Le relâchement du vendredi, une théorie qu’on élabore depuis trois ans de Festival, et qui se confirme une fois de plus avec cette 49ème édition. 

manodrome (compétition)

Le dernier jour de compétition s’ouvre dans la précipitation avec Manodrome. Pas d’équipe pour parler du film, pas de présentateur pour mettre la salle en condition, pas de petit rituel lumineux et musical, le film s’est juste lancé sans même laisser le temps à notre héros de recouvrir de son tapis le logo du festival sur la scène. Guillaume Canet était-il même dans la salle ? Si oui, il est rentré en rampant, les lumières éteintes. Les lycéens ont d’ailleurs pris d’assaut la salle (l’année prochaine il n’y aura plus qu’eux), et provoqués des applaudissements intempestifs qui se sont avérés être la seule chose dont on s’est rappelé de cette projection. Jesse Eisenberg est invisible, pareil pour Adrien Brody, on se demande comment ils se sont tous les deux retrouvés ici. Manodrome est un film dont on se fout. Ce n’est pas vraiment « mauvais » ou « ennuyeux », mais c’est vraiment qu’on s’en fout.

Juste avant le déjeuner, on a pu croiser Todd Haynes sur les planches, et Rebecca Marder à peu près partout où on a mis les pieds durant la journée – elle qui a remis un peu de soleil sur ce ciel qui se couvre de plus en plus.

Manodrome
Dans Manodrome, Jesse Eisenberg incarne un homme à l'homosexualité refoulée. © Wyatt Garfield

summer solstice (compétition)

On se dirige alors lentement mais sûrement vers le dernier films présenté en compétition, Summer Solstice de Noah Schamus. C’est un film gentil, doux, poli, bien élevé. On attend une paroi rugueuse, de quoi accrocher ne serait-ce qu’un souvenir. Mais rien, le film est peut-être trop gentil pour marquer. Il bénéficie quand même de cette mélancolie de dernière projection, celle que l’on ne voudrait pas voir finir… surtout si c’est pour enchaîner avec Fancy Dance de Erica Tremblay. Lily Gladstone est impressionnante, et puis c’est tout.

en attendant...notre palmarès

Maintenant que la compétition est terminée, et avant la projection de May December (Todd Haynes) en séance du soir, on se pose quelques minutes pour offrir notre palmarès, entre fantasme et réalisme :

Pour le Grand Prix : The Sweet East, qui reste notre film préféré de cette compétition. La proposition qui a le plus surpris, ça passe ou ça casse…

Pour le Prix du Jury : Fremont / Past Lives, égalité (il y a toujours des égalités). Deux films plus conventionnels mais tout aussi uniques en leurs genres. Décidément de gros morceaux, qui pourraient aussi récupérer un Grand Prix.

Pour le Prix de la révélation : Runner. On y croit pas, mais si vous nous lisez, vous savez à quel point on l’aime…

Pour le Prix de la Critique : The Sweet East. Parce que c’est typiquement un film qui plaît aux journalistes (qui leur donne de quoi écrire).

Et pour le Prix du Public : LaRoy, par applaudimètre.

May December
May December convoque le talent sans égal de Julianne Moore et Natalie Portman © Mountain A

may December (premières)

19h, on se retrouve avec le monde entier (sérieusement on savait plus où donner de la tête) sur le tapis rouge pour May December, sans Natalie bien sûr, absente pour raison de grève. Thriller vénéneux ? Comédie décalée ? Drame familial ? Difficile de saisir le genre du film. Todd Haynes poursuit sa quête du genre humain, en perçant à jour le travail de l’acteur, du souvenir et du comportement social qui habite chacun d’entre nous.

Gracie (Julianne Moore), vit une vie enfin normale après que son mariage avec l’un de ses élèves de 5ème a fait scandale (dont un accouchement en prison). Elizabeth (Natalie Portman), actrice de renom, s’est vu attribuer le rôle de Gracie dans le film qu’on est en train de faire sur cette dernière. L’actrice s’immisce alors dans la vie de cette femme… et tout jaillit, le château de carte s’écroule. Todd Haynes exacerbe chaque sentiment, en rendant complexe tous les composés de la plus petite émotion. Le scénario est vicieux, rusé, malin – comme ces très (très) gros plans sur les papillons, indéchiffrables – zigzag entre les personnages et les situations, si bien qu’on ne peut jamais vraiment voir l’image en entier. On s’avance sur notre siège, on plisse les yeux, on veut savoir pourquoi elle fait ci, pourquoi il dit ça, etc… Natalie Portman se montre encore comme la meilleure actrice du monde, il faut dire que Julianne Moore lui offre un modèle convainquant.

May December nous met dans une position inédite, toujours à cheval entre le vrai et le faux, toujours en train d’essayer de comprendre les sous-entendus, toujours à l’affut d’un indice, ou submergé par un comportement surprenant. La musique est marquante.

Todd Haynes est revenu dans la salle pour des applaudissements (toujours timides) bien mérités.

Demain, dernière journée, derniers films, derniers rêves…

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