Copyright Festival Films

 ? Réalisateur : Galder Gaztelu-Urrutia 

 ? Casting: Ivan Massagué, Zorion Eguileor, Antonia San Juan… 

 ? Genres : Science-fiction/ Épouvante-horreur 

 ? Pays : Espagne 

 ? Sortie: 20 mars 2020 (France)

Dans une prison-tour, une dalle transportant de la nourriture descend d’étage en étage, un système qui favorise les premiers servis et affame les derniers.

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Au passif cinématographique discret, Galder Gaztelu-Urrutia propose un long métrage produit par Netflix, nous embarquant dans une prison-tour où une dalle de nourriture réveillera les consciences sociales du pays hispanique. Récompensé aux Goyas et aux Gaudí Award des meilleurs effets spéciaux, le film connaît un franc succès sur la plateforme de streaming. Alors avec un scénario situé entre le film d’épouvante et la science-fiction, le réalisateur parvient-il à émettre une critique sociale ?  

Le film démarre sur une scène préparation dans une cuisine professionnelle. Des acteurs se déplacent et s’affairent sous les ordres d’un chef. Le spectateur est lancé dans un univers lumineux, bruyant et dynamique. Toute cette agitation est renvoyée au calme par un fondu au noir accompagné d’une voix off « Il existe trois catégories de gens. Ceux d’en haut, ceux d’en bas et ceux qui tombent ». L’atmosphère s’adoucit pour laisser place à un lieu sombre et rustique. Un homme se réveille face à un autre, plus âgé. Les premières informations sont données, nous sommes au niveau 48 et la première question à se poser est « Que va-t-on manger ? ». Dès les premières minutes, le film traduit les enjeux du personnage principal Goreng à la lumière des connaissances du vieil homme, Trimagasi. 

Le lieu de l’action est une sorte d’immeuble. Chaque étage se compose d’un niveau où à son centre est présent un immense trou. Les premiers mots de la voix-off font écho à cette disposition. Certains sont en haut et d’autres sont en bas. Cependant, à quoi sert ce trou ? 

C’est ici, que la question de Trimagasi s’éclaire par l’apparition d’une plateforme venue d’en haut. Un buffet déjà consommé arrive à leur niveau. Les scènes des cuisines d’abord incompréhensibles deviennent simples : les cuisiniers sont ceux qui préparent le festin. Au travers des récits de Trimagasi, le spectateur en apprend autant que le protagoniste. Il faut manger pour survivre mais en bas, certains ne mangeront pas. L’enjeu majeur du film est situé dans ce dilemme. La mise en scène favorise une certaine tension, d’une peur de savoir ce qu’il se passe plus bas. Jumelée à une musique épurée et répétitive, la tension augmente au rythme du temps qui passe. Quel niveau attend Goreng ? 

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Le personnage du premier co-détenu bien que mystérieux semble s’attacher au personnage principal. Ce pourquoi la découverte d’un Trimagasi manipulateur et assassin, surprend les spectateurs. La tension grimpe d’un cran car il devient impossible de faire confiance aux êtres qu’il rencontre. Bien évidemment, l’attaque au corps est quelque chose de répugnant, qui fait souffrir. Une chose qui, associée au cannibalisme, devient invivable pour ceux qui visionnent le film. Loin d’être un point négatif, le réalisateur nous pousse dans nos retranchements. Le spectateur est conscient que la descente des niveaux réveille les instincts les plus primaires, ce pourquoi l’arrivée au niveau 202 représente le climax de l’épouvante. Goreng va-t-il céder à la pulsion du cannibalisme ? Va-t-il survivre ? Va-t-il « tomber » ?

La notion de messie revient constamment au cours de La Plateforme pour désigner le personnage de Goreng. Il est celui qui peut imposer cette solidarité, comme pour convaincre ceux du niveau inférieur de prendre uniquement les rations préparées. En les menaçant de « chier dans le buffet » Goreng impose une solidarité plus efficace par la « merde ».

Cette appellation peut justifier les actes du protagoniste qui décide d’agir pour faire respecter les portions. Avec l’aide de Baharat, prêt à tout pour s’échapper, ils feront régner l’ordre pour regagner le sommet. L’idée est intéressante, puisqu’elle rejoint le message social visé. En effet, le concept même d’une prison sur plusieurs étages où les grands mangent plus qu’à leur faim, et où ceux du bas subissent ces conséquences égoïstes séduit. L’ancienne chargée de recrutement, ici par choix, éclaire le concept même de l’Administration où cet immeuble prend le nom de « centre vertical d’Autogestion ». En somme, si chacun donne du sien tout le monde pourra manger. 

