Polytechnique de denis villeneuve

Polytechnique de Denis Villeneuve

Il y a des visionnages qui sont difficiles à terminer, par ennui, par inintérêt, que nous oublions facilement et puis il y a les films difficiles à terminer parce qu’ils nous touchent, nous bouleversent voire nous choquent. Polytechnique de Denis Villeneuve est un de ces films, impossible à oublier, viscéral et dont le visionnage noue la gorge et prend aux tripes.

Il est un de ces films où lorsque le générique de fin apparait, la bulle n’éclate pas, l’immersion reste présente, les larmes continuent de couler et le cerveau bloque sur ce qu’il vient d’enregistrer. Il est un de ces films où le sujet présenté dans sa neutralité, ce docu-fiction, devient un combat personnel, des idées et une existence qui m’appartiennent, que je partage et qui m’animent.

Alors ce film devient rapidement une obsession, du geste, de la caméra, des acteurs et de leur récit. Tout me fascine autant que ça ne me fait frissonner, balle après balle, femme après femme. Si le film offre ce regard impartial, sans jugement, une proposition d’observateur pour le spectateur, il m’a été impossible de ne pas me sentir impliquée, certes impuissante et voyeuriste mais totalement engagée dans l’émotion et le sensible, de retenir ma respiration, d’avoir peur, de sentir mon cœur s’emballer alors que j’étais si loin de cette école et de cette époque.

Polytechnique de Denis Villeneuve

L’antagoniste principal prend la place, occupe l’espace visuel et sonore pendant un long moment. Crescendo, la tension monte. L’inimaginable se dessine et je ne peux m’empêcher d’être concernée, d’être parmi ces femmes. Les enjeux en sont différents, je me projette comme étant Valérie, dans cette salle silencieuse où l’écho des tirs approche. Mon empathie s’intensifie pour Jean-François qui tente d’aider et finit par ne plus avoir la force de vivre avec ces images, ces mortes. Je suis submergée par eux, par ce désastre et cela, jusqu’à la fin du film.

J’ai été atteinte par les visuels, par le réalisme des images dans un noir & blanc qui pourrait paraitre atténuateur de la vision rouge du sang, du graphisme de l’horreur et qui au contraire rend encore plus sombre et profond la rougeur de ce liquide et de ce qu’il signifie. L’image me pèse, les mouvements de caméra fluides, suivant les personnages, limitent mon recul et prolongent la terreur de cette tuerie. Les contrastes de lumières renforcent la dureté de la situation et me maintiennent attentive, captivée durant les scènes plus calmes.

Finalement, la pluralité des points de vue, la neutralité froide de la réalisation, sans prise de position, m’ont permis de ressentir le palpable, le vraisemblable et le concret de cet événement, d’être plongée dans la longueur d’une atrocité que je n’avais encore jamais vue représentée aussi sèchement et de découvrir, au-delà d’une tuerie, les vies changées et meurtries de personnages qui me ressemblent, me touchent et auxquels je me suis identifiée.

Polytechnique de Denis Villeneuve

C’est la beauté du cinéma, c’est ici que réside ce qu’il y a de plus important dans le 7ème Art. Dans les émotions que j’ai ressenties et dans ces images gravées sur ma rétine, dans ces sensations physiques douloureuses que je n’oublierai pas et qui m’ont fait me dire : « tu as vu un grand film ».

Polytechnique m’a détruite, m’a demandé plusieurs semaines après son visionnage pour mettre des mots sur cette expérience, tant j’ai été bouleversée. Ce film m’a fait comprendre le pouvoir du cinéma. Et pour cela, merci Denis Villeneuve.

Polytechnique de Denis Villeneuve

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