? Réalisateur: Jon Watts
? Casting: Tom Holland, Zendaya, Benedict Cumberbatch
? Genre: Aventure, fantastique
? Sortie: 15 décembre 2021
Synopsis: Pour la première fois dans son histoire cinématographique, Spider-Man, le héros sympa du quartier est démasqué et ne peut désormais plus séparer sa vie normale de ses lourdes responsabilités de super-héros. Quand il demande de l’aide à Doctor Strange, les enjeux deviennent encore plus dangereux, le forçant à découvrir ce qu’être Spider-Man signifie véritablement.
Il est temps de vous dévoiler l’une des critiques que j’ai eu le plus de mal à écrire. Non pas que je sois en manque d’inspiration mais qu’au contraire il y a beaucoup de choses à dire et que le travail de synthétisation n’a jamais été mon fort ! Avant de plonger dans ce pamphlet passionné et destructeur, il faut savoir que je suis depuis mon enfance un grand fan de Marvel mais que j’étudie en même temps le cinéma, je me suis donc aperçu que les deux ne vont guère bien ensemble. Ayant écrit sur les deux opus précédents, je suis allé voir deux fois « Spider-Man: No Way Home » afin de compléter cette critique d’un certain recul qui me manquait lors du premier visionnage.
Commençons par ce qui est, pour moi, le plus gros point noir de ce film, gâchant presque complètement le potentiel de son contenu. Je veux évidemment parler de sa mise en scène et donc de ma colère de retrouver Jon Watts derrière la caméra. Certes, je supportais son travail sur les deux premiers épisodes car le ton était léger et les enjeux jamais bien élevés mais ici, l’ambition folle du scénario change la donne. Marvel introduit le concept du Multivers et contre toute attente niveau image, l’absence d’ambition visuelle plombe le film. Les combats se passent une nouvelle fois dans des lieux plats et insipides (comme des autoroutes) tandis que la bataille finale ne met jamais en valeur le décor emblématique qui l’habite. Le tout étant filmé de manière confuse, dans le noir puisque c’est la nuit mais très mal éclairé. Les chorégraphies en deviennent presque illisibles et ce, depuis le début du long-métrage. Le montage accélère le rythme pour justement cacher les fragilités du scénario et les effets spéciaux n’arrangent rien, donnant envie de fermer les yeux pour aller se réfugier dans la première trilogie de Sam Raimi, qui contenait de bien meilleures scènes d’action. Même les évènements épiques et exceptionnels de la dernière partie du film ne sont pas mis en avant, la cause à l’absence quasi-totale de plans iconiques. Et pourtant, il y avait de quoi faire… En ressort une frustration intense et totale, celle d’avoir cru à quelque chose d’inoubliable. Avoir la flemme de créer un bijou cinématographique avec tant de matière émotionnelle et symbolique, c’est quand même un comble… On retiendra toutefois une courte séquence dans le monde-miroir laissant enfin émerger un minimum d’ambition visuelle.
Passons désormais à l’analyse du scénario, et oui il y a des bonnes idées malheureusement jamais exploitées totalement. L’aspect novateur d’un super-héros filmé par toutes les caméras du monde et poursuivi par la justice est complètement survolé puis laissé à l’abandon. Les débuts d’enjeux de Ned et MJ handicapés pour leur futur universitaire à cause de leur complicité avec Spider-man arrivent à émouvoir mais gagneraient à être accentués.
Plus qu’une omniprésence, le Fan-Service devient ici un outil de narration. Tout le long-métrage semble avoir été écrit pour plaire et exalter, adaptant une histoire de comics idéale et depuis longtemps fantasmée. Les raccourcis scénaristiques modulent le récit, que ce soit la détention/disparition forcée de Doctor Strange que le soudain « talent » de Ned. La mythologie de l’homme araignée est bafouée, de même que la crédibilité de ses anciens méchants sans cesse démontée (casque brisé du bouffon vert, moquerie sur Octopus), extirpant les derniers espoirs de retrouver des antagonistes aussi nuancés qu’à la grande époque. En ressort un manque cruel de cohérence entre les différentes trilogies, incompatibles dans leur ton, et donc de l’idée même de ce film, sorte de réunion nostalgique où l’on a encore plus conscience du fossé dans lequel Marvel s’enfonce. Les rebondissements , artificiels au possible, sont présentés sur un plateau au spectateur, lui épargnant ainsi toute forme de réflexivité et de satisfaction.
Ce qui sauve le film, c’est le parcours initiatique de son héros, que l’on a suivi durant plus de trois films ainsi que quelques apparitions, et qui trouve ici son point culminant. L’évolution est plus qu’apparente, la maturité est là, et étonnamment, ça émeut. Alors que l’on pouvait craindre que Tom Holland se ferait bouffer par ce trop-plein de figures emblématiques dans un même film, il en reste bien le maître, livrant même sa meilleure prestation. Ses relations avec sa tante May ou avec MJ sonnent justes et offrent des séquences sincères, intimes et poignantes. Le dilemme final du personnage le fera atteindre son apogée en mêlant habilement origin-story super-héroïque et le fameux passage à l’âge adulte, but de tout teen-movie qui se respecte.
Ainsi, étant allé voir Spider-man No Way Home en salle dès le premier soir de sa sortie, je me souviens de la position profondément inconfortable dans laquelle j‘étais. Arrivé avec plein d’espoirs, je voyais le récit s’effondrer, le décalage entre les cris de joie des fans convaincus et de mes désillusions résonnent encore en moi des mois après. Il est vrai que lors du deuxième visionnage et du recul qu’il me manquait, j’ai commencé à accepter dangereusement les défauts en me laissant entourer des bras de la nostalgie. Cela fait du bien de retrouver de vieux amis, et le capital sympathie du film m’oblige à mettre la moyenne à ce Marvel si adulé. Pourtant, une phrase gimmick de la grande et talentueuse MJ (Zendaya) me ramène à la réalité et me confirme qu’il y a définitivement quelque chose qui cloche dans l’approche de ces récents films Marvel : « Si vous vous attendez à une déception, vous ne pourrez jamais vraiment être déçu… ».
Note
5/10