L’île aux chiens, film d’animation américain de 2018, réalisé par Wes Anderson, avec Bryan Cranston, Edward Norton et Bill Murray en version originale, Vincent Lindon, Romain Duris et Mathieu Amalric en version française

 

Il n’est jamais simple d’appréhender la sortie en salles du nouveau film d’un de nos réalisateurs favoris, un de ceux qui ne nous a jamais déçu et toujours enchanté. A titre personnel, Wes Anderson est dans ce cercle très fermé, et j’attendais la sortie de L’île aux chiens dans un mélange d’extase mais aussi d’inquiétude, celle d’être pour la première fois déçu, d’autant plus que j’ai adoré son précédent long métrage, The Grand Budapest Hotel. Aussi, je n’ai pas hésité une seule seconde à aller voir L’île aux chiens. Et le verdict est sans appel…

Depuis quelques longs métrages (Moonrise Kingdom à mes yeux), Wes Anderson pousse à son paroxysme un style visuel unique en son genre. Comme une preuve de maturité, un nouveau cycle s’ouvrait, plus maîtrisé. En faisant le choix de revenir à l’animation en volume, presque 10 ans après Fantastic Mr. Fox, on pouvait voir par là une forme de rupture de ce cycle pour revenir à une forme plus originelle de son cinéma. Bien au contraire, Anderson repart sur des bases similaires de style appuyé tout en s’adaptant au format de l’animation. Ce n’est donc pas un hasard de retrouver Tristan Oliver à la photographie, avec qui le réalisateur avait collaboré sur Fantastic Mr. Fox. Partant de ce postulat, L’île aux chiens s’articule autour d’un univers qui lui est propre tout en ayant la texture et la saveur d’un Wes Anderson. Véritable claque visuelle où chaque plan est composé avec minutie pour nous suprendre et nous imprimer la rétine, L’île aux chiens est un film visuellement brillant.

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S’il semble légitime de commencer à évoquer le travail de l’image, car ce dernier se constitue comme un des piliers de la réalisation de Wes Anderson, il serait stupide de réduire le film à ça. L’île aux chiens met en place de nombreuses choses, un vrai univers comme on l’a dit où l’osmose et la rigueur laisse de la place à l’histoire. Sur un film d’1h41, on peut toujours avoir peur de voir les choses bâclées. Mais Wes prend le temps d’installer ces éléments pour, non pas faire ancrer son univers dans notre réel, mais rendre réel son univers. Le scénario laisse le temps à l’histoire de se construire et aux personnages de se déconstruire devant nos yeux, nous laissant le temps de nous prendre au jeu. Même si l’on doit reconnaître un dernier acte certes puissant mais un peu trop simpliste pour parachever le message voulu, Wes emploie encore une fois les thématiques de la famille et du passage à l’âge adulte (en donnant une tournure noire et dure au contexte comme dans The Grand Budapest Hotel) en usant de stratagèmes qui servent le récit : un exemple entre mille, celui de traduire les aboiements des chiens et pas les paroles des hommes. Tel un miroir, il donne une certaine humanité aux chiens tout en faisant de nos semblables des bêtes, des « chiens ». Le pouvoir du scénario et du visuel, conjugué à une direction artistique toujours aussi léchée, une nouveau bande originale sublime d’Alexandre Desplat et un casting « au poil », rendent un ensemble cohérent et enivrant. En construisant pas à pas, aussi bien visuellement que scénaristiquement, L’île aux chiens nous pousse à nous impliquer dans une histoire qui ne laisse pas indemne.

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Car au fond, L’île aux chiens est-il juste un simple film d’animation pour enfants ? La critique d’un certain infantilisme du cinéma de Wes Anderson revient souvent, critique qui à mon sens est erronée. S’il semble depuis quelques long-métrages s’ouvrir de plus en plus aux jeunes âges, le réalisateur texan n’en oublie pas néanmoins d’apporter plusieurs pistes de lecture. Certains verront le chapitrage du film comme un déroulé de contes pour enfants, tandis que d’autres y verront plus un découpage s’apparentant plus aux actes du théâtre. Wes Anderson joue au petit théâtre de la vie, celui que chacun peut voir suivant son âge et sa maturité d’un oeil différent. On l’a dit plus haut, le cinéma de Wes Anderson, surtout ces dernières années, s’affirme comme un cinéma de la transmission, du passage. L’île aux chiens ne déroge pas à la règle et offre toujours cette perspective en jouant sur nos valeurs. Il y avait dans la salle où j’ai pu visionner le film des enfants qui ont su apprécier le film malgré quelques moments qui pouvaient sembler durs à leurs regards. Mais Anderson sait insufler une universalité au monde qu’il crée pour offrir un long-métrage palpitant qui fait réflechir chacun : les petits feront sûrement plus attention à leurs animaux de compagnie, quand les plus grands se remettront en question sur leurs rapports aux autres.

En définitive, dans le prolongement de ce qu’il a pu nous offrir par le passé, Wes Anderson signe encore une fois un grand moment de cinéma. Toujours magnifié par la patte de son metteur en scène, le film arrive à exprimer son universalité tout en explorant plus en détails les facettes de l’être humain. Prodigieux dans tous les aspects, L’île aux chiens s’impose comme un film à voir absolument, un long métrage qui ne laissera indemne ni les petits ni les grands.

 

 


Note

4,5/5

Wes Anderson revient en grande forme pour signer à nouveau un grand film, plein de majestuosité et d’émotion. Dans le pur style Anderson, L’île aux chiens est une oeuvre universelle qui ne laissera personne indemne, et s’impose déjà comme un grand film de 2018.


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