Souvenez-vous : il y a quelques jours, nous passions la fameuse barre des 500 J’aime sur Facebook. Pour fêter l’occasion, nous avions organisé un tirage au sort parmi les personnes de la page pour une « carte blanche », un article où l’un d’entre vous pourrait parler de ce qu’il souhaitait, concernant le cinéma bien sûr. Et l’heureux gagnant fut Thomas G., qui a choisi de nous parler aujourd’hui de l’un de ses derniers coups de coeur : The Revenant, d’Alejandro Gonzalez Innaritu.

Synopsis : Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.
Il va sans dire que depuis l’annonce du projet et surtout depuis la 1ère bande-annonce, des cinéphiles de tous bords attendaient avec impatience le nouveau film d’Alejandro González Iñárritu. A peine auréolé du succès de Birdman, multi-oscarisé, Alejandro était déjà plongé à corps perdu dans cette aventure épique, qui l’a envoyé jusqu’en Argentine, où lui et toute son équipe ont dû affronter des conditions météorologiques extrêmes, des retards de production… (selon les légendes de tournage, bien entendu). Cela n’ébranlait cependant pas la confiance du réalisateur en son projet, qui tenait à ce que chaque scène soit retournée jusqu’à qu’elle soit conforme à sa vision.

Si j’ai tenu à évoquer ce film au travers de la carte blanche qui m’a été accordée (et je remercie l’équipe de Ciné Maccro pour cela), c’est parce qu’il représente mon coup de cœur de cette année 2016 et à mon sens, avec Mad Max : Fury Road et Interstellar, l’un des meilleurs films de ces dernières années. Il mérite amplement à mon sens toutes les éloges qui lui ont été faites, et c’est pourquoi j’ai décidé de revenir sur ce qui fait pour moi de ce film un véritable chef-d’œuvre.

1) La mise en scène

On ne peut pas ne pas parler de la mise en scène d’Innaritu. Beaucoup l’ont qualifié de « grandiloquente », « tape-à-l’œil », voire « inutile ». Pour ma part, j’ai totalement été subjugué par cette mise en scène et lui reconnaît de grandes qualités. Le but d’Innaritu pourrait presque être de faire de « l’hyperréalisme », et c’est d’ailleurs ainsi que DiCaprio, acteur principal du film et sur lequel je reviendrais plus tard, qualifiait le film dans une interview.

Le réalisateur semble vouloir ancrer son film dans un environnement et une ambiance réalistes, mais il y a un je-ne-sais-quoi qui nous fait inconsciemment penser que ce que l’on voit est presque irréel. Ces plans longuement lancinants, ces plans-séquences d’exception, l’utilisation de la courte focale, tout ici est utilisé afin de retranscrire cet impression de « mystique », dirons-nous. La mise en scène se focalise beaucoup sur les émotions des personnages, les filmant souvent de très près afin de capter le plus d’émotions corporelles, le film étant en lui-même peu loquace.

Avec ce film, Alejandro pourrait s’être inspiré de Coppola ou Herzog, dans sa manière de s’investir dans son film pour faire ressortir le meilleur de ses décors, dans un désir clairement assumé d’impressionner les spectateurs avertis. Tout dans ce film retranscrit la démesure et le gigantisme des décors, de l’histoire…

D’aucun diront que cette mise en scène n’est que poudre aux yeux. Il est vrai que lorsqu’on n’est pas adepte d’un cinéma contemplatif, le film est assez compliqué à regarder ! D’ailleurs, la présence d’Emmanuel Lubezki, chef opérateur de Terence Malick, n’y est sûrement pas pour rien dans ce côté contemplatif. Mais comme je l’ai dit, il faut réussir à s’accrocher et à se prêter au jeu.

Cette contemplation donne donc au film un aspect très « épique-poétique », parfaitement assumé par Innaritu dont la grandiloquence des plans sait laisser place à des moments de contemplation plus posés.

En clair, pour moi, la mise en scène est une réussite. Parvenant parfaitement à alterner les moments de tension (comme la scène de la poursuite à cheval, meilleure scène du film ), nous mettant au plus près des personnages, et les moments plus posés et contemplatifs, elle nous immerge complètement, prouvant qu’ Iñárritu est un homme de mise en scène.

2) Les acteurs

Si le film est une réussite à mes yeux, c’est aussi en grande partie grâce à ses acteurs. En tout premier lieu, Leonardo DiCaprio. Sa performance est pour moi exceptionnelle, et son Oscar est totalement mérité. Il se glisse totalement dans son personnage, ce personnage en quête de vengeance (et de spiritualité) que l’on voit au fil du film devenir plus qu’un homme. Ce film représente pour moi un passage-clé dans la carrière de Leo. Il prouve qu’il peut faire plus que de dérouler un éventail d’émotions (même s’il le fait très bien. Ici, son travail est beaucoup plus dans la gestuelle et dans le regard. Et c’est, à mon avis, un défi qu’il a amplement relevé. Il tient admirablement le film à presque lui tout seul pendant 2h30. Il montre par là pour moi que le cinéma reste avant tout un art visuel, où les émotions doivent passer par l’image, et non pas (forcément) par les mots.

