Synopsis : Dans une petite ville de province, deux amies Karen Wright et Martha Dobie dirigent une institution pour jeunes filles, aidées par Lily, la tante de Martha, une ancienne actrice excentrique. Fiancée au médecin Joe Cardin, Karen a du mal à s’engager et à laisser à Martha la direction de l’école. Mary, une élève insolente et menteuse, alors qu’elle a été punie, lance la rumeur que les deux professeurs ont une relation « contre-nature ». Elle commence par le raconter à sa grand-mère…

LE REFLET D’UNE SOCIÉTÉ AMÉRICAINE CONSERVATRICE ET MORALISATRICE.

William Wyler, réalisateur que l’on ne présente plus, décide avec l’aide du scénariste John Michael Hayes d’adapter la pièce de la dramaturge Lillian Hellman « The Children’s Hour ». Pour faire vivre cette adaptation, le réalisateur fait appel à trois stars hollywoodiennes pour tenir les rôles principaux : Audrey Hepburn, Shirley MacLaine et James Garner. Le film fut l’un des tous premiers films américains à aborder l’homosexualité féminine. Ce sujet a été à cette époque très rarement abordé dans le septième art américain, notamment à cause de la censure imposée en plein âge d’or par le code Hays. Le cinéaste avait déjà adapté une première fois la pièce de théâtre de Lillian Hellman avec le film « Ils étaient trois », mais cette version n’était en aucun cas une fidèle représentation de cette dernière. Il tente une nouvelle fois d’adapter cette pièce en 1961 avec La Rumeur, une adaptation bien plus fidèle cette fois-ci mais qui reste tout de même très pudique et c’est ce que l’on a reproché au film à sa sortie.

Le cinéma est un miroir, il reflète des pensées, notre humanité, notre société, notre monde mais aussi son avancée sur de nombreux sujets… Et La Rumeur en est le parfait exemple. L’histoire reflète l’état d’esprit d’autrefois de la société américaine très puritaine et dans laquelle le fait d’aimer une personne du même sexe est très mal vu et même proscrit, d’ailleurs, tout au long du film, les mots «homosexualité » et « lesbienne » n’y sont jamais cités. Le long-métrage est également centré sur un autre sujet ; le mensonge, qui devient l‘élément déclencheur de toute l’histoire. Ainsi, tout au long du film, le réalisateur cherche à nous montrer les répercussions irréversibles que celui-ci peut avoir sur la vie des personnes directement ou indirectement touchées par ce dernier.

Karen Wright (Audrey Hepburn) et Martha Dobie (Shirley MacLaine) sont amies depuis de longues années déjà et gèrent toutes les deux un pensionnat pour jeunes filles qui jouit d’une très bonne réputation. Bien qu’au début, la relation entre ces deux femmes nous est présentée comme amicale, nous pouvons tout de même ressentir de la part de Martha une certaine froideur à l’égard du compagnon de Karen (James Garner) lorsque ce dernier se trouve en compagnie de ces dernières ou lorsque le nom de celui-ci est simplement prononcé. Plus tard, dans une scène du film, la tante de Martha reproche à sa nièce son attitude envers le futur mari de Miss Wright et son très grand attachement pour celle-ci, un attachement qu’elle qualifie même de « contre nature ».  Et c’est à partir de là, que ce fameux mensonge prend forme…C’est Mary (interprétée par Karen Balkin et dont le jeu est remarquable), une élève sournoise qui fera circuler le bruit d’une relation amoureuse entre les deux jeunes femmes. Ce mensonge sera le début d’une descente aux enfers mais aussi, d’un aveu porteur d’une vérité si mal acceptée et si mal comprise.

Je t’ai aimée comme nous avons été accusées de nous aimer – La déclaration de Martha à Karen

Le sujet du film est délicat pour l’époque, et d’autant plus lorsque l’on sait dans quel contexte il a dû être traité. Mais le fait que des scènes jugées trop « explicites » aient été coupées au montage est regrettable, car cela aurait surement permis au film d’être perçu comme novateur et révolutionnaire pour l’époque. L’intrigue est donc construite sur des non-dits, mais l’ampleur de cette « rumeur » ne cesse de croître et les deux enseignantes finissent par se retrouver au tribunal pour répondre à ces accusations portées à leur égard. La force du film est tout de même l’immensité dramatique sur laquelle l’histoire est construite et celle-ci atteint son paroxysme lorsque Martha avoue à Karen ce qu’elle ressent pour elle. Cette scène dans laquelle toute la vérité est dite est bouleversante. Le duo MacLaine-Hepburn fonctionne à merveille à l’écran et leur interprétation est d’une profonde justesse. M. Dobie fait face à ce qu’elle ressent, extériorise cette culpabilité face ce sentiment qui lui est inconnu, qu’elle sait interdit et dont elle se sent prisonnière en prononçant ces quelques mots: « Je suis coupable » . En face, K. Wright refuse d’entendre cette vérité et rejette les dires de son amie sur le compte de la fatigue de ces derniers jours, qui auront été pour ces deux femmes, très éprouvants. Dans cette continuité dramatique, le film se termine par une tragédie. Une fin dont l’issue choisie semble être la seule porte de sortie pour l’une de nos protagonistes…

Ainsi, bien que La Rumeur ne soit pas le film parfait, il reste tout de même un drame psychologique fort. William Wyler ne reste pas seulement spectateur de son époque, il dénonce la mentalité d’un pays conservateur dans lequel la liberté des mœurs n’est pas permise, même si malheureusement, le manque de prises de risque et d’initiatives de la part du cinéaste se fait ressentir. Cependant, la mise en scène (point fort de son réalisateur) est une réussite, le scénario bien ficelé permet de capter l’attention du spectateur du début jusqu’à la fin, mais les prestations des deux actrices principales notamment, restent tout de même la vraie force de ce long-métrage.

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