Presque trois ans après le premier opus, Denis Villeneuve revient avec le très anticipé Dune : Deuxième partie, en salles depuis mercredi 27 février. Nos rédacteurs Lucas et Alex se sont prêtés à un duel critique, entre réserves et extase.

Dans Dune : Deuxième partie, Paul Atreides s’unit à Chani et aux Fremen pour mener la révolte contre ceux qui ont anéanti sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers.

"L'arrivée d'un nouveau messie : c'était écrit"

Au travers de l’histoire du cinéma et notamment des grandes sagas qui la composent, peu de cinéastes peuvent réussir l’exploit de réaliser une suite plus réussie que son premier opus. Denis Villeneuve en fait désormais parti, livrant avec Dune 2 un récit d’une densité folle. Une épopée contée par les yeux d’un grand enfant, dotée d’une fabuleuse direction artistique, et qui restera dans les mémoires comme l’un des meilleurs films de science-fiction de ces dernières années.

Dans cette suite, la beauté d’Arrakis, la complexité de son univers (parfaitement rendu) et la réflexion sur le fanatisme religieux sont exacerbées pour former une danse envoûtante qui viendra cueillir le spectateur pour l’émerveiller tout en le faisant réfléchir. Cette fois-ci, le mystique laisse un peu plus de place à l’action, même si celle-ci ne dictera jamais le rythme du film, contrairement aux codes hollywoodiens. Ceux qui donnent le tempo resteront toujours les personnages, gagnant ici en épaisseur par rapport au premier film, lorsque Paul occupait tout l’espace. Désormais, c’est les femmes de sa vie qui le transforment, permettant en même temps de multiplier les points de vues sur la tragédie qui se joue.

Zendaya dans Dune 2
Zendaya dans Dune 2 © Warner Bros. Entertainment Inc.

La mise en scène de Denis Villeneuve impressionne, toujours aussi précise, côtoyant autant l’intime que le grandiose. Le réalisateur résiste à la tentation de l’artifice du spectaculaire : ses plans seront toujours au service de son histoire, à la fois signifiants et accueillants vis-à-vis de l’imaginaire de son spectateur. Néanmoins, à la manière de la froideur d’un Stanley Kubrick, cette maîtrise sera telle qu’elle peut constituer sur certaines personnes un mur, un étouffement face à l’émotion, rendant l’implication personnelle difficile devant un tel objet cinématographique. Il en restera un grand film, un monument de cinéma, qui ose, ne prenant jamais son spectateur pour acquis, refusant l’explicite pour mieux chercher à faire ressentir.

Dune 2 rejoint donc le récent Oppenheimer dans un nouveau modèle de blockbuster à la fois grandiose et intelligent qui impressionnent par leur rareté. Cette émergence de gros film « d’auteur » signe peut-être un renouveau cinématographique populaire dans une distribution submergée par du pur divertissement bas de gamme, devenue presque une référence et ayant commencé à donner une image tronquée de ce que doit partager le cinéma à ses spectateurs.

Lucas Mascunano

"UN FAUX PROPHÈTE"

À l’instar de Christopher Nolan, Denis Villeneuve a vu sa cote grossir dans les rangs hollywoodiens depuis quelques années sous la réputation d’un faiseur de blockbuster grave, ambitieux, une sorte de contrechamp auteurisant de « Marvelleries » plus vraiment à la mode. La sortie du premier Dune, introduction laborieuse à l’univers d’Herbert mais succès critique et public, a entériné cet état de fait, lui permettant la mise en chantier d’un deuxième volet.

Les principaux éléments de l’univers posés, Villeneuve peut ainsi se consacrer pleinement à l’expansion de son récit : quête messianique de son héros et jeu politique pour l’avenir de l’univers. Ce second morceau, qui lorgne vers un Game of Thrones spatial, n’est pas la partie la plus désagréable du film, entre complots qui se coagulent et personnages poussés vers des lignes d’opacités plus profondes. Dommage qu’il faille se farcir quantité de dialogues sur-explicatifs, quand ils ne sont pas tout simplement gorgés de niaiserie (« je t’aimerai jusqu’à mon dernier souffle » dit Paul Atreides à Chani). Surtout, poison ultime, le film est constamment tiré par le bas par son interprète principal, Timothée Chalamet. Déjà poids mort du précédent, le wonder boy hollywoodien est d’une nullité permanente. Son jeu, raidi dans une seule expression – le regard pas content – depuis cinq heures de film annihile tout l’arc tragico-campbellien de Paul Atréides, pourtant promis à l’émotion.

Timothée Chalamet dans Dune 2
Timothée Chalamet dans Dune 2 © Warner Bros. Entertainment Inc.

Difficulté encore plus plombante, encore : les limites pathologiques de son cinéaste. Cerveau rationnel, cartésien (le vers du raté étant donc probablement dans le fruit) Villeneuve se montre inapte à surpasser l’épure névrotique qui lui sert déjà de direction artistique depuis le début de sa carrière. Contact avec l’épice, ingestion du « l’eau de vie » et présciences délirantes : de ces substances psychotropes, le film ne tire rien d’autre qu’une esthétique insipide de pubard de marque de luxe, qui trahit la dissociation profonde entre l’esprit de l’œuvre et celui du réalisateur.

Absence d’âme et de matière, quand le dépit général se perpétue avec la gestion de l’action. Le space opera à grand spectacle se réduit à du survol zénithal ou des affrontements jamais épiques quand ils ne sont pas foncièrement embarrassants dans leur découpage et leur scénographie (le duel au couteau du climax). Le public et quelques cinéphiles mal réveillés pourront s’y tromper car l’enrobage du film (une poignée de money shots, la belle photo de Greig Fraser) est suffisamment clinquant pour faire effet. Mais le style du canadien est plus empesé que majestueux, moins sophistiqué que tapageur. Au fond, Villeneuve n’est finalement qu’un faiseur plus doué que la norme médiocre mondiale, un imagier un peu lisse, un borgne au royaume des aveugles. Elle est peut-être chez lui à trouver finalement, la vraie figure du faux prophète dépeint dans ce Dune 2.

Alex Lehuby

Auteurs/autrices

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