Inutile de présenter Louis Garrel à quiconque étant un minimum habitué au paysage du cinéma français. Dès l’âge de 23 ans, en 2006, il bénéficie d’une notoriété assez importante en recevant le César du meilleur espoir masculin pour son rôle de François Dervieux dans ‘Les Amants Réguliers‘, film mettant en scène un jeune couple qui se forme durant la période de mai 68 à Paris. Après cela, en 2009, il reçoit le prix Patrick-Dewaere, qui récompense les jeunes espoirs masculins français et francophones. Tout au long de sa carrière d’acteur, il est également nommé cinq fois aux Césars pour le prix du meilleur acteur ou du meilleur acteur dans un second rôle. Cependant, il lui est aussi arrivé quelquefois de passer de l’autre côté de la caméra. Il a réalisé trois courts métrages, dont l’un d’eux, ‘Petit Tailleur’, sera nommé pour le César du meilleur court-métrage en 2011. Il a également réalisé plusieurs longs métrages : ‘Les Deux Amis’ (2015), ‘L’homme fidèle’ (2018) ou encore ‘La Croisade’ (2021). Toutefois, aucun d’eux ne saura réellement convaincre, les films recevant des notes assez moyennes, voire plutôt mauvaises.

Cette année, Louis Garrel se positionne pour une quatrième fois derrière, mais aussi devant la caméra, avec son film intitulé ‘L’Innocent’. Ce dernier est présenté au Festival de Cannes en sélection officielle hors compétition, et est également le film d’ouverture du Festival Lumière 2022. Avec ‘L’Innocent’, Louis Garrel signe-t-il finalement son premier grand succès en tant que réalisateur ?

Du rire, à la tension aux larmes, du film de casse au film comique

Il est évident que le spectateur va être amené à passer d’une émotion à une autre au vu du scénario du film et des sujets que ce dernier aborde. ‘L’Innocent’, c’est l’histoire de Abel, jeune homme froid, sarcastique et irritable. Son comportement peut s’expliquer par la mort prématurée de sa femme, décédée dans un accident de voiture alors qu’il était au volant du véhicule. Il mène une vie assez banale entre son emploi en tant que guide à l’aquarium de la ville de Lyon, les sorties avec sa meilleure amie Clémence, une fille dynamique et au caractère bien trempé, et les conflits récurrents avec sa mère Sylvie, qu’il aime malgré tout profondément. L’événement principal du film est d’ailleurs centré autour de sa génitrice. Cette dernière anime un atelier de théâtre en prison, et c’est durant l’un de ses ateliers qu’elle a rencontré Michel, l’un des détenus. Le couple se marie en prison, chose qui n’est pas du goût de Abel, ayant déjà eu à faire à des détenus visiblement peu recommandables que fréquentaient sa mère par le passé. Une fois Michel libéré et les nouveaux mariés débutant pleinement leur vie, le fils n’est cependant toujours pas rassuré. Soupçonnant le nouveau compagnon de sa mère de continuer à prendre part à des mauvais coups, il met un plan à exécution avec son amie Clémence afin de le surveiller. Ce qu’ils risquent de trouver ne va pas leur plaire, et ils s’aventurent même dans des situations où ils n’auraient pas voulu mettre les pieds… Le film se veut tout d’abord être un long-métrage comique, et il y parvient avec succès. On a droit à de bons moments d’humour avec des blagues qui fonctionnent à merveille, et des situations comiques (notamment avec les scènes de filatures où les personnages sont pris la main dans le sac, ou les instants où les personnages tentent d’être crédibles et de mener leur mission tant bien que mal) qui font rire le public de bon cœur. L’aspect comique est avant tout rendu possible par le caractère des personnages, tous hauts en couleurs. On peut notamment mentionner Abel (Louis Garrel), qui est drôle de par son sarcasme et son apparente irritation à propos de beaucoup de situations et de personnes qui l’entourent. Les conflits entre lui et sa mère ou ses confrontations avec Michel, toujours sérieux et impassible, sont amusants à regarder. Clémence (Noémie Merlant), l’amie déjantée, arrache aussi quelques sourires. 

En dehors de l’aspect humoristique, on peut aussi saluer la présence de bons moments d’action et de tensions dans le but de donner un aspect ‘film de casse’ au long-métrage. Même s’il n’y a rien d’exceptionnel au niveau des moyens ou de l’image, le scénario est ficelé de telle sorte à faire monter le stress chez les personnages, mais également chez les spectateurs. On ressent une certaine tension en se demandant si les personnages vont réussir leur coup ou si leur plan va se révéler être un fiasco. En outre, le film sait également se montrer touchant à de multiples reprises avec des thèmes tels que le deuil et la culpabilité qui peut en découler, l’amour mère/fils, mais aussi l’amour tout court. La relation entre certains personnages et la complexité qui peut en découler est franchement émouvante. De ce fait, tous les acteurs savent s’adapter aux différents tons que prend le long-métrage. Ils savent faire rire, nous émouvoir, ou nous faire ressentir une certaine tension.

Une prise de vue et un montage qui donnent un parfum de Nouvelle Vague

L’autre force de ‘L’Innocent‘ est la manière dont le long-métrage est monté, mais aussi les divers mouvements de caméras que l’on peut observer ou encore la façon dont la lumière ou la colorimétrie sont traitées. Il y a en effet beaucoup d’éléments que l’on a plus l’habitude de percevoir dans des films récents, à de rares exceptions tout du moins. Ainsi, le film n’est pas avare en fondus au noir, en zooms, et fait même parfois preuve d’audace en proposant des écrans divisés (ou ‘split-screen’) mais aussi de très beaux plans larges, montrant notamment des habitations de la ville de Lyon. La bande-son elle aussi est une belle démonstration d’hardiesse et de nostalgie, étant composée d’un grand nombre de tubes des années 80, avec notamment ‘Pour le plaisir’ d’Herbert Léonard, ou encore ‘Une autre histoire’ de Gérard Blanc. Quant à la lumière et aux couleurs, elles peuvent parfois être éclatantes et très riches, le spectateur s’en prenant plein les yeux, mais elle peut aussi se faire discrète et saturée selon les scènes. Ainsi, tous ces éléments peuvent être interprétés comme une véritable déclaration d’amour au cinéma d’antan, notamment à la Nouvelle Vague avec des partis pris qui ressemblent à ce que l’on peut voir chez Truffaut ou Godard. Bien sûr, le film parviendra à ravir les nostalgiques des musiques d’il y a quarante ans avec toutes les musiques soumises à l’audience du long-métrage. Peut-être que ces aspects peuvent rebuter une personne non initiée ou peu friande du cinéma des années 50-60 et des musiques qu’elle peut juger comme passées de mode, mais le film peut toujours finir par convaincre grâce au scénario qui se trouve être bien construit et aux enjeux plus que prenants.

 

Tout bien considéré, ‘L’Innocent’ ne propose pas de grande nouveauté au niveau du scénario, et n’est sans doute pas susceptible de provoquer une grande surprise dans le paysage du cinéma français. Malgré tout, il saura convaincre et ravir un bon nombre de spectateurs, et réchauffera le cœur du fait de tous ces petits moments ‘feel good’. Il s’agit définitivement d’un long-métrage très sympathique qui fait du bien, et qui vaut sans doute le détour dans une salle obscure. 

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