Nous sommes allés à la rencontre de Pierre X. Garnier, directeur général du festival 7ème Lune, dont la 7e édition se déroulera à Rennes du 26 au 29 mars, mais également réalisateur du documentaire Terence Lewis, Indian Man et du clip Mumbai.

Ciné Maccro : Bonjour Pierre, comment allez-vous ?

Pierre X. Garnier : Très bien, merci de me recevoir.

C.M. : Terence Lewis, Indian Man a déjà eu une première séance au Grand Rex (le 17 janvier dernier, ndlr), une deuxième arrive prochainement, le 4 avril, qu’est-ce que ça vous fait de voir votre film en salles ?

P.G. : Déjà, c’est parti d’une projet il y a un an et demi, et je n’aurais jamais imaginé faire une séance au Grand Rex à 24 ans ; c’est vrai que le Grand Rex, même si je viens de Rennes, c’est une salle connue de la France entière, voir internationalement ! Faire une séance là-bas, complète, avec tous mes amis, mes proches, c’était impensable et incroyable. Il y aura une deuxième séance le 4 avril à 20h, et se sera que du bonus. C’est génial de pouvoir partager ce film, ce documentaire pas simple, d’auteur contemplatif, à des français qui ne connaissent pas Terence Lewis de base.

C.M. : On sait que le cinéma indien n’est pas très exposé en France ; est-ce que vous trouvez qu’il s’agit d’un bon signe que les français s’intéressent à votre documentaire et au cinéma indien ?

P.G. : En fait, je pense que ça s’est un peu fait naturellement ; mes amis, ou les gens qui sont venus voir la séance, sont venus non pas parce qu’ils connaissaient Terence Lewis, méconnu en France, non pas parce qu’ils connaissaient l’Inde, puisque la plupart n’y sont jamais allés, mais parce que depuis un an je leur teasais sur les réseaux sociaux mon amour pour l’Inde et ma fascination pour Terence Lewis, Bollywood, la culture, la danse,… En fait, j’ai l’impression que cela crée tout de suite un intérêt. Je parle beaucoup à mes proches de mes moments en Inde, des musiques indiennes, des danses indiennes, du cinéma indien, et au final c’est totalement méconnu ! Il y a un potentiel énorme, et c’est tellement riche à découvrir que ça crée de l’intérêt.

C.M. : Comment, en tant que jeune cinéaste français, arrive-t-on à faire un documentaire sur une star d’un pays étranger ?

P.G. : Pour le coup, l’histoire est assez rigolote. J’étais, il y a trois ans et demi, dans un camping en Corse ; un soir, je ne travaillais pas, et ma patronne m’appelle à la réception, et me demande si je peux venir car il y a un problème avec un indien et je parle anglais. Je vais à la réception et je dois dire à cet indien que son bungalow n’est pas disponible, et qu’il n’a aucune place à Porto-Vecchio, et le seul truc que je peux lui proposer, c’est une tente. Je dois expliquer ça à cet indien de 42 ans, très charismatique, qui me répond avec beaucoup de gentillesse : « une tente ? ça va être une expérience, aucun problème ». De fil en aiguille, je parle avec ce type, et j’apprends qu’il est danseur, et au bout de 30 minutes, il me parle de cinéma, de Godard, d’Amélie Poulain, de Nietzsche, me prenait ma main pour me parler de la vie, et je suis resté 4/5 heures avec lui finalement. Avant d’aller me coucher, je tape son nom dans Google, et je vois qu’il a trois millions de followers sur Facebook, un million sur Instagram, que c’est une immense star. Au final, cet indien est resté une semaine dans le camping où je travaillais, on devient ami. Par la suite, je l’invite à 7ème Lune, mon festival, en tant que juré, et grâce à lui j’ai pu aller quelques fois en Inde, découvrir et tomber amoureux du pays. Je me suis au fur et à mesure rendu compte que Terence est une star, mais pour moi c’est un grand frère, je l’appelle Uncle T, même s’il n’aime pas trop ça. C’était une rencontre totalement au hasard qui a donné un film et d’autres collaborations j’espère.

C.M. : Vous parlez d’autres collaborations, cela veut-dire que d’autres projets sont en cours ?

P.G. : J’ai tourné le documentaire il y a maintenant un an et demi ; après les avant-premières françaises, je partirais en Inde fin avril-début mai pour des avant-premières à New Delhi et Mumbai, en présence de Terence et de mon équipe. Je reviens tout juste de 25 jours en Inde où j’ai pu réaliser un clip, celui de la musique du documentaire, où Terence apparaît 30 secondes. En fait, on voit une actrice, qui est la chanteuse de la musique, pendant 4 minutes, et les 30 premières secondes, on la voit avec Terence. Je n’en dis pas plus, il sortira fin avril ! C’est une première collaboration après le film, et de la fiction cette fois-ci, puisque je l’ai fait joué. En tant que documentaire, je le suivais tout le temps, je ne le mettais pas en scène comme ici. C’était assez intéressant de voir sa réaction ; il a une grande carrière dans la danse, 45 ans bientôt, mais il souhaite passer dans le cinéma, c’est son rêve absolu. Ca m’a permis de le tester, de me tester, puisque j’aimerais pouvoir continuer à faire des films en Inde, pourquoi pas le faire jouer dans un film bollywoodien prochainement, on verra. C’est un grand frère spirituel et artistique, j’ai énormément de respect pour sa carrière dans la danse, grâce à lui j’ai eu énormément de portes ouvertes en Inde, c’est une vraie chance qui va se poursuivre, j’espère.

