? Réalisateur : Johnny Ma

? Casting : Zhao Xiaoli, Gan Guidan, Yan Xihu

?Genre : Drame

? Sortie : 20 Novembre 2019

Synopsis : Zhao Li dirige une troupe d’opéra traditionnel Sichuan qui vit et joue ensemble dans la banlieue de Chengdu. Quand elle reçoit un avis de démolition pour son théâtre, Zhao Li le cache aux autres membres de la compagnie et décide de se battre pour trouver un nouveau lieu, où ils pourront tous continuer de vivre et chanter. S’engage alors une lutte pour la survie de leur art.

Après son flop financier avec son premier film Old Stone pourtant primé à Toronto, Vladivostok et Stockholm, Johnny Ma a dû accepter de travailler sur une série télévisée à partir d’un documentaire. Ce documentaire suivait la vie et les représentations d’une troupe d’opéra chinoise. C’est là que germe dans l’esprit de Johnny Ma cette envie de créer un film entier sur cette petite troupe. Il commença par se rendre sur place et vit que la situation de cette troupe s’était considérablement dégradée. Ces artistes se battaient pour leur survie, ce qui toucha énormément le réalisateur qui se mit à écrire. Scénario terminé, Johnny Ma demanda alors aux membres de la troupe de jouer leurs propres rôles, ce qu’ils accepta. Voici comment Vivre et Chanter est né.

La première chose qui me vient pour parler de ce film, c’est le fait que Johnny Ma filme bien l’ordinaire mais filme encore mieux l’extraordinaire. En effet, quelques rêves et visions sont présents durant le long-métrage et c’est ce qui est le plus marquant. Ces visions portent le spectateur dans un autre monde sans pour autant le perdre. On sait très bien pourquoi le personnage de Zhao Li a ce genre de visions et ce que ces visions signifient. Esthétiquement, ces visions troquent la lumière naturelle du métrage pour des couleurs beaucoup plus chaudes et marquées comme le rouge. En voyant ce niveau d’immersion lors des séquences de visions et de rêves, il semble naturel de souhaiter que Johnny Ma, dans le futur, réalise un film de genre, style de film pouvant matcher totalement avec son style de réalisation.

L’une des visions de Zhao Li
© Epicentre Films

Le long métrage aborde quelques sujets d’actualité comme l’actuelle préférence du divertissement à l’art. L’art proposé par la troupe semble vulnérable face aux tractopelles présents tout du long. Ces tractopelles sont représentés comme de gros monstres rasant tout sur leur passage, passage sur lequel se trouve l’opéra de Zhao Li. Peur d’autant plus présente qu’on voit qu’aucune échappatoire n’est possible au vu de l’âge moyen très élevé des clients récurrents et le refus de changer de type de spectacle de la part du personnage principal. Car, le refus de changement est quelque chose qui est aussi critiqué dans le film. Johnny Ma ne décide pas de choisir un camp et de le défendre coûte que coûte et nous présente Zhao Li, un personnage très loin d’être lisse. Toujours dans ce choix de ne pas évoluer et de rester sur ses positions, c’est elle qui refuse de moderniser ses spectacles et c’est aussi elle qui traite sa nièce de « pute » car elle porte une robe.

Ce film est aussi une critique de la Chine actuelle, qui au niveau des villes préfère les grands bâtiments aux maisons traditionnelles. On sent ce changement durant le long-métrage quand de la petite ville, on peut voir au loin peu à peu se rapprocher les grands immeubles entourés de grues, comme une épée de Damoclès qui peut s’abattre à tout moment sur nos héros. La peur est tout le temps présente tant on voit à l’écran des maisons se faire détruire. Johnny Ma a mis aussi beaucoup de lui-même dans ce film. Ce film raconte aussi sa vie d’artiste et des autres artistes, qui ont beaucoup de mal à tourner en Chine, dans un marché en pleine mutation qui représente un vrai danger pour l’intégrité narrative d’une œuvre. C’est d’ailleurs pour cette peur de la censure que le réalisateur fait tous ces montages hors de Chine.

La troupe de l’opéra de Sichuan
© Epicentre Films

Vivre et chanter n’est pas exempt de défaut et l’on pourrait noter une séquence en trop en toute fin de film, qui n’apporte rien de plus que la précédente. Peut-être que 10 minutes de moins au long-métrage auraient donné un peu plus de rythme aussi. Au niveau de la réalisation, rien n’est déplaisant à part quelques plans beaucoup trop proches des personnages pour qu’on ait cette sensation de troupe solidaire.

Note : 8 sur 10.

Johnny Ma nous livre une œuvre très personnelle où la crainte que l’art disparaisse est présente. Tourné quasiment comme un documentaire, avec des acteurs qui se connaissent déjà, le film sonne vrai. Des séquences de visions viennent parfaire un film déjà très bon.

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