Elio (Timothée Chalamet) & Oliver (Armie Hammer)

? Réalisateur : Luca Guadagnino (Suspiria)

? Casting : Armie Hammer (The Social Network, U.N.C.L.E), Timothée Chalamet (Little Women, My Beautiful Boy), Micheal Stuhlbarg, Amira Casar, Esther Garrel

? Genre : Drame / Romance

? Sortie : 24 novembre 2017 (États-Unis), 29 février 2018 (France)

Plus d’infos ici

Synopsis : Été 1983. Elio Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, et il est proche de ses parents. Sa sophistication et ses talents intellectuels font d’Elio un jeune homme mûr pour son âge, mais il conserve aussi une certaine innocence, en particulier pour ce qui touche à l’amour. Un jour, Oliver, un séduisant Américain qui prépare son doctorat, vient travailler auprès du père d’Elio. Elio et Oliver vont bientôt découvrir l’éveil du désir, au cours d’un été ensoleillé dans la campagne italienne qui changera leur vie à jamais.

Call me by your name and I’ll call you by mine.

Oliver

Adaptation du roman Plus tard ou jamais d’André Aciman, Call Me By Your Name a connu un succès mondial et de nombreuses nominations et récompenses. Film ouvertement gay, il semble être le descendant du Secret de Brokeback Mountain de Ang Lee, mais qu’en est-il vraiment ? Retour sur un film phénomène.

Elio (Timothée Chalamet) & Oliver (Armie Hammer)
Stefano Dall'Asta - © SPAZIO FOTO

L’Italie, l’été, l’amour. Ça aurait pu se résumer comme ça, si seulement ça avait été aussi simple. On tombe d’abord amoureux des paysages, des décors de l’Italie, jusqu’à en ressentir la chaleur et l’odeur iodée de la mer. Et puis entrent en scène les relations, les humains, les sentiments… Toutes ces choses compliquées qui auraient pu endommager ce magnifique écrin. Mais bien au contraire, grâce à Luca Guadagnino et à cette fidèle adaptation du livre d’André Aciman, les images se mettent au service de l’histoire pour livrer un film d’une pureté et d’une simplicité parfaites.

Et si l’amour s’apparentait à des vacances d’été ? Torride, éphémère, fragile, pure, chaud, poisseux, collant, bouillonnant, différent, léger, marquant… Call Me By Your Name aurait pu s’arrêter là, sur une simple histoire d’amour et c’est comme cela qu’en réalité Luca Guadagnino retranscrit la plus compliquée et la plus douloureuse amourette dans la vie d’un jeune garçon ; mais aussi la plus belle. Le récit est léger mélangeant français, italien et anglais dans une harmonie des cultures. Les mots sont simples et directs bien que parfois sournois et ambigus mais ce qu’on retient avant tout, c’est la franchise et le dévouement de chacun des personnages dans ce qu’ils font, dans ce qu’ils croient. Les personnages sont entiers avec leurs peurs, leurs joies, leurs tristesses et leurs secrets. La beauté du paysage émane également de la beauté des personnages. Les choses deviennent de plus en plus sérieuses, de plus en plus concrètes mais jusqu’au dernier moment, même en connaissant la fin, on espère en voir apparaître une autre simplement parce que ces personnages le mériteraient, parce qu’ils sont beaux (nous parlons de leurs âmes évidemment).

Équipe de tournage
© Sony Pictures Classics

L’Italie des années 80 est revue comme un tableau. On y retrouve des couleurs pastel apaisantes, dans un rythme lent et rassurant. De nombreux plans sur la nature, les paysages accentuent cet aspect très pure, très nouveau et encore intact qu’est en réalité l’histoire entre ces deux hommes. Ce besoin de clarté constante, de simplicité et d’élégance fait écho au scénario et aux personnalités des personnages : on n’a pas besoin de plus, de fioritures, de décors grandioses. La nature elle-même est suffisante pour mettre en scène un amour naissant, les scènes sont donc pour la plupart tournées en extérieur.En réalité, seules les scènes moins « pures » sont tournées en intérieur ou de nuit, loin de la lumière. Les scènes « érotiques » ou encore de plaisirs « étranges » (oui, je parle de la pêche et du short rouge) se déroulent en intérieur et avec peu de luminosité tout comme la scène d’amour le soir dans le jardin ou encore les embrassades dans les rues la nuit. Cette utilisation de la lumière et de la nature est en effet très chaste et primaire. Peut-être s’agit-il d’un jugement masqué de la part du réalisateur, voulant prouver que ces actes sont mal vus de la société de l’époque ? C’est une question qui reste en suspend.