C.M. : Quel état des lieux faites-vous du cinéma en Inde par rapport à la France ? Votre oeuvre peut-elle réconcilier les français avec le documentaire ou avec l’Inde ?

P.G. : Je l’espère. En Inde, il y a très peu de documentaire, et principalement des documentaires commerciaux sur les stars. J’ai plutôt fait un documentaire auteuriste, à la manière de Depardon ou de Wiseman. L’Inde reste le premier producteur de cinéma au monde, avec près de 1.000 long-métrages par an, notamment à Mumbai City, qui est un endroit spécifique que pour les tournages à Mumbai, une sorte de colline avec des centaines de studios. J’y suis allé d’ailleurs il y a quelques jours. En Inde, le cinéma va très bien, il se diversifie ; il y a cette grosse culture Bollywood, avec ces fameux films façon comédie musicale, et il y a tout une jeunesse inspirée de la Nouvelle Vague française qui arrive, qui commence à faire des films d’auteurs. On a vu récemment Lunch Box, il y aussi eu Monsieur qui est sorti il y a un an… Il y a toute une nouvelle génération, amené notamment par Anurag Kashyap, le réalisateur de Gangs of Wasseypur, une génération qui fait des films qui ressemblent à Pialat ou à Truffaut, des films sociaux inspirés de la Nouvelle Vague. Alors que nous en France, on est plus du tout dans cet aspect-là. En France, on a une vraie culture du documentaire, mais malheureusement pas assez en salles, et des films qui restent trop méconnus. C’est pour cela que je défends les plateformes, parce que j’ai plein de proches qui découvrent des documentaires sur Netflix, et je trouve que c’est une très bonne chose. On aurait dû voir bien plus souvent des documentaires à l’école, ça nous aurait bien plus apporté que des manuels scolaires où il y a des textes chiants à lire. Je suis en tout cas très heureux de proposer ce documentaire en salles et que les gens viennent le voir, et j’espère en faire d’autres d’ailleurs.

C.M. : Vous parlez de salles : est-ce que l’on peut s’attendre à une sortie nationale après ces avant-premières ?

P.G. : C’est malheureusement impossible. Déjà, le documentaire fait 52 minutes, c’est un vrai frein. Il y a très peu de documentaires qui sortent en dehors de Paris ; en province c’est déjà assez compliqué, à Paris il y a des exploitants comme MK2 qui font un gros travail là-dessus et des supers distributeurs. Mais, aucune chance en dehors les séances spéciales comme au Cinéma Arvor de Rennes, à Marseille ou à Lyon, ou en festivals. D’ailleurs, j’ai le même souci en Inde, à savoir qu’un documentaire de 52 minutes n’est pas exploitable, même si je fais plusieurs séances uniques. Il sera vendu sur une plateforme en Inde, et en France peut-être je l’espère, mais en tout cas je vais faire en sorte de montrer en salles car c’est un vrai documentaire de salle je pense.

C.M. : Vous êtes le directeur du festival 7ème Lune : quel pont peut-on faire lorsque l’on est cinéaste et directeur de festival ?

P.G. : Je suis un tout jeune cinéaste, et c’est l’opportunité de ma rencontre avec Terence qui m’a fait réaliser, et je pense que je vais continuer. Mais, l’idée, quand j’ai crée 7ème Lune avec José (Revault, ndlr) il y a 7 ans, c’était de mettre en avant les jeunes réalisateurs de moins de 30 ans, et c’est toujours le cas. Sauf qu’en 6 éditions, de nombreux réalisateurs sont passés, à nos yeux les meilleurs au monde évidemment. Depuis de nombreuses années donc, on aimerait monter notre boîte de production pour produire les talents qui sont passés à 7ème Lune avec qui on a désormais une relation amicale, on a quelques scénarios en stock, avec notamment un long-métrage d’un réalisateur primé à 7ème Lune l’année dernière et qui se déroulera au Cachemire.

C.M. : Peut-on donc s’attendre à faire de belles découvertes lors de la prochaine édition de 7ème Lune ?

P.G. : La sélection n’a, honnêtement, jamais été aussi élevée et homogène. On a 9 court-métrages, 5 long-métrages, la plupart des réalisateurs seront normalement présents, ils viennent du Portugal, de Malaisie, de Suisse, de Belgique… Il y a un très gros cru ; en terme de court-métrage, je n’ai jamais été aussi impressionné. On a reçu 5.400 films, dont 400 long-métrages, de réalisateurs de moins de 30 ans ; ils n’ont pas de moyens, ils font un court ou un long, c’est génial ! Je ne peux que vous encouragez à venir les voir, c’est des claques à chaque fois. On est dans une ligne éditoriale très exigeante, où le budget importe peu, on a des films à 1.000€ de budget, d’autres à 150.000€, on a essayé d’aller dénicher les talents un peu perdus dans le monde entier, pas encore passé dans les festivals mais qui sont des pépites, et on prend grand plaisir à montrer leur film.

C.M. : Merci Pierre. On pourra donc vous retrouver à 7ème Lune du 26 au 29 mars, avant de nouvelles séances de Terence Lewis, Indian Man au Grand Rex notamment courant avril et la révélation de votre clip à la fin du mois d’avril !

Interview réalisée par Antoine C., le 4 MARS 2020 à RENNES

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