donc évidemment qu’il y a ces influences qui font très mai 68 et donc pour faire quelque d’un peu désuet dans le look des personnages. Et là aussi ça rejoint l’univers de Woody Allen. Et en même temps j’ai ce rapport à la modernité qui vient se casser, finalement le personnage le plus moderne reste Alice, dans son look c’est plutôt moderne et j’aime briser ça ! J’aime avoir une scène dans un café très années soixante, puis quelqu’un devant son ordinateur. J’aime prendre le personnage de Julien qui filme avec un très vieux appareil photo, puis les voir dans une bibliothèque plutôt moderne ou dans une rue où il y a du monde avec des voitures qui passent.

Ton but est donc de semer le doute chez ton spectateur ?

Oui bien-sûr parce que j’aime le mélange aussi ! C’est un jeu, l’écriture est un jeu. Cette époque non définissable que beaucoup de cinéastes que j’adore font ! Wes Anderson par exemple, on se questionne souvent sur ça, il invente des pays souvent. Il y a ce questionnement de créer un univers ! L’univers de Woody Allen dans lequel il y a souvent ce brisage d’époque notamment dans Manhattan qui selon moi est son chef-d’œuvre, avec ce personnage Issac Davis qui est interprété par Woody Allen lui-même. Ça représente cette ancienneté de la ville de New-York et qui n’arrive pas à s’adapter, j’aime les personnages qui n’arrivent pas à s’adapter à leurs milieux ! Prenons le personnage d’Edouard qui est complètement dépassé par son époque, qui est quelqu’un d’un peu aigri. C’est une personne qui ne sait pas vivre avec son époque, notamment lorsqu’il dit « le cinéma est mort dès qu’il s’est mis à parler ». L’opposition, là c’est très intéressant pour moi.

17) Et justement en reprenant cette réplique, c’est aussi ton avis sur le cinéma français d’aujourd’hui ? Quelle est ton avis là-dessus ?

Non ce n’est pas du tout ça, je me moque simplement d’Edouard. C’est un personnage très cynique et je le comprends parce que oui quand on a de si grands génies, comment arriver que certains films en possèdent quand certains cinéastes ont existés ! Mais d’un côté j’aime évidemment le cinéma, c’est pour ça que je vis, donc j’aime le cinéma français à l’heure actuelle. Et disons le je trouve que c’est le plus beau cinéma du monde. J’aime le cinéma français et c’est pour ça que j’aime le citer partout, tout le temps. Donc évidemment que non je ne partage pas l’avis d’Edouard. Mais je m’en moque gentiment, j’ai écrit ce rôle là en particulier pour la personne qui l’interprète, parce que je fais confiance à des gens que je connais. Et Edouard exagère lui aussi, il ne pense pas exactement ça.

18) Et justement si tu devais citer les films (toutes nationalités comprises) qui t’ont le plus marqué ces cinq dernières années, quels titres te viendraient ?

Le cinéma français est très très fort, de grands auteurs émergent, certains sont là depuis longtemps comme Louis Garrell qui a réalisé L’Innoncent, il y a des auteurs qui sont ancrés. Albert Serra avec Pacifiction. Il y a des propositions en France très intéressantes, le cinéma français a encore ce grand privilège, contrairement aux dires de certains qui je pense ne vont pas beaucoup au cinéma ou n’y sont pas allés depuis longtemps, dommage pour eux ! Et il y a Emmanuel Mouret qui arrive à redonner goût au cinéma que j’aime aussi, je pense qu’on est un peu collègues, je pense, j’espère. Je crois que nous avons les mêmes idoles dont Éric Rohmer. Donc je citerai Chronique d’une liaison passagère.

19 ) Curieusement tous les films cités ont été oubliés à la dernière cérémonie des Césars. Tu penses que si tu arrives jusqu’à là tu seras un de ces auteurs constamment oublié ?

Peut être, mais je ne fais pas des films pour plaire, je fais des films pour me plaire à moi et transmettre une image et une pensée. Et évidemment je pense aux spectateurs, mais souvent des gens que j’aime. Ça peut paraître égoïste mais c’est comme ça que je vois les choses.

20) Albert Dupontel, un autre très bon auteur français qui curieusement a triomphé aux Césars avec l’excellent Adieu les cons, dit des choses similaires . Tu te reflètes un peu en lui tu penses ?

Oui après je fais un cinéma très différent de celui d’Albert Dupontel et je n’ai fait qu’un film étudiant donc je ne peux pas du tout me comparer à lui qui est un cinéaste bien affirmé avec un univers complètement à lui. Mais je me retrouve peut-être dans cette idée où la temporalité est très étrange chez Dupontel aussi. Par exemple Adieu les cons on voit que c’est quelque chose de très moderne, mais il y a aussi un côté démodé. Et je pense qu’on pourrait très bien s’entendre avec Dupontel, je n’en doute pas ! Et c’est aussi un excellent acteur au passage.

