? Réalisateur : Lars von Trier (Antichrist)

? Casting : Matt Dillon (NIMIC), Bruno Ganz (Une Vie Cachée), Uma Thurman (Kill Bill)

? Genre : Horreur

? Sortie : 17 octobre 2018

Synopsis : États-Unis, années 70.
Nous suivons le très brillant Jack à travers cinq incidents et découvrons les meurtres qui vont marquer son parcours de tueur en série. L’histoire est vécue du point de vue de Jack. Il considère chaque meurtre comme une œuvre d’art en soi. Alors que l’ultime et inévitable intervention de la police ne cesse de se rapprocher (ce qui exaspère Jack et lui met la pression) il décide – contrairement à toute logique – de prendre de plus en plus de risques. Tout au long du film, nous découvrons les descriptions de Jack sur sa situation personnelle, ses problèmes et ses pensées à travers sa conversation avec un inconnu, Verge. Un mélange grotesque de sophismes, d’apitoiement presque enfantin sur soi et d’explications détaillées sur les manœuvres dangereuses et difficiles de Jack.

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Jack à Simple

Lars von Trier est connu pour offrir un cinéma de la réflexion et du dérangement, dans un naturalisme et un réalisme souvent saisissants, parfois controversés ou encore détestés. Ce qui est certain, c’est que ce réalisateur de l’horreur et des drames psychologiques ne laisse pas indifférent, preuve de son impact dans le monde cinématographique.

Matt Dillon

En 2018, il décide de revenir dans les salles obscures avec The House That Jack Built, une œuvre clivante mais acclamée dans Les Cahiers du cinéma avec sa huitième place des meilleurs films de l’année. Ce thriller trace le parcours d’un serial killer du nom de Jack – de son premier à son dernier meurtre –, au travers de plusieurs chapitres importants, commentés par lui-même et par un individu mystérieux et moralisateur.

Son titre The House That Jack Built fait écho à une comptine pour enfants qu’on retrouve notamment dans son premier film Element of Crime en 1984. Les inspirations et les références artistiques et culturelles ne vont alors plus jamais s’arrêter au détriment de l’œuvre en elle-même, allant de l’autocitation triomphaliste à la copie décomplexée d’autrui.

La foire aux oeuvres

Avec ce film, Lars von Trier semble vouloir prouver une légitimité à son art, à ses films et à sa place dans le cinéma. Ainsi, tout son film se construit autour de symboles culturels qu’il reproduit à l’identique – tel que le tableau de La Barque de Dante d’Eugène Delacroix –, qu’il propose directement dans sa narration – tel que le concerto de Glenn Goulde –, auquel il fait référence – tel que le clip vidéo Subterranean Homesick Blues de Bob Dylan –. S’amassent alors des clins d’œil et des hommages plus ou moins subtils qui n’apportent pas grand-chose à la narration en elle-même, tentant de justifier la création de ce film et son existence au sein du 7ème art.

Il est certain qu’avec The House That Jack Built, Lars von Trier a beaucoup trop « pompé » l’Art déjà existant pour permettre à son film d’avoir sa propre identité artistique et ainsi, au lieu de créer une nouvelle œuvre légitime, il s’appuie sur celles déjà revendiquées. Ce besoin de prouver quelque chose, de montrer ses capacités à invoquer la culture et l’Art dans son film n’est donc pas en la faveur de ce long-métrage dont finalement on retient plus les références artistiques que la trame narrative et les visuels intrinsèques à The House That Jack Built.

The House That Jack Built
Les réflexions propres à von Trier

Si ce long-métrage se perd dans ses références, ce n’est pas pour autant que le fond et les réflexions mis en scène ne sont pas intéressants et même complexes. Lars von Trier est autant un adepte de l’interrogation existentielle, qu’il n’aime déranger par l’extrémisme de ses pensées. Sa filmographie, incluant donc The House That Jack Built, s’adresse à un public averti – de par la violence de certaines actions – mais également ayant une ouverture d’esprit et d’analyse afin d’apprécier, au-delà des travers visuels, les attentes et les concepts exprimés dans ces films. C’est sans doute l’une des principales raisons qui font du cinéma de ce réalisateur, un cinéma qui divise, un cinéma de l’incompréhension voire de l’absurde.

Pourtant, The House That Jack Built remplit parfaitement son rôle de thriller psychologique et déroutant tout en gardant l’identité réflective de Lars von Trier. Au travers de Jack, c’est toute une société que ce metteur en scène interroge, avec des valeurs et des idéologies actuelles pouvant aller jusqu’à la philosophie. Ainsi, ce film réussit à aborder des sujets complexes tels que la place de la femme vis-à-vis de l’homme, les religions, la misogynie, la question humaine et l’importance de son existence ou encore le bien et le mal et son côté moralisateur. The House That Jack Built est un film long à digérer mais qui se bonifie au fil des années : tant d’approches et de questionnements qui se développent dans l’esprit du spectateur permettant ainsi de faire évoluer le film avec le temps et de marquer un peu plus les esprits, au-delà du choc visuel.

The House That Jack Built
Une froideur générale

Jack incarne alors le personnage emblématique des films de Lars von Trier, à la fois problématique et moralisateur, ce qui le rend très intéressant mais anéantit toute empathie. Ainsi, la réception de ce film est déconcertante dans sa froideur et son rythme. Si le schéma narratif en épisodes est intriguant, il ne permet pas de créer de la profondeur aux personnages – ou background – et encore moins de s’y attacher, de par la courte durée des séquences. The House That Jack Built patauge donc maladroitement pour créer de l’émotion envers les personnages, faisant des spectateurs de simples voyeurs.

L’immersion et l’implication émotionnelles étant compliquées, les enjeux et les tensions s’amenuisent entrainant une chute de la peur et des sensations. En d’autres termes, ce film peut laisser un grand nombre de spectateurs sur le bord de la route, en perdre en chemin et finalement ne pas conclure à l’horreur humaine tant attendue de par cette violence de marbre et ce manque d’humanisation et d’identité accordé aux personnages.

The House That Jack Built
Une maison finalement bancale

Lars von Trier offre avec The House That Jack Built, ses réflexions singulières et son réalisme visuel tortueux et symbolique, mais dont justement, les nombreux symboles, défilant tout au long du récit tel un catalogue IKEA sur l’Art, enterrent le film au lieu de le célébrer. Ce long-métrage s’accroche alors à d’autres œuvres pour exister, au détriment de sa propre trame narrative et du développement potentiel de ses personnages.

Divisant autant que fascinant, The House That Jack Built est un appel au secours de la part d’un réalisateur à la recherche incontestable d’une reconnaissance de ses pairs voulant montrer « qu’il sait faire de l’Art » à un tel point qu’il le reproduit. Ce film semble également faire office d’ultime œuvre puisque Lars von Trier y tire son propre portrait fatigué, détesté, incompris et controversé au travers du personnage de Jack. Malheureusement, tout comme Jack, le film/la maison parfait.e ne se fera pas.

Nobody wants to help!

Jack

Note

6/10

The House That Jack Built se concentre sur ses nombreuses références artistiques plus que sur le développement de sa propre trame. Lars von Trier partage toutefois ses symboliques et réflexions mais celles-ci peinent à s’implanter. Cette maison s’écroule malheureusement comme un château de cartes.

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