Seulement, cette « solidarité spontanée » semble vouée à l’échec. Une conclusion qui peut être tirée rapidement par le comportement des binômes de chaque niveau rencontré. Si nous étions enfermés ainsi, ne deviendrons-nous pas égoïstes par pur instinct de survie ? Une réflexion sur soi-même apparaît accompagné d’un avis social. Cependant, le film n’exploite pas cette logique, comparant rapidement l’immeuble à une prison. Ce sont des criminels, certains capables d’assassiner sans états d’âmes. La cruauté est presque banalisée par idées reçues. Prenons par exemple, la découverte du personnage de Baharat demandant de l’aide à ceux d’en haut pour s’échapper. Le couple du dessus plutôt que de l’aider, défèquent sur le jeune homme. Un geste extrême et peu bénéfique au reste de l’histoire, mis à part bloquer le chemin à Baharat.  

Le long-métrage perd de son originalité dès le départ du binôme Baharat- Goreng vers les niveaux inférieurs. Le projet établit est d’empêcher l’accès au buffet sur les 51 premiers niveaux, imposant une journée de jeûne par la violence. Un arrière-goût de Snowpiercer de Bong-Joon Hoo se dessine avec une lutte pour les droits des classes sociales opprimées. Qui n’a pas de références, me direz-vous ? Malgré cela, la mise en scène brise toute la tension accumulée jusque-là. Autrefois quelque chose de terrifiant et d’angoissant, la descente de ces niveaux semble devenir banale. Le spectateur se balade entre corps tantôt brûlés et tantôt placé dans des piscines. La souffrance de Goreng très marquée visuellement semble s’estomper pour basculer dans une lutte soporifique. 

De plus, l’idée de faire parvenir un élément indemne au sommet (la panna cotta) peut sembler pertinente. Malgré tout, cette théorie, soufflée par le doyen, connu du personnage de Baharat, fait basculer le scénario dans le cliché. Pour aller plus loin, j’irai jusqu’à dire que la majorité des personnages présents ne sont pas assez développés par le réalisateur. Il suffit de se pencher sur deux figures :  celle de la femme chargée des entretiens et celle de la femme assassine dans le but de retrouver un enfant. En effet, le film conserve des zones d’ombres, capables de mettre en péril l’entrée dans l’univers proposé. La femme chargée auparavant des entretiens, est ici par choix, pour faire fonctionner l’expérience, mais pourquoi abandonne-t-elle si vite ? La femme « sauvage » cherche-t-elle réellement un enfant ? Le spectateur ne peut répondre à ses questions. Peut-être ai-je un esprit trop cartésien ? Mais, ces arguments ne sont pas bénéfiques à l’évolution du récit, selon moi. 

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Le film se rapproche de plus en plus, d’une dimension de jeux vidéo où nos deux héros devront atteindre le niveau 200. Une information qui s’avère être factice puisque l’immeuble se compose de plus de 300 niveaux. Le spectateur comprend que chaque personnage rencontré plus tôt n’avait aucune idée précise de ce qui se déroulait dans ce « centre vertical d’autogestion ». Baharat et Goreng sont blessés, agonisants et affamés mais continuent leur mission. Plus la plateforme descend plus la qualité du film en subit les conséquences.  

En réalité, comme par magie une petite fille se cache au dernier niveau. Elle est propre et ne semble pas si affaiblit, bien qu’elle ait faim. Le film commence alors à basculer vers une dimension christique. Comme on peut le remarquer plus tôt, des références nominales rattachent à cette problématique (Ramsès, Messie…) bien que la scène de fin en est le summum. 

La panna cotta, est l’aliment qu’il faut protéger pour prouver une entraide. Ce dessert si précieux est offert à l’enfant affamé. C’est un cadeau pour la jeune fille qui devient le message. S’ils renvoient quelqu’un, l’espoir pourra renaître et l’expérience sera terminée. Ainsi, Goreng endosse le rôle de Jésus, le fils de Dieu, se sacrifiant pour le salut de son peuple. Incontestablement, chacun possède des théories multiples sur cette fin. Pour aller dans le sens de cette critique, certains comparent ce sous-sol à l’Enfer et le sommet au Paradis. C’est un objectif majeur dans la libération des « habitants ». D’autres parlent de folie de la part des deux compagnons. Quoiqu’il en soit, le film bascule trop dans des clichés qui ne peuvent fonctionner au nom d’une critique sociale. 

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Le concept du film propose quelque chose d’original bien que mal exploité. C’est bien là le problème, le réalisateur reprend trop d’acquit empruntés aux films d’horreur gore tel que Cannibal Holocaust (1980) de Ruggero Deodato ou encore aux films sociaux par la lutte comme Snowpiercer de Bong-Joon Hoo cité plus haut.  

NOTE

4/10

Note : 4 sur 10.

Un scénario original qui bascule dans la banalité. Bien que l’atmosphère influe sur un spectateur, angoissé et dégoûté, ce long-métrage s’avère être une critique sociétale intense à la mise en scène peut concluante.  

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