Evil Dead, film d’horreur américain de 1981 réalisé par Sam Raimi avec Bruce Campbell, Ellen Sandweiss, Hal Delrich…

Premier long-métrage de Sam Raimi (réalisé à ses 20 ans) et produit pour 375 000 $, Evil Dead fut un succès commercial, rapportant 29 400 000 $, dont 2 400 000 $ sur le sol américain. Il conserve une côte de popularité assez intacte chez les cinéphiles, et il sera ici question d’étudier ce qui justifie cette popularité.

Si certains pointeront du doigt un certain amateurisme dû pour une partie à son budget, il s’agit plutôt d’un atout pour le film, qui lui permet d’accroître cette atmosphère poisseuse et « réaliste » qui le caractérise. En outre, son petit budget oblige les acteurs à tout jouer eux-mêmes (l’équipe du film était restreinte à 37 personnes) et participe à l’implication du spectateur dans l’histoire. Quand on voit un meuble tomber sur Ash (Bruce Campbell), on sent bien qu’elle est réellement tombée dessus et que sa réaction n’est pas jouée. Le budget joue donc un rôle crucial dans l’oeuvre, rendant certes certains effets assez désuets aujourd’hui, mais ancrant le film dans un espace-temps qui n’appartient qu’à lui, aussi daté qu’indémodable.

Sam Raimi utilise un principe usé des protagonistes de films d’horreur pour en tirer un film qui oscille entre le premier et le second degré sans jamais tomber dans la caricature. Personnages à la psychologie peu développée (hormis pour le personnage principal), sexualité, cadre dynamique, icônisation des personnages…. On est ici dans une écriture classique de ce type d’oeuvre, mais qui, dans tout ce qui l’entoure, se trouve extrêmement rafraîchissant.  Loin des canons des films fantastiques anglais des années 70 (avec leur psychologie très étudiée, et le classicisme de leur mise en scène), Sam Raimi propose un film qui, visuellement et dans le traitement du scénario, est en totale rupture avec les canons de l’époque.

Sa mise en scène, extrêmement étudiée et dynamique, offre des images mémorables et assez bienvenues pour le premier film amateur d’un réalisateur. Il use notamment du principe de la shaky cam, pour donner cette atmosphère lancinante et frissonnante au film. Visuellement, Raimi tente beaucoup de choses, et en réussit beaucoup également : mouvements de caméra « impossibles », utilisation impressionnante du cadrage, sens du décor et du déplacement des personnages… Le film possède une certaine singularité qui fait qu’il est encore aujourd’hui célébré, et offre de nombreux plans à valeur iconique.

Si le scénario peut être très rapidement résumé, il a au moins le mérite de proposer un second degré assez jouissif et surtout de faire preuve d’une certaine transgression : un week-end paisible se transformant en véritable cauchemar et où l’intervention du fantastique permet d’explorer des thématiques plus concrètes : la pertes des êtres chers, la solitude, où l’ambiguïté va jusqu’à la mise à mort de ses amis. Le film ose également une scène de viol par des arbres, ainsi qu’une scène mémorable où l’un des personnages se retrouve quasiment excitée par sa décapitation. Le film oscille continuellement entre un premier degré horrifique réussi et un second degré, tant le film peut à certains moments prêter à sourire (malgré lui parfois). Là est la véritable force de ce scénario, qui, pour éviter l’écueil de ce type d’horreur, joue sur deux tableaux en étant parfaitement réussi dans l’un comme dans l’autre.

Le montage, qui est l’oeuvre d’Edna Ruth Paul (assistée par ni plus ni moins que Joel Coen) offre également au film un rythme dynamique et effréné, en opposition claire avec les canons de l’époque. Ici, pas question de laisser un quelconque répit aux personnages et aux spectateurs, l’action est quasiment ininterrompue. Ceci associé au talent de mise en scène de Sam Raimi, donne une oeuvre au rythme dynamique, transformant une histoire somme toute banale en oeuvre d’une énergie folle.

Tout cela ne serait bien sûr pas grand-chose sans la performance hallucinée de Bruce Campbell qui, comme tout le reste du film, cabotine sans jamais tomber dans la caricature et parvenant, dans la dernière partie du film, à faire ressentir cette sensation d’isolement. Son implication à l’écran est palpable, ce qui est compréhensible étant donnée l’amitié qui le lie à Sam Raimi.

Si Evil Dead peut prêter à sourire eu égard de son visuel qui peut sembler avoir vieilli, il faut se rappeler le maigre budget et l’époque. Remettre le film dans son contexte, c’est s’ouvrir à une oeuvre incroyablement jouissive, dotée d’une mise en scène éclairée et d’un travail visuel impressionnant. Un film où chaque plan a une valeur iconique, transgressant ses limites et transformant un scénario banal en carnage jubilatoire, à base d’hectolitres de sang. Un bijou de film d’horreur qui continue et continuera, envers et contre tous, à traverser les âges et les époques avec la même aura.

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