Pour la première fois en lice pour la Palme d’Or, le réalisateur brésilien Karim Aïnouz remonte le temps. Il s’intéresse en effet à Catherine Parr, sixième femme d’Henri VIII dans une oeuvre dont la mise en scène enferme les personnages dans la paranoïa.
« l’Histoire nous raconte quelque chose, surtout à propos des guerres et des hommes. Pour le reste de l’humanité, à nous de faire des conclusions souvent hasardeuses ». Dès l’ouverture, Karim Aïnouz révèle son intention d’aller à contre-courant de ce que transmettent les livres d’histoire. S’il existe pléthore d’œuvres qui dépeignent le règne de Henri VIII, le cinéaste choisit ici de dresser le portrait de sa sixième femme, Catherine Parr, pour une création qui s’inscrit dans l’ère post-Me Too.
Thriller politique sur fond de féminisme
Dans l’Angleterre ensanglantée des Tudors, Catherine Parr, la sixième et dernière femme d’Henri VIII, est nommée régente pendant ses campagnes militaires. Avec ce rôle provisoire, Catherine tente d’influencer les conseillers du roi vers un avenir basé sur ses croyances protestantes. Sa compassion pour Anne Askew, une amie d’enfance brûlée vive pour hérésie, menace sa survie face à un roi paranoïaque et malade. En connaissance du triste sort de ses épouses précédentes, décapitées : la ruse de Catherine lui permettra-t-elle de survivre ou sera-t-elle inévitablement exécutée par son mari ?
Si cette approche féministe n’a rien d’inédit dans l’ère post-Me Too, Karim Aïnouz choisit de le faire en revisitant le film d’époque. Bien au-delà d’un récit sur l’émancipation féminine, Firebrand transforme la quête de Catherine Parr en parcours du combattant. Le moindre geste est capable de rendre le roi furieux, agitant sans cesse la menace d’exécution de sa femme. Dès l’ouverture, l’ombre du roi plane : on le sait susceptible de commettre le pire. À chacune des scènes où il apparaît, ses grognements, ses rires et ses halètements font froid dans le dos, exalté par sa carrure imposante et sa démarche lourde. Son surnom de « roi ogre » prend ainsi tout son sens.
Des acteurs impliqués
Lorsque Catherine apprend son retour anticipé, l’effroi dans ses yeux communique davantage que n’importe quelle ligne de dialogue, grâce au jeu étonnant de justesse de Alicia Vikander. En contraste avec la vulnérabilité de son corps et sa voix qui peine à sa faire entendre, l’actrice enfièvre son personnage pour mieux inverser les rôles dictés par le patriarcat. Elle vole presque la vedette à un Jude Law méconnaissable dans la peau d’un roi diminué par la nécrose et rongé par la paranoïa.
Nul besoin d’imposantes prothèses ou de maquillage grossier : le seul dégoût des personnes l’entourant suffit à transmettre la présence remarquée du roi. Selon les historiens, l’odeur de sa jambe pourrissante empestait jusqu’aux pièces environnantes. Afin d’appuyer le réalisme de ce portrait d’Henri VIII, Jude Law a expliqué s’être composé sur-mesure une fragrance des plus originales « J’ai proposé à une parfumeuse professionnelle de créer un mélange extraordinaire de sang, de matière fécale et de transpiration ! ». Bien que « traumatisé » par l’odeur de l’acteur, Karim Aïnouz a toutefois tenu à féliciter le travail de Jude Law face à la presse : « Il a vraiment tenté d’incarner le physique d’Henri VIII. Il a marché pendant des mois avec des poids sur les jambes…Il a eu mal au dos après le tournage à force d’imiter le boitement du roi ».
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