Si tout le monde a évoqué DiCaprio, il ne faut pas éluder Tom Hardy, car si le film tient aussi bien sur la longueur, c’est aussi grâce à l’antagoniste du personnage principal. Ce rôle de salopard lui va comme un gant (désolé Tom !), et en tant qu’ennemi, il tient lui aussi le film au travers des scènes qui lui sont accordées, et confirme son statut d’acteur bankable et doté d’un certain talent. Son accent à couper au couteau, sa gestuelle, on look, tout transcrit d’un désir de réalisme et d’immersion dans le personnage. Domnhall Gleeson, qui tient un rôle secondaire, fait lui aussi le job, et c’est un acteur dont la carrière est à suivre. Mais la surprise du film vient de Will Poulter, dans un rôle dans lequel je ne l’attendais pas, et qui est franchement très bon dans le rôle. Espérons que ce rôle va lui ouvrir des portes, car on voit qu’il ne manque pas de talent.

3) La photographie

La photographie de Lubezki (dit « Chivo ») est également très réussie, on sent l’influence de Malick dans cette manière de filmer et de retranscrire les paysages naturels. Ici, l’alchimie entre le réalisateur et son chef opérateur est une merveille, et accouche d’un film hybride, mélangeant comme je l’ai dit l’épique et le contemplatif. Les deux comparses ont travaillé main dans la main afin de rendre cette dimension « mystique » visible à l’écran, et cela marche parfaitement à mon sens. On sent un investissement réel dans l’image, la recherche du plan parfait, et le film tire en partie de là sa force.

4) Sa symbolique

Si le film est aussi réussi pour moi, c’est également par sa symbolique, qui traverse tout le film.

 La thématique religieuse est bien sûr extrêmement présente, de par le personnage de Glass, que l’on pourrait assimiler à Dieu. Revenu d’entre les morts (d’où le titre du film), tout le film traite de sa renaissance : c’est d’abord un animal, la gorge tranchée, incapable de parler et ne pouvant que pousser des sortes de grognements, il doit réapprendre à marcher, retrouver l’usage de la parole.. D’ailleurs, cette scène où il se prend à laisser tomber la neige sur sa langue, tel un enfant, répond de cette évolution. On peut également citer cette scène où il s’extrait d’un cadavre de cheval, comme une sorte de nouvelle renaissance. Mais au fil du film, il évolue jusqu’à devenir plus qu’un homme, et la mise en scène le prouve. Cette scène où la buée qu’il film embut la caméra pour ensuite montrer un plan sur de la brume, démontre par là qu’il est capable de contrôler les éléments, qu’il a appris à contrôler la nature. La mise en scène a donc un sens. Le dernier plan du film, qui le montre fixant la caméra, témoigne de cette évolution : il est l’égal de Dieu, et en brisant le 4ème mur, il sort du champ étroit de la caméra et pénètre dans notre monde (bien qu’une explication propre à l’histoire puisse aussi être faite). Même si Hugh Glass se refuse à être un Dieu, en témoigne cette scène où il se refuse d’être le juge et bourreau de John Fitzgerald.

Un petit mot sur la musique, composée par Bryce Dessner, Carsten Nicolai et Ryūichi Sakamoto, qui est pour moi de très bonne facture, notamment le thème principal. Elle retranscrit à la fois la poésie de l’image, la tension des scènes et la majesté des plans. 

Cette thématique étant pour moi la principale et la plus évidente, libre à vous de voir quels thèmes vous pensez voir le film aborder.

5) La musique

Il est certain que beaucoup de personnes n’ont pas apprécié le film. Mélangeant beaucoup de symbolique et répondant du jusqu’au boutisme de son réalisateur, le film se rend par là extrêmement hermétique à une partie du public, pas forcément habitué ou pas forcément friand de ce genre d’œuvre. Mais actuellement, dans le système hollywoodien, combien de films ressemblent à The Revenant ? Combien de films vous proposent une expérience cinématographique aussi intense et viscérale ? Combien de films peuvent à ce point vous plonger dans une expérience sensorielle aussi épique et puissante ?

The Revenant est un OVNI dans le paysage hollywoodien actuel, et il ne plait et plaira pas à tout le monde, c’est certain. Je sais bien sûr lui accepter certains défauts qu’on, lui impute, mais il est indéniable que ce film reste une expérience à vivre, car ce genre de films, on n’en fait quasiment plus aujourd’hui. Des œuvres aussi marquées par la patte du réalisateur, poussant jusqu’au bout son projet et ses idées, allant jusqu’au bout du monde afin de concrétiser son rêve, peu le font aujourd’hui.

Si The Revenant est pour certain sur-estimé, il reste pour moi un chef d’œuvre, un survival viscéral et entraînant, une expérience que peu de films pourront vous donner. Même si vous ne l’avez pas aimé, il reste un film à voir.                                                                                                            

Et bien sûr, ceci n’est que mon avis subjectif, je ne place pas ça comme une vérité indéniable, et je suis ouvert au débat 😉

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