6 ans après le sublime 120 Battements par minute, Robin Campillo revient avec L’Île rouge. Un film dans lequel il raconte, se rappelle et rêve d’une période de sa vie. Film à la fois historique et quasi autobiographique, le film traite de la fin du colonialisme dans les années 70 sur l’île de Madagascar.
Les souvenirs
Robin Campillo se rappelle. Il se rappelle d’un Madagascar à la fois sublime par sa faune et sa flore. Mais aussi d’un Madagascar dans lequel il était complètement ostracisé, complètement coupé du monde. Thomas (Charlie Vaussel), protagoniste du film, vit dans la base militaire où son père (Quim Gutiérrez) mène sa carrière professionnelle. Sa mère, Colette (Nadia Tereszkiewicz), est une femme aimante tentant tant bien que mal d’élever dans la grâce ses trois enfants. Le père, qui interprète un colonialisme personnifié sous des traits puants, éduque ses enfants dans la méchanceté, la violence et le vice. Thomas est à l’écoute, curieux, sensible, aimant et rêveur, différent de ses frères et du monde qui l’entoure. Il va trouver dans une relation amicalo-amoureuse son alter-ego… Robin Campillo repense au monde colonialiste à l’aide du regard d’enfant de Thomas. Un regard neutre, sans mépris et sans jugement. Dans un environnement familial peu propice aux flâneries, aux développements artistiques, à la réflexion ou à la rêverie, Thomas va à contre-courant.
Les rêves
Robin Campillo rêve. La seule porte de liberté de Charlie est une caisse en bois au fond du jardin qui lui sert de refuge. C’est dans cette caisse qu’il retrouve son amie. Ensemble, ils s’inventent un monde fantastique se dressant en opposition à un monde qui n’est finalement pas le sien, dans lequel il ne s’identifie pas. Un monde qui n’est pas à l’image de Charlie et qui est, a contrario, à l’image de son père. Il est difficile d’identifier ce qui relève du souvenir ou du rêve, de nombreuses scènes semblant tout droit sortir de l’esprit d’un jeune enfant. Mais Robin Campillo dessine ce monde d’adulte avec le regard d’un enfant. Le film raconte des problèmes d’adultes avec l’analyse d’un enfant. C’est ce qui le rend à la fois authentique, dissemblant et intéressant à regarder. Campillo distille de nombreuses séquences brillamment réalisées, qui arrivent à donner au film un esthétisme fou. Un parallèle entre une table et des vues aériennes, un travelling lors d’une sortie à la piscine ou encore les sauts des parachutistes de la base… ces scènes démontrent toute la palette créative du réalisateur.
Le nouveau monde
La fin du colonialisme est proche pour Thomas, sa famille et la base militaire. La fin d’un monde se profile et Thomas découvre par inadvertance ou imagine le monde extérieur de la base. Des problématiques qui lui échappaient depuis le début (ou qu’il n’avait que vaguement entendues) lui apparaissent alors. C’est ainsi que le film change de paradigme. Si l’histoire est sublimement bien menée jusque là, cette cassure du rythme due à ce changement de monde plonge L’Île rouge en-deçà de sa première partie. Malgré tout, Robin Campillo arrive à captiver son spectateur. Cela grâce à une très bonne réalisation, un casting cinq étoiles et une très belle photographie qui magnifie son histoire.
L’Île rouge est à retrouver dans les salles obscures à partir du mercredi 31 mai.
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