Phantom of the Paradise, film américain de 1975 réalisé par Brian de Palma, avec Paul Williams, William Finley, Jessica Harper….

Brian de Palma est un réalisateur polyvalent qui s’est essayé à nombre de genres durant sa carrière tout en conservant une patte et un style extrêmement reconnaissable. Sorti en 1975, Phantom of the Paradise fait suite pour le réalisateur à Get to know your rabbit, film quasi-expérimental (De Palma voulait par exemple filmer certaines scènes en 16 mm) qui a refroidi les producteurs, qui ont refusé le final cut au réalisateur. Une expérience douloureuse donc, qui sera à la base de la critique exprimée dans Phantom of the Paradise.

Le film suit Winslow Leach (William Finley), un compositeur dont le travail a été volé par Swan (Paul Williams), un diabolique producteur, et sa quête de vengeance, doublée d’un amour pour la jeune Phoenix (Jessica Harper).

Le premier point à aborder est bien sûr celui de la critique du mercantilisme. De Palma montre dans ce film un personnage de Winslow tiraillé entre ses ambitions artistiques pures et la cupidité des producteurs du monde de la musique qui n’y voient qu’un intérêt financier et se soucient peu du risque de dénaturer l’oeuvre. Malgré tout, Winslow est un personnage qui participe de ce système trop puissant pour que l’on puisse s’en défaire. On peut voir dans ce personnage un semblant de De Palma, qui lui-même s’est fait spolier son précédent film par une industrie cinématographique cupide et frileuse, mais à laquelle il continue malgré tout à participer. Le film s’interroge, à travers le personnage du Fantôme, sur la place d’un artiste dans un monde capitaliste qu’il ne peut rejeter sous peine d’en être exclu à son tour (comme De Palma le dit : « traiter avec le diable fait de vous un démon »), et à quel point cette industrie peut pervertir les artistes les plus purs. Si De Palma se montre critique envers cette industrie musicale (et par extension, cinématographique), il l’est également envers un public peu attentif à ce qu’on lui montre tant que cela reste divertissant. La mort de Beef (Gerrit Graham) et celle de Swan, sur scène, passent pour partie intégrante du spectacle et divertissent le public, qui n’y voient qu’un spectacle vivant. Il est amusant de se demander si De Palma perçoit le public de cinéma de la même manière….

Outre cela, le film est un merveilleux brassage culturel, aux influences nombreuses mais jamais étouffantes et participant toujours à rendre le film plus consistant. Brian de Palma convoque les fantômes de Dorian Gray (le personnage désirant une jeunesse éternelle), du mythe de Faust (le personnage qui vend son âme au diable), de la Belle et la Bête (Phoenix et le Fantôme), du Fantôme de l’opéra…. Le film est un subtil mélange des influences qui toutes servent le récit plutôt que de l’alourdir. Musicalement, le film est également très riche et très rythmé, participant de ce brassage des cultures que le film s’octroie. D’un simili-Beach Boys dans la scène d’ouverture, on passe ensuite par des ballades mélancoliques (« Old Souls »), des thèmes beaucoup plus rock…. L’aspect comédie musicale est en outre ici extrêmement bien traité en ce qu’il ne constitue pas une parenthèse dans le film, mais justement une volonté d’accentuer ce qui se passe à l’écran et garder le spectateur toujours attentif (aidée, par exemple, par les nombreux regards caméra de Phoenix, qui ramènent le spectateur au centre de l’histoire). Le rythme du film est donc une de ses principales forces, permettant l’attachement à une histoire et à des personnages dans un mélange de références qui ne tombent jamais dans le trop-plein ou l’inutile.

Paul Williams, interprète de Swan et compositeur attitré du film, disait récemment que « la grande force de Phantom of the Paradise, c’est d’être à la fois daté et indémodable »¹. Si on peut aisément coller cela au style de Palma, on peut encore plus le coller à Phantom of the Paradise. Le film, au milieu de ses références musicales, littéraires, se montre d’un mordant assez stimulant dans son propos sur l’industrie capitaliste actuelle. Si le côté « burlesque » pourra rebuter certains, le film se montre diablement intelligent dans son propos, très habile dans sa construction et son rythme, et assez jouissif pour tout fan de comédie musicale, et conservant toujours ce côté hors du temps, 42 ans après sa sortie. Une pépite que j’invite chacun à découvrir et à redécouvrir !

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¹http://www.20minutes.fr/cinema/2047223-20170412-paul-williams-force-phantom-of-the-paradise-etre-fois-date-indemodable

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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