C’est là un petit phénomène dont on parle actuellement dans le cinéma français : Toni en famille, le nouveau film d’un jeune réalisateur de 24 ans, Nathan Ambrosioni. Après avoir signé Les Drapeaux de Papier en 2018, avec Noémie Merlant et Guillaume Gouix, il dirige désormais Camille Cottin dans une superbe chronique familiale.
Antonia Livesi, dite Toni, élève seule ses cinq enfants. Poussée dans sa jeunesse par sa mère à devenir star de téléréalité, elle chante pour arrondir ses fins de mois. Ses enfants grandissent, et deux d’entre eux s’apprêtent à passer le bac. Comme rattrapée par le temps, Toni s’interroge sur sa vie faite de jours qui se ressemblent et prend la décision de se réorienter. Elle doit ainsi jongler entre sa réorientation et ses enfants.
au bord de la dérive
Le ton est donné dès la scène d’introduction, lorsque Toni part chercher ses enfants à l’école avec sa voiture familiale. Est dépeinte à l’écran une famille presque au bord de l’explosion, qui se dispute et manque d’ordre…non sans se permettre quelques instants de complicité ! Cela n’empêche pas d’apercevoir le plus gros problème de cette famille : un manque de communication enrobé d’un voile d’agressivité passive.
Tous les personnages deviennent néanmoins instantanément intéressants à suivre, tant entre eux règne une véritable synergie. Que ce soit par le jeu des acteurs que par les interactions entre chaque membre qui sonnent si justes, si vraies, l’on assiste à la vie quotidienne d’une famille unie. Le réalisme est là l’un des points forts du film.
l'ombre de kore-eda hirokazu
Bref, l’introduction donne un bel aperçu de ce qui attend le spectateur durant le film. À savoir, une chronique drôle, touchante et réaliste dans laquelle on suit avec grand plaisir (et au beau son doux-amer du piano ou de la guitare) les tribulations d’Antonia et de ses enfants. Il y a comme une ombre qui plane sur cette famille. Plus précisément, l’ombre d’une influence qui semble guider le film… celle du japonais Kore-eda Hirokazu. Le réalisateur derrière Une Affaire de famille (et bientôt Monster) s’est justement fait un nom sur des chroniques reposant sur la filiation. Il a également mainte fois parlé de la famille (qu’il interrogeait tout récemment dans Les Bonnes Étoiles). Avec ce film lumineux, Nathan Ambrosioni semble vouloir s’inscrire dans son héritage.
Une superbe réalisation participe au plaisir que l’on prend à suivre le quotidien de Toni qui souhaite enfin choisir la vie qu’elle veut mener. Sans prétention, cette réalisation est à la fois limpide, symbolique et d’une grande clarté. On pense à ce choix de souvent filmer chaque membre de la famille en solitaire (même lorsqu’il est entouré), dans un plan-poitrine. Un plan poitrine qui vient souligner un certain repli pudique sur soi. Un repli dans son univers, ses doutes et ses questionnements. Au risque de briser la communication et le lien, notamment présent lors d’une superbe scène dans la voiture familiale. Dans un superbe travelling circulaire, dans un beau moment d’union, les enfants Livesi chantent la chanson de Toni, datant de l’époque où elle brillait à la télévision.
Plus généralement, les moments d’union de la famille Livesi que le film montre sont particulièrement émouvants. C’est dans ces moments que l’humanité du film se dégage le plus. Il y réside une grande chaleur humaine, notamment durant une certaine scène devant la télévision après une épreuve de danse passée par l’aînée, Mathilde. Une scène si brève, mais si forte.
drôle et superbement interprété
Toni en famille aborde des sujets sérieux et même dramatiques. En plus de faire preuve de chaleur humaine, le film sait toujours faire preuve d’un humour parfois tordant (en n’hésitant pas à basculer légèrement dans le noir). On pourra néanmoins lui reprocher de gâcher certaines situations qui auraient dû rester profondément dramatiques. Tout l’humour passe avant tout par des silences gênants ou de belles réparties venant notamment de la part des enfants, le tout assuré par un certain jeu de montage. Ce dernier est d’ailleurs absolument réussi dans ce film. Plus généralement, on a l’impression que chaque plan dure et s’enchaîne pile comme il faut (grâce à d’excellents cuts, fondus enchaînés ou au noir).
Et enfin, revenons sur la superbe performance des acteurs. Léa Lopez (Mathilde), Thomas Gioria (Marcus), Louise Labèque (Camille), Oscar Pauleau (Timothée) et Juliane Lepoureau (Olivia) brillent tous dans le rôle des enfants Livesi, mais la performance de Camille Cottin est absolument ravageuse. Elle est tout simplement remarquable dans son rôle de mère courageuse qui fait ce qu’elle peut, qui souhaite voir ses enfants grandir, mais aussi prendre son envol. Une mère qui doit jongler entre des tonnes de préoccupations. Au point de négliger la santé de l’un de ses fils, dont l’impulsivité donne lieu à une sous-intrigue vraiment forte. Mention spéciale à Cottin pour son interprétation absolument glaçante et forte de la colère !
un film "palpable"
En clair, une réalisation réfléchie et fluide, des personnages forts qu’interprètent de superbes acteurs. Le résultat de ce mélange fait de Toni en famille un film que l’on pourrait qualifier de « palpable ». Que peut-on appeler un film « palpable » ? Un film d’une grande force émotionnelle. Déjà par son absence de tabou, sa volonté d’aborder frontalement des sujets sensibles. Cela sans jamais sombrer dans le ridicule ou le misérabilisme. C’est là une force de Toni en famille, aidée par une réalisation d’une grande limpidité. Mais surtout, Toni en famille est palpable par la passion qui a clairement guidé sa réalisation. Une passion à mettre en scène tous ces acteurs si crédibles. On pourrait réellement croire qu’ils se connaissent personnellement depuis toujours.
Cette comédie dramatique ne révolutionne pas le 7ème art, mais peu importe. Ce qui compte, c’est que l’on a affaire à un film à la mise en scène maîtrisée et aux personnages attachants qu’interprètent des acteurs brillants. Toni en famille est un film qui montre une famille prise dans une tempête. Tous les membres sont dans un même bateau qui tangue et ont le même objectif : parvenir au calme. Bilan du voyage ? Un film passionné et débordant d’amour à découvrir en salles.
Toni en famille est actuellement en salles depuis le 7 septembre.
Découvrez la bande-annonce :
