Ce samedi 27 mai 2023, Ruben Östlund a remis la 76ème Palme d’or à Justine Triet pour son film « Anatomie d’une chute », devenant ainsi la troisième réalisatrice sacrée dans l’histoire du Festival de Cannes 2023. En concordance avec la fin du Festival, PelliCulte étudie ce qu’on peut appeler « l’effet Palme d’or ». Retour en 2011, avec le couronnement d’un monstre sacré du cinéma : Terrence Malick et son adoré et décrié The Tree Of Life.

The Tree Of Life est le film qui a le plus représenté Terrence Malick dans les cérémonies et festivals de cinéma. The Tree Of Life, c’est trente nominations et surtout six récompenses.

Dans les trente nominations, il convient de relever trois nominations aux Oscars (meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure photographie), dont deux qui font partie des catégories majeures. Mais The Tree Of Life, c’est surtout le graal lors du Festival de Cannes en 2011: la Palme d’or. La richesse filmique de la 64ème édition du festival de Cannes (2011) a engendré une Palme d‘or très disputée (Melancholia de Lars Von Trier, Drive de Nicolas Winding Refn, La Piel Que Habito de Pedro Almodóvar, ou encore The Artist de Michel Hazanavicius). Terrence Malick décroche alors le prix le plus convoité et le plus prestigieux de la croisette. La question se pose alors : est-ce que la Palme d’or de 2011, décernée à The Tree Of Life, a été bénéfique d’un point de vue économique et donc d’affluence ? La question est complexe. En effet, la Palme d’or, et uniquement la Palme d’or, est un coefficient multiplicateur de conséquences sur le nombre d’entrées d’un film.

A titre d’exemple, Bon Joon-ho, lauréat en 2019, avec son film Parasite, a profité de l’engouement et de la publicité cannoise pour son dernier long-métrage. Il a aussi bénéficié d’une campagne (fructueuse) aux Oscars. Il est indéniable que le festival de Cannes, et plus précisément la Palme d’or, a joué en faveur du box-office. 

En France, Parasite (2019) a réuni plus de 2,2 millions d’entrées, ce qui est colossal, et qui en fait le plus gros succès commercial primé par une Palme d’or depuis 15 ans. Pour comparer, « l’effet » Palme d’or, il est intéressant de regarder combien d’entrées ont réalisé ses dernières productions. Okja (2017), production précédente, est sortie sur Netflix. Il n’est donc que très peu pertinent de comparer ces deux longs-métrages car le nombre d’entrées ne peut être mis en parallèle à un nombre de vues sur une plateforme de streaming légale. Snowpiercer (2013), dernière production ayant connu une exploitation en salle, avait réuni plus de 670 000 personnes dans les salles obscures. 

Avant lui, Mother (2009) avait réuni près de 80 000 spectateurs. « L’effet » Palme d’or est alors très clair, c’est un coefficient multiplicateur de poids. Sur Parasite, il serait faux de corréler les 2,2 millions de spectateurs uniquement à sa Palme d’or, mais elle a joué un rôle considérable dans la promotion et dans les recettes du film de Bong Joon-ho. Mais Parasite est peut-être un mauvais exemple pour mettre en parallèle box-office et Palme d’or.

Bong Joon-ho et sa palme d'or
Bong Joon-ho et sa palme d'or © Loic Venance / AFP

Pour illustrer l’enjeu économique d’une Palme d’or, il convient de prendre l’exemple du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. En 2010, Apichatpong Weerasethakul remporte la Palme d’or pour son film Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Le festival ayant lieu au mois de mai, le film sort en salle au mois de septembre. L’effet Palme d’or est notable car le film a attiré plus de 127 000 personnes, score très honorable pour un film d’auteur. Afin de mieux comparer, le film suivant du réalisateur Apichatpong Weerasethakul, Cemetery of Splendour sorti en 2015, n’attirait que 40 000 spectateurs, malgré sa sélection à Un Certain Regard au festival de Cannes. A contrario de l’Ours d’or, la Palme d’or permet de réaliser des recettes et donc des entrées non négligeables. C’est un prix de renom chez les cinéphiles, mais il permet aussi d’assurer un certain nombre d’entrées. Évidement, de nombreux autres critères entrent en jeu (des éventuels acteurs de renoms, l’importance du cinéaste, film plus grand public…), mais la Palme d’or permet très vraisemblablement de faire plus de rendement économique que si elle n’avait pas été obtenue (à la différence de l’Ours d’or par exemple).

Apichatpong Weerasethakul et sa palme d'or
Apichatpong Weerasethakul et sa palme d'or © Reuters / Vincent Kessler

Concernant The Tree Of Life, la Palme d’or a en effet joué un rôle. Le film aurait, comme explicité précédemment, vraisemblablement réalisé moins d’entrées et de millions de dollars de recettes sans elle. Mais la bataille d’Hernani qui a entouré le film, et donc le festival, a aussi été très « bénéfique » (économiquement) au film, voire plus que la Palme d’or. Au moment de sa présentation, des spectateurs sortaient des salles, les journalistes se sont déchaînés positivement et négativement, des émissions ont même été créées (sur France Culture par exemple) pour comprendre cette tumulte qui a remué la Croisette. Ce qui a aussi été bénéfique, c’est que le spectateur a pu se faire sa propre idée en allant voir le film au même moment de la remise de la Palme d’or. En effet, le film est sorti le 17 mai 2011, et la Palme d’or a été remise le 22 mai 2011. 

Sean Penn, Jessica Chastain et Brad Pitt sur le tapis rouge pour The Tree of Life © Reuters / Eric Gaillard

« L’effet » Palme d’or est ici encore plus marqué. La première semaine d’exploitation (du 11 au 17 mai 2011) en salles a réunit près de 53 000 spectateurs. La deuxième semaine (18 au 24 mai 2011), semaine de la remise de la Palme d’or et aussi profit du chahut que le film a provoqué à Cannes, le film rassemble plus de 200 000 spectateurs, soit quasiment 4 fois plus. Ensuite pendant les deux semaines suivantes, le film va tutoyer les 200 000 entrées par semaine. Il finit sa course au nombre d’entrées avec plus de 870 000 spectateurs. The New World, film précédent de Terrence Malick, avait réuni plus de 670 000 spectateurs. Et le film suivant, To The Wonder a réuni légèrement plus de 84 000 spectateurs. Pour The Tree Of Life, « l’effet » Palme d’or est notable, mais cette Bataille d’Hernani que le film a connue, le nom et le mystère Terrence Malick (qui n’est par ailleurs pas venu chercher son prix), les acteurs Jessica Chastain, Sean Penn ou encore Brad Pitt, la sortie officielle du film en parallèle du festival sont des critères qui expliquent aussi la réussite commerciale du film. 

Il est très difficile de quantifier le nombre d’entrées et le nombre de millions de recettes que peut engendrer une Palme d’or, mais il est impossible de ne pas les corréler.

  • The Tree of Life est disponible à la location sur Canal VOD, Youtube, Apple TV, Google Play Films & TV
  • Parasite est disponible en streaming sur Prime Video
  • Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures est disponible en streaming sur OCS et à la location sur Apple TV

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