Il nous vient tout droit du dernier Festival de Gerardmer, il est produit par Dario Argento le maître du giallo, et c’est le premier long-métrage de sa réalisatrice Charlotte Colbert. She Will, nous fera-t-il le plaisir d’être une jolie première bonne démonstration dans le cinéma fantastique/psychologique ?

Pas plus de questions à se poser, il faut y aller ! Le film possède ce que beaucoup d’autres n’ont pas pour réussir à être un minimum correct. Une photographie léchée aux couleurs brumeuses, un sens du cadrage plaisant, un environnement inquiétant et un scénario avec plusieurs sens de lectures. Bref, il y a vraiment de quoi faire ! C’est un premier long métrage, mais Charlotte Colbert fait déjà sensation, on sent les influences (les plus récentes, comme les plus anciennes), mais c’est revisité d’une telle manière que s’en est fascinant. Elle mord à pleines dents dans cet aspect du cinéma susceptible de mettre en difficulté et signe un premier essai plus que convaincant.

Le film est axé sur Veronica Ghent (Alice Krige), une ancienne vedette de cinéma aujourd’hui en convalescence après une lourde opération qui se rend dans une maison de repos en pleine campagne, en compagnie de Desi (Kota Eberhardt) une jeune femme androgyne qui lui est dévouée. Sur place, corps et esprit entreront en contact avec la nature, lui octroyant certains pouvoirs.

Alice Krige se prête corps et âme à son personnage

C’est précisément à travers ce terrain spirituel que la metteuse en scène va apporter une nouvelle vision des « films de sorcières« , en dressant un commentaire trash sur la condition des femmes au cinéma. On se souvient de l’impressionnant The Witch de Robert Eggers d’une autre veine. She Will se nourrit d’actualités et légendes pour apporter un regard novateur et fantastique à tout ce qui se fait habituellement. Charlotte Colbert est allée chercher parmi des valeurs sûres pour orienter sa vision, on peut noter du Kubrick dans quelques plans du début qui s’inspirent de l’ouverture de Shining, et lors d’une scène avec Malcom McDowell en pleine hallucination assis à un comptoir rappelant Jack Nicholson dans une scène similaire. En dehors de Kubrick, du Paco Plaza peut être vu, Colbert explore l’esprit libéré d’une femme corporellement vulnérable, et Plaza a dernièrement proposé Abuela qui est dans le même esprit avec une dimension bien plus surnaturelle, She Will se veut plus communicative et fantastique en allant chercher dans les réminiscences et les sens d’une nature profanée par des actes macabres. L’environnement est en pleine harmonie avec ce que veut nous raconter la réalisatrice qui justement se ravie d’avoir trouvé des décors aussi adéquats et il faut dire que le travail de Jamie Ramsay sur la photographie n’est en reste. Toutes les séquences en forêt paraissent tout droit sorties de l’univers du Projet Blair Witch et de quelques séquences du glaçant Goodnight Mommy de Veronika Franz et Severin Fiala qui était une expérience psychologique très intense.

En marge nous faisons connaissance avec une communauté pour la moins ambiguë dans laquelle Veronica va essayer de se faire une place sans grand succès, à sa tête Rupert Everett qu’on devine tout de suite endoctriné et ouvert à des ondes spirituelles. Il est intéressant de voir que Charlotte Colbert essaie tout de suite de placer cette communauté sectaire comme des parasites, elle va d’ailleurs renforcer cette aspect là avec un montage choral assemblant réalité et esprit, pour nous perdre dans les abysses d’une symbiose entre le corps et une nature possédée. Une union visuellement impressionnante aidée par la performance de Alice Krige qu’il est primordial de souligner. Par ailleurs la réalisatrice ne va pas se gêner pour glisser une sorte de vengeance féministe lors d’une séquence nocturne où Veronica use de « ses pouvoirs » pour sauver Desi d’un primate masculin qui l’avait droguée un peu plus tôt. Que ce soit avec le personnage de Hathbourne (Malcom McDowell) cible d’accusations concernant un comportement dit obscène à l’encontre de Veronica, ou celui de Desi, Charlotte Colbert ne se prive pas pour remuer le couteau dans la plaie sur les affaires houleuses qui font partie de l’actualité hollywoodienne.

She Will impressionne, déstabilise, questionne, ose le grand saut dans les ténèbres d’un cinéma un peu perdu, avec une relecture corsée sur les films de sorcières et tout ce qui tourne autour du mystique de la sorcellerie et des légendes urbaines. En voilà un qui n’essaie pas d’imiter, ni d’égaler les vieux giallo (même si on pense forcément à eux et notamment à La Trilogie des Trois Mères), preuve que Dario Argento n’est pas qu’un nom sur l’affiche pour vendre, mais plutôt une influence notable qui passe le relais. Un premier long métrage habile et convaincant !

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