The Haunting Of Hill House
© Netflix
Steve Dietl/Netflix

? Réalisateur : Mike Flanagan (Doctor Sleep)

? Casting : Michiel Huisman (The Last Right), Victoria Pedretti (Once Upon A Time … in Hollywood), Oliver Jackson-Cohen (Invisible Man), Elizabeth Reaser (Ouija: origin of Evil), Kate Siegel (Hush), Carla Gugino (Jessie), Henry Thomas (E.T the Extra- Terrestrial), Timothy Hutton (Beautiful Boy)

? Genre : Horreur / Drame

? Sortie : 12 octobre 2018 (Netflix)

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Synopsis : Plusieurs frères et sœurs qui, enfants, ont grandi dans la demeure qui allait devenir la maison hantée la plus célèbre des États-Unis sont contraints de se retrouver pour faire face à cette tragédie ensemble. La famille doit enfin affronter les fantômes de son passé, dont certains sont encore bien présents dans leurs esprits alors que d’autres continuent de traquer Hill House.

I’ve seen a lot of ghosts. Just not the way you think.

Steven

Provoquer la peur est un procédé que l’on retrouve très tôt dans l’histoire des arts, si ce n’est depuis la nuit des temps. Le théâtre, la danse, la peinture, la sculpture, la littérature, la musique… la peur connait une place importante dans le monde artistique et le 7ème Art l’a incluse dès ses débuts en 1896 avec Le Manoir du diable de Georges Méliès. N’ayant de cesse de progresser en inventivité et en technique, les films horrifiques ont envahi les salles de cinéma et les séries ont élu domicile directement chez les spectateurs. Accueillir la peur chez soi, c’était le défi de la nouvelle série de Mike Flanagan The Haunting Of Hill House, dont nous vous invitons à y plonger – à vos risques et périls – au travers d’un article en deux parties.

The Haunting Of Hill House
© Steve Dietl/Netflix
Le réalisateur

Mike Flanagan est un réalisateur dont la peur fait partie intégrante de sa filmographie et le film d’épouvante/horreur son genre de prédilection. Dès 2003, il aborde ce genre avec Mike Ghosts Of Hamilton Street et n’en changera plus. Ses films tournés autour de l’horrifique mais également de la psychologie, de la psychiatrie et de tous ses troubles, créent ainsi des ambiances malsaines. Tout le travail de la peur qu’il engendre dans ses films, réside autour de l’atmosphère donnée aux lieux et à l’environnement subjectivement effrayant. C’est une identité́ cinématographique qu’on retrouve dans Hush (2016), racontant l’histoire d’une écrivaine sourde et muette séquestrée chez elle par un tueur. S’étant fait un nom dans le cinéma horrifique, il se tourne vers Netflix pour plusieurs longs-métrages mêlant épouvante et psychologie. C’est dans cette veine qu’il réalise The Haunting Of Hill House, en 2018, véritable apogée dans sa carrière qui met en scène le talent du réalisateur dans sa manière de traiter la peur, l’angoisse et la terreur.

To learn what we fear is to learn who we are. Horror defies our boundaries and illuminates our souls.

Shirley
L’oeuvre

The Haunting Of Hill House est l’adaptation sérielle (très libre) du roman éponyme gothique de Shirley Jackson paru en 1959. Ainsi dans la série, on retrouve les personnages du roman tels que Theodora, Luke et Eleanor mais ils n’ont plus les mêmes rôles et sont accompagnés d’autres personnages, dans une nouvelle intrigue. En effet, The Haunting Of Hill Housereprend l’intrigue de la maison hantée et quelques personnages mais Mike Flanagan construit sa propre histoire à partir de l’atmosphère décrite dans le livre de Shirley Jackson. Cette adaptation libre présente alors le couple Hugh et Olivia Crain ainsi que leurs cinq enfants Shirley, Steven, Theodora, Luke et Eleanor. Cette série revient sur l’histoire de cette famille et de leur maison durant l’été 1992 mais également sur leur vie présente, qui les conduit à se réunir suite à un évènement tragique et ainsi, à refaire face à la maison de leur enfance et à ses phénomènes troublants, 26 ans après leur départ impromptu.