En plus des images et des dialogues, il est important de souligner l’apport de la musique. C’est un élément central, très prisé par Elio comme moyen de communication. On retrouve donc toute une harmonie autour de la musique classique, qui joue un rôle direct dans le film mais également autour des musiques de Sufjan Stevens. Là encore, on retrouve la légèreté et l’apaisement du film mais également la sincérité et l’engagement dans l’amour. Plein de mystères tournent autour de ces musiques notamment Visions of Gideon, une œuvre absolument magnifique faisant référence à Gideon et Dieu (dont je vous invite à aller découvrir les liens). Cette musique retranscrit toute la complexité de l’histoire entre Elio et Oliver et pourtant, on ne la retrouve qu’à la fin, durant le dernier plan de la dernière scène, qui fait également office de générique de fin.

Elio Perlman (Timothée Chalamet)
Stefano Dall'Asta - © SPAZIO FOTO

La scène la plus marquante, pour moi, et qui restera sans doute ma préférée (même si j’adore les balades en vélo qui sont magnifiquement apaisantes) est la toute dernière appelée Visions of Gideon que j’ai évoquée précédemment. Elle n’a rien d’extraordinaire d’un point de vue technique mais elle est extrêmement profonde et captivante à mes yeux. Il s’agit tout d’abord d’un gros plan sur Elio, face à la cheminéeÉlément central, On ne voit que lui ; cet effet est renforcé par une très faible profondeur de champ qui nous donne à voir uniquement des ombres floues en arrière-plan. On est captivé par ce plan, par ce personnage brisé, on ne peut que le regarder : on est forcé de le regarder. Et que fait-il ? Il pleure. Happé par cette émotion, il est impossible de passer à côté, de l’éviter : on veut nous montrer le déchirement du personnage. Ressentir ce qu’il ressent, avoir de la compassion pour lui, de la tristesse. On est si proche de lui et cela devient oppressant par la durée de la scène. Un simple gros plan d’une durée affolante pour voir un jeune homme se briser. Et pourtant, le générique de fin défile à ses côtés. Qui a regardé ces lignes ? Personne. Et le coup de grâce est asséné par ce simple mot : « Elio ». Il sourit et nous offre un regard caméra des plus saisissants avant de se lever. Il sourit après tant de minutes en pleurs et affronte le regard du spectateur, qui l’examinait depuis tant de temps. Suspendu à ses lèvres, dans une sorte de défi, le spectateur n’en saura pas plus, à lui d’imaginer.

I have loved you for the last time

Visions of Gideon, visions of Gideon

Visions of Gideon, musique de Sufjan Stevens
Alors, pourquoi a-t-il souri ?

« Call me by your name and I’ll call you by mine. » Tant d’interprétations à cette phrase culte ont déjà vu le jour alors j’ai décidé de donner la mienne. « Appelle-moi par ton nom et je t’appellerai par le mien. » Il pourrait s’agir d’un jeu sexuel pour le moins surprenant, et c’est ce qui, au premier abord, semble le plus plausible mais c’est au dernier plan (non même pas le coup de téléphone briseur de cœurs) que j’en ai compris l’ampleur et la signification. Elio est face à la cheminée, les joues salées, les yeux humides et sa mère l’appelle : « Elio ». Il sourit. C’est tout. C’est là que tout a pris un sens. À chaque fois que quelqu’un l’appellera par son prénom, il repensera à ce petit jeu. À ce petit code entre eux. Il repensera à lui. Il repensera à Oliver à chaque fois qu’on l’appellera Elio et inversement. Ils sont liés par quelque chose d’indéfectible, d’éternel : leur identité qui est ainsi liée à leur amour. Ce jeu est une ultime déclaration d’amour entre deux personnes vouées à ne plus jamais s’aimer.

Elio Perlman (Timothée Chalamet)
Stefano Dall'Asta - © SPAZIO FOTO

Note

Note : 9.5 sur 10.

9,5/10

La pureté des images tel un tableau (couleurs pastel, longs plans sur paysages, nature) accentue celle de l’histoire complexe entre deux hommes francs et sensibles. Sublimes musiques. Fin douce-amère laissant un sourire plein de larmes.

Auteur/Autrice

Partager l'article :

Leave a comment