Crawl, film d’horreur américain de 2019 réalisé par Alexandre Aja, avec Kaya Scodelario, Barry Pepper…

Synopsis : Hayley vit en Floride Un violent ouragan s’abat sur sa ville natale. Ignorant l’ordre d’évacuer, Hayley part à la recherche de son père, porté disparu. Elle va finalement le retrouver, grièvement blessé dans le sous-sol de leur maison familiale. Hayley et son père vont vite se rendre compte qu’une inondation progressant très rapidement les menace. Hayley et son père vont par ailleurs comprendre que l’inondation est loin d’être la menace la plus terrifiante : l’inondation amène des alligators.

Même s’il commence à se faire une petite place dans le microcosme hexagonal, il n’est pas loin le temps où faire du cinéma de genre en France était loin d’être une sinécure. Et alors que les Julia Ducourneau (Grave) et autre Daniel Roby (Dans La Brume) ont pu tenter de s’imposer en France, il y en a un, parmi d’autres, qui est parti tenter sa chance à l’étranger : Alexandre Aja. Grand adepte de l’horreur (il cite Shining parmi ses grandes références) ayant très vite compris que son pays natal ne lui donnerait pas sa chance, il s’en est allé outre-Atlantique, et grand bien lui a pris puisqu’il a su s’imposer et obtenir un succès autant critique que public. De son premier grand succès Haute Tension au remake très réussi de La Colinne a des yeux et Piranha 3d, il a su imposer son style et son talent de metteur en scène sans se désavouer, et alors que son nouveau film sort dans nos salles obscures, il est temps de se pencher sur celui-ci, et de vérifier si la recette Aja prend toujours.

Dave Keller (Barry Pepper) à la recherche d’une solution…
© Paramount Pictures

Devant ce film d’horreur où un père et sa fille vont tenter à la fois de survivre à un ouragan et à la menace d’alligators affamés, on ne peut s’empêcher de penser au précurseur du genre de l’horreur « animalesque » : Les Dents de la Mer de Steven Spielberg. Et la comparaison semble loin d’être farfelue tant les deux films partagent des points communs, que ce soit cette menace effectivement animale ou encore le rapport à la famille et aux relations parent-enfant, très chères au cinéma de Spielberg. Une filiation qu’Alexandre Aja assume totalement, allant même jusqu’à rendre hommage de manière épisodique à l’autre grand film animal de Spielberg, Jurassic Park, dans sa manière de filmer des alligators dont le lien biologique avec les dinosaures semble plus qu’évident.
Mais à la différence des films de Spielberg pré-cités, Alexandre Aja ne va pas chercher à donner à son récit un sérieux ou une gravité trop appuyés, et va plutôt lorgner du côté de la série B, des petites productions sans grandes ambitions ni envies de révolutionner le Septième Art. Qu’il ne soit pas compris ici qu’Aja n’a aucune ambition de mise en scène ; simplement, son but est avant tout de donner sa dose de grand frisson au spectateur, de la manière la plus efficace possible. Mais en choisissant de partir vers ce sous-genre, c’est là que le film du français va connaître ses plus importants défauts.
Car à la différence des Dents de la Mer qui tend à conserver sa gravité tout du long, Crawl assume totalement son aspect série B et déridé, et pâtit donc de son désir d’instaurer une certaine pesanteur, un sérieux qui va parfois alourdir le film. Ainsi, le film possède un flagrant défaut de rythme dans une introduction qui tente péniblement d’installer ses personnages et leurs relations, notamment une relation père-fille finalement assez peu développée et qui n’apporte pas grand-chose dans un film qui est avant tout là pour divertir et donner au spectateur le grand spectacle promis. Cette relation s’en retrouve développée de manière trop famélique pour véritablement charmer, et Alexandre Aja semble s’enfermer dans une sorte de schizophrénie filmique, où il instaure une gravité trop peu développée pour le sérieux qu’il se donne mais également beaucoup trop prégnante alors qu’il cherche avant tout à divertir son spectateur en développant des archétypes qu’on accepte, dans ce genre de films, comme simplistes. Même si l’ensemble reste efficace pour présenter les personnages, l’on aurait admis que le film appuie moins cette relation finalement assez mince et ne servant au final que de background avec peu d’intérêt, et se concentre plus sur une action qui, elle, est bien plus réussie.