Composée de dix épisodes, The Haunting Of Hill House traite le sujet de la famille dans une atmosphère singulière et présente les personnages individuellement, avec leur propre arc narratif au fur et à mesure du déroulé des épisodes. Cependant, un lien commun, une énergie commune à chacun les ramène et ainsi l’intrigue avec, vers un seul et même endroit, qui sera le lieu final de la série (tout comme il a été le lieu de départ) : le manoir des Hills. Cette maison se transforme ainsi en véritable personnage central et plaque tournante de la série.

The Haunting Of Hill House
Michiel Huisman, Oliver Jackson-Cohen, Elizabeth Reaser, Kate Siegel, Timothy Hutton
© Steve Dietl/Netflix

The Haunting Of Hill House est considérée comme une série d’épouvante et il est possible d’analyser ses capacités horrifiques à travers différents points : son intrigue, son esthétique et ses procédés de réalisation ou encore sa réception auprès du public. Ainsi, plusieurs aspects entrent en jeu pour faire de cette série Netflix, une série d’effroi qui n’a rien à envier au cinéma d’horreur. Pour cet article, nous allons nous intéresser à l’esthétique et aux procédés de réalisation choisis par Mike Flanagan.

Elizabeth Reaser
The Haunting Of Hill House
© Steve Dietl/Netflix
Le gothique

La notion de gothique provient des romans du XVIIIème siècle et d’auteurs voulant s’opposer aux Lumières et à leur façon de penser visant à un monde sans mystère et donc sans peur. Prenant conscience qu’un monde sans peur n’est pas réaliste, les romanciers gothiques ont voulu instaurer de nouveau la peur dans le monde. Le genre gothique connait un réel esthétisme dit « d’ambiance » que l’on retrouve parfaitement dans The Haunting Of Hill House et qui permet d’amorcer la peur par le biais d’une atmosphère inquiétante.

Voulant rendre sa gloire aux manoirs baroques, demeures médiévales et à leur histoire passée, il n’est pas rare que les intrigues gothiques se retrouvent dans ces lieux et bien que cette inspiration dans la série vienne directement du livre gothique de Shirley Jackson, Mike Flanagan a décidé de garder cette ambiance du passé et ces empreintes du temps dans l’esthétisme générale de The Haunting Of Hill House, et ce dès la première séquence.

En effet, la scène d’ouverture de la série sert à planter le décor, l’atmosphère voulue et annonce directement la direction gothique et d’épouvante que s’apprête à prendre l’épisode. La séquence commence par un travelling vertical descendant du ciel jusqu’à la maison des Hills. Par ce mouvement, le réalisateur indique que le ciel tombe sur le manoir, que les ténèbres s’abattent sur la demeure. Ces premières images jettent un froid et annonce la couleur.

L’esthétique gothique ne se définit pas par son désir direct de faire peur mais par l’agrémentation de l’inquiétante étrangeté et de la sensation d’insécurité, souvent associée au fantastique. Ce sont dans ces romans qu’apparaissent pour la première fois les fantômes, les esprits et le surnaturel qui influencent encore aujourd’hui le monde de l’épouvante et qui animent toujours la peur chez les spectateurs. Il s’agit également d’immerger inconfortablement le spectateur pour amorcer la peur en lui, sans avoir montrer explicitement des éléments horrifiques. Ainsi, dans The Haunting Of Hill House, cette esthétique se traduit par des couleurs toujours froides (gris, bleu, noir, vert) qui permettent notamment de faire le lien entre le passé et le présent comme dans l’épisode Two Storms qui alterne deux époques aux esthétiques similaires et glaçantes.

