? Réalisateur: Hiroshi Inagaki

? Casting: Toshiro Mifune, Kaoru Yashiguza, Mariko Okada, Koji Tsuruta

? Genre: Aventure, Chanbara

? Sortie: 4 Août 1993 / 26 Septembre 1954

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Synopsis : Le jeune Takezo est un garçon violent et incrontrôlable. Sous la tutelle du moine Takuan, il deviendra le Samuraï Miyamoto Musashi. Sa mission : découvrir le monde et développer sa Voie du Sabre. Mais saura-t-il rester de marbre face à l’amour naissant dans con cœur ?

Un événement silencieux

Les éditions Carlotta nous permettent de découvrir la Trilogie Musashi, œuvre phare du cinéma japonais, en Blu-ray pour la première fois. Il est absolument nécessaire d’en parler lorsque l’on sait combien elle fut fondatrice au sein des super productions de l’époque. Aujourd’hui probablement noyée dans l’inconscient collectif parmi tous ces films de Samurai, cette épopée de Miyamoto Musashi fut pourtant unique dans son genre a sa sortie, en 1954. Sous l’occupation Américaine de 1945 à 1949, la censure imposée au cinéma nippon interdisait toute utilisation de figures héroïques susceptibles de rappeler a la nation sa grandeur et sa noblesse. Ainsi, après avoir servi de vecteur de propagande durant la guerre, les Rônin et autres seigneur de guerre historiques furent bannis de la pellicule. Mais au milieu des années 50, la société de production Toho fit tourner le vent en permettant a deux films de voir le jour : Les 7 Samurai d’Akira Kurosawa et La Légende de Musashi d’Inagaki, tout deux parus en 1954. Ils marquent le début de l’Age d’Or du cinéma nippon qui devient alors international. Mais la trilogie d’Inagaki, elle était avant tout conçue pour s’adresser aux japonais : montrer le retour de cette figure mythique de Musashi démontrait une certaine forme de retour de grandeur, d’émancipation de la censure, de liberté.

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Le personnage de Miyamoto Musashi hésite à partir à l’aventure

À l’origine des trilogies

Adaptée des deux ouvrages d’Eiji Yoshikawa qui romançait la vie du personnage historique, cette suite de trois films fut pensée comme un récit découpé en trois temps forts, triptyque de périodes et d’évènements importants. Cette logique d’écriture et de production était encore inédite puisque les rares trilogies existantes n’étaient que cumuls de suites ou des adaptations d’autant de livres. Inagaki décide de lui même de tirer trois films pour exploiter au mieux le mythe de Joseph Campbell, théoricien très connu dont les travaux reposent sur le parcours initiatique du protagoniste ou les récurrences des schémas narratifs. Ainsi, un premier épisode relaterait de comment un jeune adolescent partirait à l’aventure pour n’être confronté qu’à sa propre violence, un deuxième de sa transformation en Samurai à la réputation légendaire, puis un troisième de sa rédemption lorsqu’il complète avec sagesse son apprentissage. Ce cycle ternaire est aujourd’hui une habitude totale, notamment depuis sa reprise par George Lucas pour sa saga Star Wars mais également via Peter Jackson lorsqu’il réalisa Le Seigneur des Anneaux. Plusieurs films uniques se changèrent en trilogie par mode et ce sous toute sorte de registre, comme les Spider-Man de Sam Raimi ou Matrix des sœurs Wachowsky.

© L'Acte final du troisième et dernier film : La Voie de la Lumière (1956)
L’Acte final du troisième et dernier film : La Voie de la Lumière (1956)

Un autre niveau de lecture

Beaucoup pensent cette trilogie inférieure à la saga de Tomu Ushida, elle aussi consacrée au mythe de Miyamoto Musashi et repartie sur six volets. On affirme parfois que la Toho voulait frapper fort avec des films grand public à très haut budget, une pellicule en couleur empruntée aux américains, en bref une production opportuniste et peu intellectuelle. Cependant, l’approche d’Inagaki fut sensiblement différente de ce qu’on pourrait attendre de la part d’une super production de la sorte. Le réalisateur emploie des ellipses, déroule son action en hors-champ ou se permet de couper avant qu’un duel très important ne démarre. Il prive aussi complètement le public de l’entraînement du jeune homme, pourtant fondamental au bon déroulé de l’histoire. Si l’on peut reprocher une approche trop Hollywoodienne à l’échelle des décors et dans la direction artistique, il n’en reste pas moins qu’Inagaki sait pertinemment quand employer du faux dans l’image lorsqu’une scène se veut la reproduction d’un chapitre de la légende; quand filmer des décors naturels impressionnants lorsqu’il s’agit de symboliser l’immensité des découvertes de Musashi au fil de son voyage…
La fin de ce dit voyage se clôt d’ailleurs sur une victoire amère, loin de la fanfare habituelle qu’on nous sert lorsque les crédits défilent. La gestion de la violence prend une place énorme dans l’œuvre car c’est à sa force que se mesure Musashi au reste du Japon. Il lui doit tout sans chercher à l’utiliser à ses fins, contraste nécessaire chez son rival Kojiro, opportuniste qui cherche à tout prix à battre le Samurai. Il sera vaincu à l’issue d’un duel ou très peu de coups seront portés, triomphe de l’esprit sur le sabre.

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Ainsi naquit le mythe du personnage historique à travers l’écran.

Films à l’image somptueuse où la réalisation brille davantage dans les choix de découpage que dans les cadres, La Légende de Musashi, Duel à Ichijoji et La Voie de la lumière sont trois perles du cinéma japonais dont l’influence n’a de cesse d’impressionner. Leur réapparition soudaine dans le paysage actuel permet de nous replonger tête la première dans ce tourbillon de couleur, enivrant et vibrant, hommage aux pères et mères de notre cinéma actuel.

Note

Note : 8 sur 10.

8/10

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