Lueur d’espoir pour Hayley (Kaya Scodelario)
© Paramount Pictures

Car pour ce maigre défaut de rythme que l’on peut reprocher à Alexandre Aja, il n’en reste pas moins que son talent de mise en scène est indéniable. Il arrive en effet à distiller une tension constante, ne faisant intervenir les alligators que dans quelques brèves scènes qui sont l’occasion d’une belle frayeur, souvent innatendue. Aja sait ce à quoi s’attend son spectateur, et sait créer la surprise là où on ne l’attend pas. En dehors de cela, il sait créer l’urgence, notamment dans la situation de ces personnages enfermés dans une cave se remplissant petit à petit d’eau, et donc créer une tension insidieuse, qui permet au spectateur de ne jamais être laissé au dépourvu ou au film de perdre son rythme.
Malgré l’aspect répétitif du film, qui ne fait que multiplier les péripéties avec les alligators, il parvient toujours à garder une tension qui se veut progressive, notamment en finissant par isoler ses personnages du monde extérieur et donc créer une nouvelle source d’inquiétude, empêchant l’ennui d’un public qui voit se multiplier les situations catastrophiques pour un père et sa fille. Si, comme on l’a évoqué, cette relation père-fille à la gravité bien trop appuyée dessert le film, il n’en reste pas moins que son développement permet de créer un attachement simple mais suffisant pour créer la tension chez un spectateur qui finit par prendre réellement part au film et se prendre d’affection pour le destin de ces personnages. Le choix du décor associé au travail sur la lumière va également beaucoup y aider : de par l’exiguïté d’une telle pièce, qui se veut en plus progressive, Aja développe de manière simple une tension face à une menace aussi imposante qu’agile. Et il va s’aider pour cela de la lumière, source de tension dans un endroit aussi sombre et qui donc cache ses dangers. Le plus grand levier de la peur, c’est l’inconnu, l’indicible, ce que l’on ne voit pas : et ça, Aja l’a très bien compris, se servant de la lumière d’une lampe-torche ou d’un téléphone pour créer l’attente, l’appréhension chez un spectateur inquiet de voir réapparaître la menace à chaque instant. Un travail de mise en scène proprement impeccable, qui sait alterner moments de calme propices au développement des personnages et aux scènes plus « anecdotiques » et péripéties horrifiques distillées avec parcimonie. On sent un amour réel d’Aja pour ce genre du film de monstres, et une volonté de sacraliser ces alligators en en faisant une menace insidieuse, presque invisible, créant ainsi une véritable peur chez ses personnages et les spectateurs.
Chose plus rare est le travail d’Alexandre Aja sur la violence graphique, et notamment les blessures. Forcément atteints physiquement par les alligators, l’on aurait pu penser que le film serait assez réticent à montrer de manière prégnante lesdits dommages, soit en ne les filmant pas soit dans un plan plus large ou suggéré, évitant ainsi de choquer son spectateur. Bien au contraire dans Crawl, puisque Aja ne se prive jamais de montrer la chair suintante et sanguinolente et les réelles séquelles physiques, s’aidant également du travail du son pour faire ressentir au spectateur toute la douleur et l’atrocité de telles blessures. Et dans un cinéma actuel souvent assez aseptisé, il est rafraîchissant de voir un cinéaste aller jusqu’au bout de sa démarche et travailler autant au ressenti physique de ses personnages, sans se priver d’un réel impact sensoriel, visuel et auditif, se servant donc de toute sa palette de cinéaste pour servir sa vision. Et si quelques effets peu concluants, notamment sur les extérieurs, peuvent gêner le spectateur, il n’en reste pas moins que le rendu des alligators, très réussi, crée chez lui une nouvelle raison d’avoir peur pour des personnages dont le destin semble inéluctable.

Hayley (Kaya Scodelario) en fâcheuse posture…
© Paramount Pictures

Si Crawl n’offre qu’un scénario simpliste, multipliant les péripéties sans grande originalité, c’est avant tout parce que c’est ce qu’Alexandre Aja veut donner. N’ayant pas pour prétention de révolutionner le storytelling, il s’agit avant d’une petit film de série B sans prétention qui, lorsqu’il ne se prend pas trop au sérieux, possède une énergie très intéressante qui se sauve du nanar pur et simple par un très bon travail de mise en scène, prouvant que le cinéaste possède un réel talent pour l’horreur, une réelle passion pour un genre qui l’a marqué durant l’enfance, et une liberté totale laissée par un producteur lui-même friand de l’horreur, Sam Raimi. Et si l’été pouvait sembler morose en terme de grand spectacle, Crawl possède en son sein tous les atouts d’un petit film rafraîchissant, qui, malgré le ton grave parfois donné et desservant le long-métrage, donnera au spectateur les frissons garantis, et atteindra donc l’objectif qu’il s’était fixé.


Note

7/10


Assumant partiellement son statut de film de série B sans prétention, Crawl, quand il ne se prend pas au sérieux, est un film d’une efficacité redoutable servi par l’excellente mise en scène d’Alexandre Aja, maniant tous les compartiments de sa réalisation pour distiller dans son film une insidieuse et impeccable tension. Probablement LE grand spectacle de cet été.


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0 Comments

  • Angelilie
    On 3 août 2019 18 h 00 min 0Likes

    J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.

  • MarionRusty
    On 22 août 2019 15 h 58 min 0Likes

    On est d’accord, l’action seule fait de Crawl un bob film, et ma foi c’est suffisant. Il est divertissant et si ce n’est pas un grand film, c’est un bon moment dans les salles obscures!

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