On retrouve également des éléments forts de l’ambiance gothique et récurrents dans la série, tels que le brouillard ou la brume, le cimetière en bordure de demeure, des vitraux typiquement d’architecture gothique, des statues, la forêt épaisse avec des arbres sans feuilles, la luminosité froide ou d’ambiance et la présence constante de la nuit…

Tous ces éléments participent à l’aménagement de l’ambiance mais les mouvements de caméras sont également importants. En effet, la lenteur et la longueur des plans, notamment dans la première séquence de l’épisode Steven Sees A Ghost, impactent sur la lourdeur voulue dans l’atmosphère générale.

Ces choix esthétiques vont alors se retrouver tout au long des épisodes, même dans le présent – éloigné donc de la demeure des Hills purement gothique – marquant la volonté certaine de Mike Flanagan à instaurer l’esthétique gothique dans son œuvre intégrale.

Imagine the worst thing possible, assume it’s true, and go from there.

Theodora
Une série aux codes classiques

Le film d’horreur (et donc la série par extension) est un genre connu depuis le début du XXème siècle et bien que son esthétisme et les manières d’amener la peur se soient diversifiés, on note dans tout film d’horreur ou série d’épouvante des « codes » et des « classiques » de l’horrifique qui reviennent. The Haunting Of Hill House ne fait pas exception à cette règle et compte de nombreuses approches « classiques » de la peur et de sa manière de la provoquer chez le spectateur. Il est d’ailleurs assez amusant de noter, en termes de classicisme d’épouvante, que l’intrigue finale – s’étalant sur les trois derniers épisodes – où tout bascule véritablement dans les ténèbres et le fantastique, se passe en plein orage durant le jour le plus effrayant de l’année, qui n’est autre que le jour d’Halloween.

Le schéma narratif de cette série n’est pas sans rappeler celui d’un autre film d’un certain Stanley Kubrick : The Shining. En effet, il est assez simple de voir les parallèles entre la famille Torrance et la famille Crain. Tout d’abord, il s’agit d’une demeure isolée, l’une dans les montagnes, l’autre sur une colline qui accueille une famille pendant une courte période. En plus d’être isolée, l’endroit est quasiment vide, sans beaucoup de visiteurs et avec un grand extérieur plutôt inquiétant. Les similitudes s’accumulent lorsqu’on se rend compte que dans les deux œuvres cinématographiques, il est question de la folie qui touche l’un des membres, le poussant à vouloir tuer le reste de sa famille. On ne comprend d’ailleurs pas s’il s’agit d’une névrose psychologique ou de la manipulation d’une puissance supérieure voire de la maison elle-même.

Cette ressemblance scénaristique se confirme alors grâce au générique de la série The Haunting Of Hill House. On remarque que le manoir des Hills, dans le dernier plan se transforme en véritable labyrinthe qui n’est pas sans rappeler celui emblématique de The Shining.

Référence au cinéma japonais

Dans le cinéma d’horreur classique japonais, on retrouve une figure emblématique de « femme fantôme » comme dans The Grudge de Takashi Shimizu ou Ring de Hideo Nakata dont les apparitions sont toujours glaçantes du fait de son visage caché par ses longs cheveux noirs. Ce personnage prend place dans The Haunting Of Hill House sous les traits de « la dame au cou tordu » et comme dans les films d’horreurs japonais, elle provoque la peur instantanément, que ce soit par ses mouvements « d’araignée » et soudain comme dans l’épisode Eulogy ou par sa présence inquiétante et pesante comme dans l’épisode Steven Sees A Ghost, dans l’une des premières scènes terrifiantes de la série.

