L’Amour debout, film français réalisé par Michaël Dacheux avec Adèle Csech, Paul Delbreil, Samuel Fasse…

Synopsis : Martin, dans un dernier espoir, vient retrouver Léa à Paris. Ils ont tous deux vingt-cinq ans et ont vécu ensemble leur première histoire d’amour. Désormais, chacun s’emploie, vaille que vaille, à construire sa vie d’adulte.

On le sait, en matière de cinéma, l’exercice d’un premier long-métrage est rarement chose aisée. Véritable saut dans l’inconnu, nombre de grands réalisateurs s’y sont cassés les dents, aussi bien par manque de moyens qu’à cause d’une ambition débordante.

Mais l’exercice est toujours agréable à voir. D’une part, parce que c’est l’occasion de jouer au jeu des pronostics quant au potentiel du cinéaste en herbe. D’autre part, parce que les premiers films ont souvent cette délicate innocence des débuts et cette faculté cathartique pour un réalisateur jamais sûr de réitérer l’expérience.

C’est donc avec une certaine attente que nous nous sommes plongés dans L’Amour debout, premier long-métrage de Michaël Dacheux. Un long-métrage sélectionné à Cannes, ce qui n’est pas peu dire, et qui donc méritait attention.

Paul Delbreil (Martin) et Samuel Fasse (Bastien)

On l’a dit précédemment, une première oeuvre, même si elle a l’avantage pour le spectateur de montrer le cinéaste « à nu », disons pas encore imprégné d’un quelconque recul sur sa carrière et son travail, pêche souvent dans beaucoup de ses composantes. Qui plus est dans un cinéma français indépendant, dont l’économie n’est guère florissante.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce manque de moyens et d’expérience se ressent dans le long-métrage. La direction d’acteurs (qui, en dehors de Paul Delbreil, Adèle Csech, Pascal Cervo et Françoise Lebrun, sont tous non-professionels) est pour ainsi dire quasi inexistante, et cela se voit dans le jeu de nombreux acteurs, heureusement souvent secondaires, qui frôlent parfois le surjeu.
Le montage de L’Amour debout se révèle également, sans devenir systématique, parfois assez hasardeux, de telle sorte qu’on est quelque peu sortis du film. Mais là où le travail va pêcher par manque de moyens, ce sera sur l’ambiance du film. Les scènes auront en effet du mal à réellement emporter le spectateur et à créer une réelle alchimie avec les personnages, excepté certaines scènes de groupe, qui sont là l’expression de réalistes et agréables échanges.

Adèle Csech (Léa) et Jean-Christophe Marti (Jicé)

Mais il nous serait malhonnête de réduire le film à ces critiques qui sont somme toute assez communes à chaque premier long-métrage (à moins, bien sûr, de vous appeler Orson Welles). Un manque de moyens couplé à une relative inexpérience dans ce domaine créent fatalement des manques.
Mais là où le film de Michaël Dacheux va se sauver et trouver sa force, c’est dans la simplicité de son message, d’une candeur assez touchante.

On pourrait en effet globalement résumer le message du film à « l’amour de l’Art et l’art de l’Amour ».
L’amour de l’Art, parce que le film est avant tout une ode à l’Art, domaine protéiforme qui trouve dans le monde qui nous entoure toute sa richesse.
Côté musique par exemple, le film va lorgner du côté de la musique classique (Ravel et Schumann entre autres), se permettant même ce découpage en 4 saisons, tel un hommage discret à un certain Vivaldi.
Ce message n’est jamais plus clair que dans les personnages du film, qui gravitent tous pour la plupart dans le milieu artistique : Martin, réalisateur en devenir ; Léa, son ex-petite amie, animatrice d’un atelier présentant certaines fiertés architecturales de la capitale française ; ou encore Françoise Lebrun, présentée comme la Veronika du film de Jean Eustache La Maman et la putain. Ce ne sont ici que de succints exemples d’un film empli de tout son long d’un amour de tous les Arts.

On pourrait d’ailleurs déceler dans certains de ses aspects un étrange aspect méta, comme si Michaël Dacheux avait souhaité faire éclater dans son film à la fois ses ambitions d’amoureux de l’Art et ses peurs de cinéaste. Le parallèle tissé par le personnage de Françoise Lebrun est assez évident pour ne pas avoir à l’expliquer, mais il est possible de voir dans le personnage de Martin une figure cathartique pour le réalisateur, comme une façon d’exprimer un peu de lui-même dans un personnage tourmenté et au carrefour de sa vie.
Le film s’octroie ainsi un étonnant réalisme (notamment dans sa réalisation qui, si nous avons critiqué son manque de moyens, aurait fait perdre sa douceur au film si elle avait été plus grandiloquente), très proche du « cinéma-vérité » cher à nos amis de la Nouvelle Vague.

Adèle Csech (Léa)


Amour de l’Art, oui, mais surtout art de l’Amour. Si le film est une habile réflexion sur l’Art, c’est parce qu’il est aussi le témoignage de personnages engoncés dans le moule d’une société qui rejette les différences. La différence est une douleur, celle de Léa et Martin en tête. De la difficulté d’assumer ses pulsions amoureuses (la grande différence d’âge pour l’une, son homosexualité pour l’autre) découle un message avant tout de tolérance et d’acceptation des aspérités de chacun. Que ce qui fait de votre vie sa beauté, c’est votre faculté à assumer ce que vous êtes, au-delà de tout dogme sociétal. On peut regretter que le film ne pousse pas plus ce message (notamment dans le traitement de l’homosexualité de Martin) et se perde un peu dans son ultime tiers, mais on ne peut que saluer cette innocence de l’âme qui donne au film toute sa grâce.

Au final, L’Amour debout possède, comme on pouvait s’y attendre, les défauts et atermoiements d’une premier long-métrage (notamment dans son ambiance et un récit parfois mal dosé), mais on ne peut lui retirer une certaine candeur qui lui offre un potentiel émotionnel important, qui vous fera quitter la salle obscure l’esprit léger.

Note

3,5/5

L’art de l’Amour et l’amour de l’Art : les deux faces d’une même pièce, les deux obssessions de Michaël Dacheux qui, pour son premier long-métrage, livre une étonnante et émouvante partition, dont le message, trop peu poussé, laissera malgré tout à son spectateur une touchante impression. Une belle réussite.

Bande-annonce

Merci à Epicentre Films de nous avoir permis cette collaboration. Vous pouvez retrouver la fiche du film sur leur site ici.

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