Christopher Nolan est considéré comme le maître de la temporalité, véritable expert des distorsions de timeline et du temps comme sujet principal de ses films. C’est également avec la musique et les ambiances sonores que ce réalisateur va décider de faire transparaître cette notion temporelle, tel un acteur à part entière qui participe grandement à l’installation de l’oppression durant toute la séquence. Hans Zimmer, son compositeur de prédilection, va alors composer les soundtracks de Dunkirk et proposer un ensemble marquant et singulier porté sur le temps et sa construction. Son titre The Mole – présent dans la séquence d’ouverture – amorce alors cette relation entre l’angoisse et la temporalité que le film va illustrer et que les musiques n’auront de cesse de renforcer.
En effet, l’extrait débute par des plans relativement calmes visuellement, presque reposants par le peu de mouvements de caméra mais c’est par la musique que va se présenter une tension et ce dès les premières secondes. Ainsi, on peut entendre un fond sonore lourd, grave et continu qui enveloppe tout l’espace scénique, plongeant le spectateur dans une atmosphère dramatique et plombante, indiquant la menace déjà présente et ne faisant que s’accentuer avec la montée des événements tragiques. Avec ce fond sonore imposant, les moments de « calme » restent provocateurs de tension. On retrouve donc une oppression sonore importante, renforcée ensuite par les tirs et les respirations saccadées de Tommy. Le travail sonore autour de l’oppression s’effectue donc également de manière diégétique – les sons sont produits et/ou entendus par les personnages –.
Comme évoqué précédemment, Dunkirk traite de la temporalité dans son récit, avec ses trois unités de lieux et de temps (la plage : 1 semaine, la mer : 1 jour, les airs : 1h) mais cette notion est également présente dans sa musicalité. Pour rythmer la séquence et accompagner le sentiment d’urgence, le fond sonore va se parer d’un « tic-tac » tel un chronomètre. Il est enclenché à l’instant où le prospectus à l’image de l’ennemi apparait à l’écran. Subtil, presque inaudible, il ne va avoir de cesse d’accaparer la sphère sonore. Symbole de cet ennemi invisible et de son avancée constante, ce son accentue l’oppression et augmente d’intensité au rythme de la narration, jusqu’à monopoliser l’espace sonore, étouffant la musique au moment des tirs.
Les soldats sont en proie à l’ennemi allemand mais également à un autre ennemi qu’ils ne peuvent pas combattre : le temps. Il s’agit de l’oppression du temps qui passe voire du compte à rebours qu’il leur reste. Ce chronomètre s’accélère avec l’action, pointant un danger imminent et donc la survie des protagonistes dans une temporalité qui semble leur échapper et les engloutir.
Ce « tic-tac » n’a également de cesse de s’aligner à des éléments diégétiques – faisant partie de la diégèse – tels que les battements de cœur de Tommy, intensifiant l’écho de chaque mesure et de l’urgence dans laquelle le soldat se trouve. Cette intelligence à se fondre à la diégèse permet à cet élément sonore de faire davantage ressentir le danger – comme avec les pulsations cardiaques – ou encore de le diriger vers un autre élément filmique : la mer. À la fin de la séquence, ce son de métronome intense va complètement s’étouffer dans le bruit des vagues, comme si elle prenait sa place. Ainsi, le nouvel ennemi, au bout de cette course poursuite dans la ville devient d’une certaine manière la Manche qui empêchent les hommes d’échapper aux Allemands.
Les soldats vont alors être victimes d’un ennemi invisible mais également de la mer, de ses vagues et bon nombre de soldats sont morts noyés dans ces eaux.