Véritable apparition morbide au-dessus de Nell, allongée sur le canapé, elle marque le degré de peur que la série veut atteindre. Grâce à un plan très serré sur le visage de la petite fille, le cadre est oppressant, au plus près de ses expressions et on comprend qu’elle se met à paniquer devant ce qu’elle seule voit. Elle fait face au spectateur comme elle fait face à ce qui la terrorise, les yeux pleins de terreur et cette terreur envahit alors le spectateur. Jouant sur le stress avec l’intensification sonore de la respiration de la petite et en bruit de fond le tic-tac de l’horloge, la peur s’installe jusqu’à ce retournement de plan, lent, n’offrant pas beaucoup de visibilité et de recul au spectateur qui subit, tout comme l’enfant, la révélation de l’être horrifique : une femme suspendue à un mètre du canapé, les cheveux noirs tombant sur son visage. Le rythme cardiaque en prend un coup, ainsi que la montée d’adrénaline voulue dans la catharsis. Il s’agit bel et bien du premier avènement de la peur dans la série utilisant une figure classique du film d’horreur mais dans une représentation plutôt innovante.

Figure classique du cinéma d’horreur

On retrouve également dans la série une figure emblématique des films d’horreur et ce dès le début de sa création en 1920 : le géant. En effet, le gigantisme provoque un sentiment d’insécurité, sans protection qui engendre ensuite une peur certaine. Mike Flanagan renforce ce sentiment de fragilité puisque ce géant touche pour la première fois Luke enfant, le frère jumeau de Nell, paraissant encore plus vulnérable qu’un adulte dans l’épisode The Twin Thing. Ce sentiment de dominance s’accentue par le cadrage, au ras du sol lorsque Luke se cache sous le lit, obstrué de moitié. Ainsi, grâce à une caméra totalement subjective, la main se tendant avec de longs doigts parait gigantesque et pouvant sortir de l’écran pour happer le spectateur.

Cette figure du géant suivra Luke dans sa vie d’adulte, ayant grandi, Mike Flanagan jouera sur sa présence massive pour plomber l’ambiance.

Les procédés de réalisation classiques : ombres et lumières

Outre des références à certains classiques du genre, The Haunting Of Hill House s’appuie également sur des procédés déjà connus dans la provocation de la peur chez le spectateur. En effet, on retrouve l’utilisation des ombres et silhouettes figées fixant le personnage pendant quelques secondes qui semblent pourtant des minutes pour le spectateur du fait de l’oppression et de la crainte qu’il ressent, comme dans l’épisode The Bent-Neck Lady où la « dame au coup tordu » observe Nell enfant mais également adulte, au pied de son lit.

On note également une utilisation de la lumière et du noir pour structurer la pièce et permettre d’y cacher des fantômes comme dans l’épisode Steven Sees A Ghost et le plan où Nell, enfant, dort dans son lit, dos au noir total. Mais lentement, d’abord sous la forme d’une silhouette floue, s’avance la « dame au cou tordu », prête à… On ne le sait pas puisqu’un cut franc laisse le spectateur sous tension. Et il ne s’agit que des premières minutes.

Les procédés de réalisation classiques : son et jumpscare

Dans la création de la peur au cinéma, le son a une place importante et The Haunting Of Hill House reprend les codes classiques de son utilisation tels que les longs silences, les grincements non localisables, ou encore les bruits forts et secs qui surprennent le spectateur, notamment dans le dernier épisode Silence Lay Steadily où il marque bien un rythme brusque et oppressant, alimentant le sentiment de peur déjà présent. Dans cet épisode, sans être un grand adepte des jumpscares (cette accentuation du son jointe à une apparition ou un phénomène), Mike Flanagan a su les manier avec brio pour qu’ils se confondent avec les « coups » musicaux déjà présents, réussissant à surprendre le spectateur, déjà sous tension. Mais son utilisation la plus marquante reste celle dans l’épisode Witness Mark où Shirley et Theodora sont en voiture et que surgit le fantôme de Nell entre les deux sœurs. Ce jumpscare provoque le summum de la peur chez le spectateur puisqu’à aucun moment l’ambiance ne pouvait le laisser pressentir, ainsi, le spectateur est agressé directement.

Pour mieux comprendre ce traitement classique de la peur dans la série The Haunting Of Hill House, l’analyse d’une séquence est l’illustration la plus complète, plus particulièrement celle du monte-plat…

Mais ça, c’est dans la seconde partie – avec encore d’autres axes d’étude autour de cette série horrifique -, juste ici !


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