Grand Paris, écrit et réalisé par Martin Jauvat, est la version longue de son court-métrage Grand Paris express, sorti en 2021. Il raconte l’histoire de Leslie et Renard, deux amis vivant en banlieue parisienne, qui trouvent un mystérieux objet sur la future ligne de métro du Grand Paris. Cet artefact va les pousser à mener une enquête pour tenter d’en trouver l’origine, au travers de l’île de France, dans un périple totalement loufoque et déjanté.
UNE COMÉDIE RAFRAÎCHISSANTE
Le gros point fort de cette œuvre, c’est son aspect en marge des comédies que le public a l’habitude de voir. Beaucoup plus simple, brute, elle touche le spectateur en plein cœur et l’embarque en même temps que ses protagonistes dans une quête prenante complètement folle. L’humour est décalé, perché, et parfois absurde, mais toujours en parfaite adéquation avec l’ambiance du film, et ne tombe jamais à plat.
Le jeu des deux acteurs principaux marque de par son authenticité. Nul besoin d’artifices ou de grandes tirades, le public a l’impression de suivre des scènes sincères, qu’il pourrait vivre au quotidien de manière similaire. Des simples échanges de banalité feront sourire, car naturels et pleins de sensibilité à la fois.
Un travail est particulièrement bien exécuté sur le langage adopté entre les personnages, qui est criant de réalisme. Le jeune public en particulier sera sensible à ce travail sur les expressions et la manière dont la langue est utilisée chez Leslie et Renard.
UNE AMITIÉ TOUCHANTE DANS UN MONDE HOSTILE
L’autre force du film, c’est son travail du thème de l’amitié entre deux garçons de banlieue. Sans tomber dans des clichés de virilité toxique, c’est de manière très douce, et parfois même émouvante, que le lien qui unit les deux garçons est dépeint à l’écran. L’aspect quasi fraternel entre les deux protagonistes prend aux tripes et les rend très attachants.
Face à cette forte amitié se dresse l’obstacle de la société, qui peine à laisser une place à Leslie et Renard. Les deux jeunes hommes semblent être en marge de tout, en particulier Leslie, voué au deal pour réussir à joindre les deux bouts. Cette errance est parfaitement illustrée grâce au rapport récurrent aux transports publics, quasi personnages dans le film, vaisseaux de ce vagabondage sans fin.
Cet aspect beaucoup plus tragique est fortement édulcoré grâce au rythme effréné de l’histoire et son humour totalement déjanté. Le film crée donc de manière brillante une sorte de dissonance cognitive chez le spectateur, qui ne peut s’empêcher de rire tout en étant conscient de la situation précaire d’un personnage comme celui de Leslie. L’absurde prend le pas sur le réel et permet de ne pas tomber dans le mélodrame, mais de tout de même donner de la profondeur à la comédie.
UN ARTEFACT SYMBOLIQUE
La question de l’objet trouvé par les deux protagonistes peut être sujette à beaucoup d’interprétations, et le but n’est pas de trouver une seule et unique lecture à cette dernière. Néanmoins, un parallèle peut aisément être fait entre cette relique et les sombres éléments que personne ne souhaite déterrer au sein des banlieues souffrant de précarité. Personne ne la remarque, ou du moins ne semble vouloir la remarquer, et de ce fait personne ne met jamais la main dessus pour la déterrer.
Le « beau Paris » n’est jamais montré au public. Comme pour les personnages du film, le spectateur reste constamment en marge, loin des autres, presque comme dans une réalité alternative. Cela permet de donner un aspect mystérieux au film, renforcé par l’enquête qu’effectuent les personnages, et la fin totalement loufoque.
Grand Paris est une réussite, une vraie petite pépite en marge de ce que le public est habitué à voir. Une comédie courte, mais efficace, qui touche de par son authenticité, ses personnages très attachants et surtout son humour déjanté et absurde.
À découvrir au cinéma dès le 29 mars 2023.
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