Et apparemment il s’entend très bien avec David Lynch donc je pense aussi qu’une entente serait tout a fait possible.

21 ) Pour revenir sur ton film, on voit que tu t’es davantage concentré sur Alice. Il est beaucoup question de son passé, de sa relation avec Arthur, de ses sentiments mais finalement tu parles assez peu de Julien, Arthur et Édouard si ce n’est de leurs métiers ou caractères. Pourquoi ?

D’abord parce que c’est le personnage qui m’intéresse le plus, pas qui me correspond le plus parce que ça c’est plutôt Julien, mais je voulais donner cet axe et je veux écrire des personnages féminins. Je veux toujours écrire ça ! Les femmes m’inspirent. Ce sont des personnages forts et pour moi le passé d’Alice était une chose essentielle de ce personnage formidable. Et mon actrice Sheyenne l’a très bien interprétée, et je voulais vraiment la mettre en valeur. La mise en valeur de cette femme, sans rentrer dans quelque chose de grossi, parce que je ne veux pas rentrer là-dedans. Mais j’avais envie de donner cette importance à Alice. Julien on en sait un peu sur son passé. Il le divulgue à différentes occasions et souvent avec cynisme encore une fois, mais ça reste un personnage mystérieux. On ne sait pas vraiment d’où il vient, il est cinéaste, toujours dans cette idée du personnage très perché.

Ce qui est drôle c’est qu’il est réalisateur mais pas une fois on le voit filmer, ou écrire…

Si lors de la scène silencieuse sur la plage.

Excepté cette scène là

Et j’ai été obligé de la faire d’ailleurs, c’est la seule. Mais oui on ne voit pas parce que ce n’est pas le sujet du film. Le sujet du film n’est pas le cinéma, je ne pense pas. Le fait qu’il soit réalisateur c’est important parce que c’est un artiste qui correspond à moi bien sûr. Mais je n’ai pas eu envie de le montrer. Julien artiste oui, Julien personnage en partie frustré oui, Julien personnage très rêveur et un peu enfant et aussi très innocent. Mais il y avait une réelle importance qu’il fasse du cinéma parce que forcément je veux en faire et que je m’inspire des choses que je vois donc quoi de mieux que d’écrire un personnage qui pratique une activité que je fais moi-même. J’essaie de me rapprocher de mes personnages, ça me permet de mieux les comprendre. Mais non son métier, le cinéma, n’est pas l’axe du film. Un jour pourquoi pas cela dit.

Une lettre d’amour au cinéma ?

Peut-être un jour, mais pas tout de suite ! Ce sera dans très longtemps, j’ai d’autres sujets à traiter avant. Mais dans le prochain ça sera déjà un peu ça.

22) Tu évoque l’égo artistique entre deux artistes qui se méprisent ?

Alors oui ! Je ne voulais pas faire un film sur le cinéma, ni sur la littérature même si c’est un peu plus présent, mais un film qui parle d’art et du fait d’être artiste. C’est un thème qui sera toujours présent dans ce que j’écris c’est sûr et certain ! Ça suivra toujours des écrivains, des cinéastes, il faut ce rapport à l’artiste. Évidemment je le questionne sans avoir la réponse. « Est-ce un métier surréaliste ?». Ce sont des questions que je me pose, tout comme mes personnages. Ce sont des questions que je me pose avec eux, c’est là que j’essaie de les comprendre.

23) Vers la fin du film tu suggères qu’il y a encore des choses à dire sur la relation qu’il y a entre Julien et Edouard , tu penses travailler sur ces personnages à l’avenir ?

Non pas du tout ! Non, non j’ai tout dit. J’aime ces personnages et ils resteront là où ils sont. Je parlerai d’autres choses qui seront similaires. En revanche le personnage de Victor Dupuis que j’ai écrit avant mérite un traitement plus long et j’aimerais revenir dessus, mais plus tard.

24 ) Suite à la réception de ce film, où en est-tu sur tes projets ?

J’ai envie d’écrire, et je le fais déjà. Mais voir cet aboutissement ne me donne qu’une seule envie. Je revois des films que j’aime, des Woody Allen et ça y est c’est reparti. Comme dirait Truffaut « le cinéma est ma destinée ». Et personne ne pourra m’enlever ça parce que c’est comme ça que je m’exprime, c’est comme ça que je vis et personne pourra m’empêcher de vivre en somme.

Interview Darius Robin 2
Darius Robin en pleine lecture de son discours lors de la projection du film à la Médiathèque de Châteauroux le samedi 25 mars

Pour rappel Les Hasards (de la vie) suit Julien, un réalisateur qui se niche dans un hôtel pour s’atteler à la réalisation de son nouveau film, mais sa rencontre sur place avec la réceptionniste nommée Alice va tout changer.

Le film est disponible depuis 2 semaines sur la chaîne Youtube de Darius et comptabilise plus de 1400 vues à l’heure actuelle.

Voir le film :

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